Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Gina SAERENS
06 mai 2025
Textes d'ateliers

Ils crient. Ils boivent. Ils gesticulent. Que des hommes. Que des soldats. Ils se sentent forts. Forts d'être des hommes. Forts d'être nombreux. Forts d'être encore vivants. Un moment de trêve. Un moment où il est possible d'oublier la souffrance. La peur. L'horreur. Ils sont à l'abri de la guerre. ...

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Sylvie Reymond Bagur Les sentiers de la gloire Epilogue
23 avril 2025
Pour voir la scène dont le texte est une adaptation : https://www.youtube.com/watch?v=0jvmvJ0TkKo Me...
Invité - Claire Pasquié Les sentiers de la gloire Epilogue
23 avril 2025
N'ayant pas été présente à cet atelier, je crois avoir compris qu'à partir d'une scène visionnée, le...
Invité - Claire Pasquié Mario
11 avril 2025
Le ton est plein d'une simplicité et d'une authenticité que j'apprécie beaucoup. Il y a des détails ...

Derniers articles de mon blog : conseils d'écriture, exemples, bibliographies, mes textes...

10 mai 2025
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Voici le premier chapitre de mon roman Sève d’automne. La scène est construite comme une superposition, une imbrication de temps différents, c'est d'ailleurs l’un des procédés  autour desquels est construit ce roman. Plusieurs temps sont mêlés, dans le présent - celui du retour- se glissent le passé, le futur incertain qui surgissent à la faveur d'éléments concrets ou imaginaires de la scène : la route, mais aussi le paysage, les objets, les visages, les corps, les pensées, les émotions, les mots…« Entre les pieds, une coulée de poussière recouvre quatre années, plus de quatre années ensevelies dans un mélange de pierres et de graviers. Entre les deux travées mal jointes du sol de la charrettedéfile le même chemin, comme à rebours, le chemin du retour. Plus de quatre ans et la même route, une charrette semblable ou presque, le même chaos des roues de bois, les cris du cocher qui hèle la lenteur des chevaux et des pensées qui flottent comme des fantômes. Le nuage de poussière de la terre sèche d’août, l’enthousiasme, le devoir à accomplir, battre les boches, ces salauds de boches ! Et, tout au fond, l’inquiétude du paysan pour la moisson qu’on n’a pas fini de rentrer sans compter celle que l’on ne s’avoue pas, l’inquiétude de l’homme qui ne sait pas ce qui vient…Des pensées si lointaines, des images, de simples images, elles le feraient presque sourire s’il n’y avait pas les autres, plus proches, plus tenaces, trop vives, trop douloureuses pour les porter comme de simples souvenirs. La mort, oui, il a vu la mort, il a tué des hommes et il a vu souffrir. Et e jeune homme montant d’un bond pour rejoindre le front, pressé de se jeter sous la dent de l’Histoire, ce jeune homme qui se serait engagé si on ne l’avait pas appelé, il voudrait lui tendre la main, l’accueillir, mais déjà il s’estompe, ami lointain, celui qui est parti, tout neuf, il y a quatre ans, où est-il maintenant ? Il ne le comprend plus, cet autre, cet étranger qui lui ressemble, plus étranger encore que tous ces boches qu’il a bien fallu surveiller, attaquer, ceux qu’il a vus de près ou simplement aperçus, paysans comme lui, paysans d’ailleurs maintenant quelque part sur d’autres chemins du retour. Le jeune homme naïf s’éloigne et la route défile. Reste la dureté du sol froid de janvier qui craque sous le poids des hommes qui reviennent.La route. Comme à l’aller, ne pas la regarder. Ne pas lever les yeux pour ne pas voir la distance qui s’installe. Rester concentré sur elle, Rachel, sur le souvenir de son visage, le parcourir, encore et encore pour l’imprimer. Garder pour les jours qui s’annoncent, les jours au loin, la courbe de son buste nu, levé, offert et laisser venir toute cette chaleur, toute cette douceur douloureuse de la recherche du plaisir. Ne pas regarder la route pour qu’elle reste la même, pour pouvoir la refaire à l’envers, la remonter, y remonter le temps, s’accrocher le regard