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L'écrivain est monté dans l'autocar. Il indiqua sa destination au chauffeur et lui régla les trois francs cinquante du voyage. Les sièges étaient éparsement occupés, il s'installa dans une des premières places. Le chauffeur lui avait dit qu'il lui indiquerait l'arrêt de sa destination. Il ne la conn...

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Autocar

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L'écrivain est monté dans l'autocar. Il indiqua sa destination au chauffeur et lui régla les trois francs cinquante du voyage. Les sièges étaient éparsement occupés, il s'installa dans une des premières places. Le chauffeur lui avait dit qu'il lui indiquerait l'arrêt de sa destination. Il ne la connaissait pas ou du moins, il en connaissait le nom mais ne s'y était jamais rendu. Il voulait trouver là-bas le calme et l'isolement. Son écriture était en panne.

L'écrivain monta dans l'autocar rouge et beige. Il avait enlevé sa veste, ce début juin était déjà chaud. Les passagers le regardèrent, certains l'observèrent attentivement, d'autres détournèrent la tête, un homme au fond, chapeau sur la tête semblait masquer son visage.

Dans l'autocar ahanant, soufflant et ronflant, surchauffé dans ce presque été déjà chaud, une femme portait un panier sur ses genoux d'où sortait la tête d'un canard. Elle parlait fort à un homme pourtant assis juste à côté d'elle, un maigrichon à la mèche plaquée sur le front.

L'autocar dans lequel l'écrivain était assis ne s'arrêta pas aux hameaux suivants. Soudain des cris perçants déboulèrent de l'arrière du car, l'écrivain se retourna et aperçut alors une bonne dizaine de têtes d'écoliers qu'ils n'avaient pas remarqués en montant, comment s'étaient-ils trouvés là ? Peut-être étaient -ils trop petits pour dépasser des sièges et pour les apercevoir à la montée. Ils piaillaient, riaient, comme le font des écoliers insouciants.

Quand l'autocar était arrivé à l'arrêt où était monté l'écrivain, celui-ci avait cru voir apparaitre un char d'assaut car un long tube d'acier dépassait du toit, tel un canon menaçant et agressif. Tu comprends a dit à un type en bleu de travail à un autre type en bleu de travail qui était assis de l'autre côté de l'allée centrale, tu comprends il lui dit, j'ai filé un billet au chauffeur pour pouvoir charger mes buses sur le toit, ça m'évite de payer un transporteur, et c'est tout pareil à l'arrivée.

L'écrivain voulut sortir son petit carnet de la poche de son pantalon comme il en avait l'habitude pour prendre quelques notes du voyage mais il était engoncé et ne parvenait pas à le sortir. Il était pourtant seul sur sa banquette et aurait dû être à l'aise pour ce faire, mais la poche résistait, il ne pourrait pas écrire. Il essaya d'observer les voyageurs pour se souvenir. S'inclinant légèrement, il croisa le regard de la femme au canard, le canard avait maintenant la tête penchée et l'œil vitreux, la femme le fixa avec insistance, il se sentit mal à l'aise, comme s'il était coupable mais ne sachant de quoi. La femme murmura quelque chose à l'oreille du maigrichon, collé à elle, qui portait un béret incliné sur le côté.

Dans la chaleur étouffante, l'écrivain suffoquait, il se leva pour ouvrir la petite fenêtre placée au-dessus du siège, les sièges étaient presque tous occupés maintenant, d'où venaient-ils tous ? Etaient-ils si petits qu'ils ne les avaient pas aperçus en montant ? Désormais, ils parlaient fort, certains riaient, d'autres maugréaient, quelques éclats de voix, un homme parla de pêche et raconta qu'il avait pris ses gaules.L'écrivain ne savait pas combien de temps durerait son voyage, il avait oublié de le demander au chauffeur et il ne voulait pas le déranger pendant que celui-ci conduisait, il aurait bien interrogé un passager mais il lui aurait fallu se lever et passer devant la femme au canard. Il n'osa pas. Une voix égrillarde cria, « encore une heure », comme si elle avait deviné sa pensée puis la voix entonna un chant dont les premières notes rappelaient vaguement la Marseillaise.