au plancher de bois, à la trainée du sable comme tant de fois depuis il s’est accroché aux sillons d’une photo passée, photo de mariage tant de fois dépliée, repliée sur son cœur dans une page qu’il avait arraché au Livre. Le grain des mots tournique encore, malgré le froid, malgré tout ce temps qui défile, « qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car ton amour vaut mieux que le vin, tes parfums ont une odeur suave ; ton nom est un parfum qui se répand… », des mots écrins qu’il avait choisis pour cette unique preuve, une photo creusée jusqu’à la déchirure par l’envie de croire à la magie des objets, au pouvoir des gris-gris de nous emmener avec eux, pour s’échapper un peu, pour défier l’absence. Il l’a perdue depuis.Les hommes sont silencieux. Parfois, entre eux, se glisse un regard inquiet. Peut-être sont-ils les derniers à rentrer ? Les plus vieux sont revenus d’abord, puis les gradés, les « diplômés », les gros propriétaires, ceux qui ont des relations, les mêmes, toujours, ceux qui n’étaient pas en première ligne et ne rentrent pas en charrette. Alors, la victoire ? Peut-être. La justice ce sera pour une autre fois, mais, qui a pu vraiment y croire ? Juste la fin d’une guerre et le droit de se taire. Non, ils ne sont pas les derniers, bien d’autres attendent encore. Çà et là, quelques mots, « Tu vas où toi ? » et puis, chacun retombe dans son silence, habité, de loin en loin, par les couinements de la charrette.Il écoute, il entend ce bonheur silencieux, plutôt, il le devine, retenu, fragile comme le sien, un bonheur indécis, vague et soucieux de tout ce qu’ils voudraient retrouver, de tout ce qui a dû changer. Pas de geste d’impatience, miettes branlantes secouées par la route, recrachées par l’Histoire, ils sont bien trop étonnés d’avoir pu s’échapper du ventre du monstre. Sont-ils heureux ? Ils le devraient pourtant, ils rentrent chez eux, enfin ! Heureux comme ces chevaux harassés qui hument l’odeur de l’écurie, pourtant trop vieux pour ne pas y flairer comme un relent d’équarrissage. Que faire de tout ce temps qui s’est passé sans eux ?Il écoute et il se voit, se reconnaît dans ces mines grises. La guerre a retaillé les traits comme elle a modelé les paysages. À côté de lui, un presque gamin, enfant perdu dans sa redingote bleue dont la manche cousue tente de faire oublier un moignon. Même lui, même les jeunes, ils sont vieux, vieux pour toujours. Sur leur visage de champ de bataille, une sorte de fatigue qu’il connaît bien, celle qui ne s’efface pas dans le sommeil et fait de chaque nuit un douloureux voyage. Pourtant, il voudrait dormir un peu, il le faudrait pour reprendre des forces, un peu de toutes ces forces perdues le long de cette interminable route depuis le centre de l’Allemagne, le début à pied, les trains, les nuits sur un banc glacé dans le brouillard hostile d’un pays vaincu, les gares indifférentes aux noms gutturaux, les bousculades pour monter dans un wagon déjà trop plein, les compagnons de route à qui il n’a pas eu besoin de parler, un haussement d’épaules suffisait, « c’est le bordel » et tout le monde le savait. Et tout le monde s’en fout, surtout là-bas, de l’autre côté. Rien ne leur a été simplifié, des papiers, obligations administratives à n’en plus finir, si peu de prévu pour eux saufdes attentes dans des camps de transits.Et puis, et c’est peut-être cela qui l’empêche de s’endormir, pas le banc de bois dur ni même les cahots de la route, mais une colère qu’il retient depuis qu’il a passé la frontière, une colère qui grossit, se nourrit des regards suspicieux, des visages qui se ferment, des questions. Découvrir qu’il gêne, qu’il ne rentre pas dans les cases de l’enthousiasme et dans l’image du poilu. Qu’importe la faim, les pieds gelés, l’humiliation, il n’est pas un soldat vainqueur, il s’est rendu à l’ennemi, une année de camp a suffi pour effacer ses trois années de front. Qu’est-ce qu’il aurait fallu ? Crever ?Ajouter son nom à la liste pour mériter les remerciements ? Un prisonnier, c’est cela qu’il restera, une souffrance sans gloire, un mot qui s’est collé à lui comme une tare.La route monte maintenant. Partout, sous les troncs noirs dénudés par l’hiver, comme un vieux souvenir d’été, le tapis épais de feuilles de châtaigniers s’efface sous le givre comme les souvenirs s’effacent sous l’envie de se rappeler, souvenirs tant ressassés, usés d’avoir trop servis, usés par l’envie d’espérer, les envies de survivre qui se sont frottées à eux comme à des talismans précieux jusqu’à ne plus en laisser qu’une transparence vague. Alors, il faut lever les yeux, regarder et accepter de voir son pays courir, nu, de chaque côté du chemin. S’il était revenu plus tôt, il aurait pu sentir l’odeur d’humus si particulière de ses sous-bois, une odeur de mousses crépues où, parfois, se dresse un cèpe fanfaron, l’odeur des châtaignes qui germent dans la bouche entrouverte des vieilles bogues moites, l’eau lui vient à la bouche… Mais, partout, des troncs noirs tordent leurs bras maigres vers le ciel, une nudité qui lui en rappelle d’autres. Désolation, c’est le mot qui lui vient. Non, ce n’est pas cela ! Ici les arbres se reposent, savent que le printemps va venir, ce n’est qu’un peu d’humilité face à la force de l’hiver. Et puis, pour poser son regard, il lui reste la roche. Telle une belle dame qui laisse glisser son manteau pour mieux dévoiler ses joyaux, partout, sur les pentes, les murets, les falaises, la forêt d’hiver montre sa parure de schiste. Et, dans ce geste, ilreconnaît sa générosité secrète. Pour celui qui ne la connaît pas, la vallée paraît sombre, encaissée, il faut être né là pour savoir s’éblouir de l’éclat des cristaux de quartz et de mica nichés dans la pierre noire, bien la connaître pour être fier et se sentir content de la nuance rousse qu’elle a su ajouter au gris sombre du schiste. Si l’on sait voir, alors, comme ce soir, tout brille au fond de sa petite vallée. Ici, la richesse, il faut l’apprivoiser, savoir tirer son bonheur de la vigueur d’un ruisseau, jouir de la rondeur fripée d’un tronc de châtaignier. Son pays, il a fallu qu’il parte loin pour le désirer, c’est là-bas seulement qu’il a compris combien il était riche, de cette richesse secrète des petits coins de montagne.C’était pendant les longues nuits de veille dans les tranchées avec le soldat René. René, disparu, volatilisé quelques mois plus tard. C’est avec cet homme dont il ne reste peut-être rien d’identifiable qu’il a découvert la poésie des Cévennes. René lui parlait de sa région, les Basses Alpes avec des mots doux et beaux. En vérité, il ne parlait pas, il disait des mots et ça chantait malgré le bruit de la mitraille, ça recouvrait presque la peur. Alors, lui aussi s’est mis à parler et il a trouvé des mots, des mots inconnus qui sont sortis de son amour pour sa vallée, pour seschâtaigniers et les crêtes bleutées et il la ramène avec lui, sur la charrette, cette possibilité nouvelle de dire des mots et d’en adoucir le monde, en effeuiller les détails avec gourmandise comme un amant sa marguerite. Des mots pour découvrir ce qu’on a toujours vu, car l’on voit tellement mieux quand on cherche ses mots pour raconter à un ami qui vous écoute. René, René… Il redira souventce nom, avec toute la vibration de mots et d’images qui entoure son souvenir. Se souvenir ? Mais pas de tout, sinon il faudrait réussir à coller ensemble l’image de cet homme, une image grande comme l’univers qu’il avait en lui, souriante, puissante comme cette imagination qui coulait comme un flot et vous entraînait sur les pentes de ses collines et puis le rien, la disparition violente, René déchiqueté, sanglant, enseveli. Recoller cela ensemble ? Il ne faut pas essayer et tout se fond pourtant dans la poussière du chemin et du temps, tout devient flou,l’image de René, son sourire malicieux, ses yeux, comment étaient ses yeux déjà ? La charrette saute sur une ornière, il se cale au fond du banc, s’accroche au montant de bois. René et son sourire se sont envolés comme des anges. Des anges… Le mot