Le paysage était vallonné mais ne ressemblait pourtant à rien de ce qu'il connaissait, sans doute parce qu'il venait de la ville, qu'il y avait toujours vécu et que la campagne lui semblait être un monde inconnu, voire étrange. Même les hameaux qu'ils traversaient avaient des allures endormies de mauvais conte, avec des façades resplendissantes de grisaille et de volets clos. Le vacarme à l'intérieur de l'autocar devenait de plus en plus intense, quelques gifles volèrent et des écoliers se frottèrent les joues tout en jurant à demi-mots, une bouteille fut ouverte en faisant éclater le bruit du bouchon qui sautait, une femme qui semblait déjà ivre leva une jambe en clamant « Vive la mariée » et elle ajouta, «et tout ce qui va avec ». Un jeune homme lança sa casquette en l'air et joua du mirliton. On entendit crier « Vive la liberté ». Le maigrichon se ratatinait de plus en plus et le canard était tout à fait inconscient à présent.

L'écrivain ne parvenait pas à se souvenir de tout, il y avait là trop de vie, trop de mouvements assis, trop de paroles débitées. L'autocar tournait dans les virages comme un navire naviguant au près, les bords penchaient d'un côté, de l'autre, l'odeur de vomi tanguait du fond du car à chaque lacet, la bouteille de vin circulait de rang en rang et chacun y gouleyait de bon cœur, la bouteille parvint jusqu'à l'écrivain qui l'esquiva, le chauffeur ne fut pas en reste pour y goûter, des chansons à boire arrivaient par vagues incessantes, le ressac des plaisanteries grivoises faisaient rouler les rires dans les gorges grasses, c'était de la vie en paquet de douze, les écoliers fumaient maintenant des cigarettes roulées pour se donner des airs d'homme, les femmes écartaient les pans des corsages trop serrés et les hommes déboutonnaient les ceintures de pantalon pour gonfler à l'aise leurs ventres rebondis.

L'autocar était rouge de sueurs et beige de crème au beurre, du vrai beurre, il fonçait tant qu'il pouvait du galop de ses chevaux mécaniques huilés, le chauffeur fouettait ardemment l'accélérateur et la foule des passagers l'accompagnait de vibrants « Chauffeurs, si t'es champion, appuie, appuie sur l'champignon ». Un couple sur la banquette arrière avait laissé tomber tous ses vêtements et sans pudeur se donnait tout le plaisir qu'il fût possible à la mesure des hurlements de sirène et des grognements qu'il laissait échapper, sous les gloussements des écoliers devenus barbus et envieux. Le maigrichon avait disparu dans son béret. Le canard était entièrement plumé et la femme y plantait avidement ses dents jaunies.

L'écrivain avait perdu son alphabet, la vie était trop pleine, trop dense, débordant les sièges de tissu, les banquettes et les vitres, le soleil de juin avait trop chaud, il transpirait d'éclats de lumières aveuglantes, les peaux étaient rouges, cramoisies, brûlées, les têtes explosaient, les corps se désarticulaient, l'écrivain était terrifié.

L'autocar s'arrêta brusquement, un coup de frein inattendu, brutal. Le chauffeur se retourna vers l'écrivain. « Vous êtes arrivé ». L'autocar était garé sur la place d'un bourg désert, unefaçade grise de café semblait étrangement muette. L'écrivain se leva, il descendit lentement du car et avant que de sortir, jeta un dernier regard à l'intérieur. Il n'y avait plus de passager.

Il passa la dernière marche, l'autocar redémarra et fila. En tournant au coin le la place, il laissa apparaitre le panneau indicateur du village. Oradour sur Glane.

Jean-François Dietrich

Cupidité

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Commentaires 2

Jean-Francois Dietrich le jeudi 2 janvier 2025 17:35
Invité - Camille L. le lundi 30 décembre 2024 16:41

Trop d’imagination, l’écrivain !
Génial, Jean-François

Trop d’imagination, l’écrivain ! Génial, Jean-François
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