est ridicule ? Et se tirer dessus pour rien, et puis, un jour s’arrêter, pour rien non plus, ce n’est pas ridicule ? Il lui parlera de René, c’est sûr, et des livres que René lui a fait connaître ; il les commandera et les lira pour elle qui ne sait pas bien lire. Il aime cette idée, faire revivre René, en lui, entre eux. Mais, tout seul, saura-t-il retrouver les mots sans la présence de cet homme poète ? Oui, l’élan est là, il le sent, la poésie c’est un peu comme l’amour, ça vient de l’inconnu et ça vous fait comprendre et aimer le monde.Alors, il n’a plus peur, son pays, il faut le regarder en face, l’aimer tel quel, pauvre, humble, rétréci sous le gel et mettre tout l’amour possible dans la caresse de son regard. Rochers, souches mortes, pentes raides, rien pour se cacher, un pays comme un homme seul sous la mitraille. L’amour de son pays en prélude de l’autre et quel beau mot prélude ! Il faudrait réussir à faire de ces années un formidable prélude, profiter de chacun de ces instants comme on jouit des sinueux préludes de l’amour. Tout aimer, les virages, les pointes dans le dos, le bois du banc qui s’insinue dans les fesses trop maigres, aimer la mauvaise soupe, la paillasse pourrie et même les tranchées ! Tout ce qui a fait passer ce temps, tout ce qui l’a rapproché d’elle. Et puis, ce temps n’a pas été perdu, il ramène des idées pour mieux vivre et pour s’occuper d’elle. Il rapporte avec lui des idées d’ingénieurs, de gens de la ville, de ceux qui sont instruits et qui ont voyagé. C’est un peu prétentieux, mais il se sentait bien avec eux. Où sont-ils maintenant ? Sur quelle route ? Dans quelle tombe ? Ses yeux se ferment. S’absenter, un instant, enfin. Penser au prélude… Et puis, une explosion, une remontée d’amertume, un son gras qu’il étouffe très vite d’un bras en travers de la bouche, il n’a pas ramené que des poèmes, mais aussi des poumons avec des cicatrices, un souffle court depuis ce moment où, dans la tranchée, l’air s’est mis à vous brûler de l’intérieur, l’impression d’étouffer et le besoin d’air qui vous oblige à avaler le gaz qui éclate dans la poitrine comme une giclée d’acide. Une douleur mal soignée dans un camp ennemi et qui le brûle encore, revient à chaque quinte. Il faudra continuer à se battre, il le sait, réprimer chaque fois que ça monte, se rue dans sa gorge, éructe,révèle le corps abimé et l’épuise. Puis, cela passe.Sur les bancs de bois, les hommes sont calmes et leur silence se bringuebale par les petits chemins des Cévennes. Les forêts n’ont guère changé, un peu ensauvagées, mais pas tant que ça. Des roncesse sont installées dans le sous-bois et des genêts y caracolent, premiers profiteurs de l’abandon. Çà et là, des pans de terrasses se sont éboulés, mais tout cela va changer, les hommes sont de retour. Enfin, ceux qui sont vivants. Ce qu’il en reste. Louis n’a pas besoin de les regarder pour savoir le délabrement des corps vidés de leur substance, il voit ses mains, deux brassées de bois secs abandonnées sur ses genoux, bouts d’os noueux, fantômes de mains posées sur des fantômes de cuisses, formes absentes qui hantent un pantalon qui gondole, le cadeau offert au camp de Nîmes «Au titre d’ancien combattant de la patrie », après moult consultations, hésitations et « malgré son statut de prisonnier libéré », de demi-traitre, semblait dire l’air dédaigneux de ces planqués derrière leur comptoir. Il a suffi de quelques heures pour que la maigre teinture du vieil habit militaire laisse affleurer une vilaine couleur bleue, défraîchie, tâchée, de sang peut-être. Il a beau savoir que le tissu manque, tout de même, ça fait mal cette reconnaissance au rabais. Plutôt rien, il aurait préféré rien plutôt que ce don humiliant. On veut bien vous offrir, mais il ne faut pas quecela coûte trop cher, une reconnaissance qui calcule ! Est-ce qu’ils ont calculé eux, les soldats ? Sa jambe gauche tremble, un tremblement incontrôlable qui vient quand il s’énerve comme si ellevoulait intervenir, souligner une urgence, un désir inexprimé, l’inexprimable.La route monte plus fort maintenant, la charrette peine, les efforts des chevaux pèsent sur ses épaules, écrasent son cerveau. S’il pouvait ne plus penser, s’abandonner aux hoquets de la route, se contenter d’être là, vivant, rentrer, recommencer la vie d’avant. Et pourquoi n’a-t-elle pas répondu à ses lettres ? Elle ne sait pas très bien écrire, mais… Et puis il y a le noir, le dur et tous les autres, ceux qu’il a croisés, les vivants et les morts. Comment se reposer alors qu’il les sent, là, tous, sur la charrette avec lui, innombrables visages, des cris, des paroles et des morceaux de corps ? Se laisser bercer par les cahots de la route, les chaos de la vie, sa route sinueuse, les trous, les bosses, la guerre, le monde qui s’est ouvert, se délester un peu de tout ce qui se bouscule, des horreurs et des rencontres, se reposer sur sa seule certitude, le goût fort de la vie dans sa gorge à vif qui espère tant de ce retour. Il gagne son refuge et quelque chose le rassure, il sait ce qu’il ne veut plus faire, ce qu’il ne fera plus. Plus de violence. Plus de haine. Cela se dit en un seul mot, la paix, il l’a gagnée, il veut la paix, il y a droit, non ?Et puis, sous la poussière des guerres et des voyages, enfoui, caché sous leur nuage, il sait qu’il reste le chemin, toujours le même, le chemin qui le ramène chez lui. Il s’assoupit.»        {loadmoduleid 197} 
10 mai 2025
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Raconter peut se faire chronologiquement, en respectant l’ordre des évènements racontés ou en jouant avec cet ordre, en inversant par des flashbacks (analepses) ou inversement, prolepses (anticipations). L’on peut placer chaque histoire, chaque moment, dans des chapitres différents, qu’il est possible de relier en donnant l’impression d’un lien temporel comme dans le Maître et Marguerite de Mikhail Boulgakov. Mais l’on peut vouloir faire se rencontrer, se tisser deux temps différents à l’intérieur non plus d’un même livre, mais d’un même texte. L’écriture qui ne peut se faire que de façon linéaire, c'est-à-dire un mot à la suite de l’autre, doit trouver des astuces pour y parvenir. Un petit détour par le cinéma et son vocabulaire peut se révéler intéressant pour comprendre les procédés qui sont en jeu dans cette imbrication des temps.   Une conception cinématographique de la narration ? Certes, la littérature n’a pas attendu la naissance du cinéma pour jouer avec la temporalité, cependant, le développement du cinéma, de ses techniques et de son vocabulaire a mis des mots sur ces questions et il a inventé des solutions nouvelles. La gestion de l’espace et du temps de la narration a été au cœur de l’avènement du cinéma en tant qu’art. On peut dire que le « cinématogaphe » est devenu le cinéma quand la caméra n’a plus été utilisée comme un chef d’orchestre placé d’un point de vue unique, mais comme un élément en mouvement et surtout par le développement de l’art du montage.Soudain, le cinéma n’était plus seulement un moyen de reproduction du réel, mais un moyen d’expression.Grâce au montage, le cinéma a dépassé le naturalisme, la copie de la réalité pour devenir création. Le montage, c’est l’incursion du point de vue non plus seulement de la caméra, mais du cinéaste qui, grâce à ses manipulations, va entrainer le lecteur dans une forme particulière d’affectivité ou d’esthétique. Il s’agit non plus seulement de filmer, de faire des images, mais, au moyen du changement de l’ordre des images et des péripéties, de composer, de mettre en scène l’émotion.Le montage fait du cinéma un autre art que la représentation théâtrale. Il semblerait que ce soit le montage, plus encore que les mouvements de la caméra, qui a libéré le cinéma et ses potentialités artistiques.Les montages alternés de plusieurs scènes, les montages en parallèles de plusieurs histoires se multiplient dès les années 1901 et 1905. On assiste même dans les années 1920 - 1930 à l’émergence d’une théorie du montage-roi comme une sorte de « ciné langue » : le mixage.   Application à l’écriture L’on peut, pour trouver des solutions à l’écriture de deux moments ou deux histoires imbriquées, s’imaginer être un monteur qui découpe puis combine, en gardant à l’esprit les notions notamment de changement de plan, de fondu enchainé et de son contraste avec la coupe qui peut être plus ou moins brutale. On ne peut pas fondre deux mots, deux phrases ensemble, mais on peut créer, une impression de fondu à partir de procédés multiples et toujours à inventer. Passé et présent se tissent ensemble comme dans un film où les images de l’un et de l’autre alterneraient par coupures ou fondus enchainés. Comment se fait cette incursion ? Glissement, rebond sur une chose ou sur un mot, superposition, associations d’idées… les moyens et les formes que peuvent prendre ce "montage" sont nombreux. Le fondu  peut, par exemple, se faire à partir des sensations (odeur, vision  d’un support matériel inclu dans la scène tels que objet, élément du paysage, décor, visage, élément météorologique…. Le passé s’invite dans le présent, les temps s’emmêlent, peuvent se rejoindre, sans aller forcément jusqu'au fantastique ou l’hallucination. Les temps passés s'inscrivent dans l’espace du temps en train de se dérouler telle cette étoile que nous voyons dans le ciel alors qu’elle est « éteinte » depuis longtemps.Dans ce type de construction, la scène racontée se nourrit des incursions du passé sans que l’on en perde le fil, elle reste la trame du texte enrichie d'éléments biographiques, de traits de la personnalité, de la sensibilité du personnage...    Lire un exemple dans mon roman Sève d'automne Découvrr d'autres exemples sur le blog        {loadmoduleid 197} 
13 avril 2025
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Robert Doisneau (1912 1994), Un Regard Oblique, 1948 L’ironie appartient au monde des « regards obliques », monde dans lequel les regards des uns ne coïncident pas avec les regards des autres, monde de tous les jeux de mots, de photos, d’images et de textes dans lesquels les regards et, plus largement, le sens de ce qui est montré demande un décryptage.  Il y a le sujet (officiel, droit), le sens premier, explicite. Dans la photo ci-dessus, analysée par Philippe Hamon dans son livre lsur l'Ironie littéraire,  un couple examine un tableau dans une devanture… Mais la photo montre tant d’autres choses (le sens second, l’implicite ?) au travers du « biais de la photo », le regard oblique de l’homme ainsi que des détails (expression des visages, posture du couple, vêtements, enseigne en fond (teinturerie en italique, l’écriture penchée prisée par l’ironiste, et ce LEFRAN en angle comme un quasi-titre subliminal…).   Tentative de définition de l'ironie littéraire L’ironie, mécanisme plein de finesse, lieu de subtilité et de détours qui prennent des formes multiples, est un terme difficile à définir. Écartons d’entrée l’idée que l’ironie serait synonyme d’humour, même si l’on peut l’y associer, le comique et l’humour s’associent au rire tandis que l’ironie, à forte composante mentale, provoque un autre phénomène physiologique : le sourire. L’ironie fait partie de ce que l’on appelle les effets de style. Elle marque un écart, un jeu avec les règles d’utilisation du langage. Elle s’écarte de la soumission au seul projet de communication et de précision. Et l’on peut noter, non sans ironie, que la figure oblique de l’homme dans le tableau de Doisneau est désignée par le même mot, figure, que les éléments textuels que l’on nomme des figures de style.  Commençons par rappeler, même si ce n’est pas tpit à fait notre sujet - quoi que…-  le fait que l’on accorde volontiers une nature ironique à la nature, au destin, au réel, avec, par exemple, l’expression, étonnante quand on l’interroge, d’ironie du sort qui est devenue courante au début du XIXe. « Vers le ciel ironique et cruellement bleu. » a écrit Baudelaire.  Et Camus évoque « Le sourire niais indifférent du ciel. »    Nous nous centrerons sur l’ironie comme choix -stratégie ?-  de communication.  L’ironie se sert du sens explicite, le sens premier, pour dire autre chose, elle vise un sens second, un sens implicite. Si l’ironie vient du grec ancien εἰρωνεία / eirōneía, « ironie, dissimulation, fausse ignorance », elle n’est pas le mensonge. Celui qui ment pense A, dit non-A et veut faire croire non-A.  Dans l’ironie, on exprime A, l’on pense non-A et l’on veut faire entendre non-A à son interlocuteur. Il s’agit donc de faire entendre le contraire de ce que l’on dit.  L’ironie apparait d’entrée comme une figure de l’inversion, elle contrarie et, même, renverse « quelque chose » : une hiérarchie des pouvoirs, des valeurs, des habitudes, des évidences, des certitudes…   D’où l’importance cruciale dans l’ironie du contexte, de ce dont on parle, de ce que l’on évoque à demi-mot, plus important que ce qui est effectivement raconté ou exprimé. L’ironie n’est pas un simple jeu d’inversion ou de transgression.  Si l’euphémisme, en minorant l’expression de ce qui est dit, dissimule un mot ou une phrase au mieux un sentiment, une idée, le « Va, je ne te hais point » ne possède pas à lui seul d’arrière-fond qui le distinguerait du « Je t’aime », il l’exprime autrement par une négation de son contraire. L’ironie est aussi allusion, mais à quelque chose de plus vaste. Elle repose sur la reconstruction de tout un univers de sous-entendus (toute une psychologie, une morale, un mode de pensée…). La richesse de ce sous-texte ainsi que la façon de la convoquer donne à l’ironie une complexité, un pouvoir d’évoquer, de faire penser et de ressentir qui la distinguent parmi les figures de style. L’ironie ne consiste pas à une simple inversion de sens, une antithèse, elle inverse des rapports humains, sociaux, des modes de pensée, des façons de raisonner. L’auteur doit à la fois faire confiance à la capacité de son lecteur à déchiffrer tout en le mettant discrètement sur la voie de l’interprétation. Là se trouve l’art de l’ironie !   Cette reconstruction demande et crée une forme de complicité avec le lecteur.  — Le contexte de référence doit être connu par le lecteur : une référence implicite à la société chinoise du Xe siècle ne « parlerait » pas au lecteur européen du XXIe. Cette nécessité d’un contexte commun est l’une des limites de l’ironie : elle ne fonctionne que dans une certaine ère géographique et temporelle, zone de partage nécessaire pour que le lecteur puisse avoir les références pour jouir du second degré et de son ambiguïté.  — Le passage au second degré doit être facilité par l’auteur qui doit pour cela envoyer des signaux au lecteur (ce sera l’objet d'un prochain article) qui lui signale la distance à prendre avec le sens premier, mais en restant dans le regard oblique, c’est-à-dire sans révéler directement le sens caché. Il existe donc une nécessaire interprétation du texte ironique qui dépendra du contexte.  Prenons un exemple simple, l’ironie sur une seule phrase :  Quelle bonne idée d’être venu aujourd’hui !  Elle ne pourra être interprétée comme une remarque ironique (En fait, ce n’est pas du tout une bonne idée ! Ou ce n’est vraiment pas le jour !) qu’en fonction de ce que le texte a permis au lecteur de saisir sur les rapports entre les personnages et ce que peut sous-entendre cet « aujourd’hui ».    Concluons sur ce qui est certainement la caractéristique la plus remarquable de l’ironie : en reprenant, en s’appropriant des fonctionnements de pensée et de comportement qu’elle utilise comme premier degré, en les mettant sous les yeux du lecteur, elle désamorce des discours. Elle montre la mécanique et le fonctionnement des comportements et des pensées de l’intérieur. Elle met en évidence leur caractère fautif (autojustification sans questionnement, raccourcis, mauvaise fois…), caractère répétitif (expressions clichés, psittacisme) pour que le lecteur en saisisse toute la dimension de biais : en montrer le caractère oblique. On peut dire que le texte dessine ce biais de façon visible, mais sans que l’appréciation soit donnée.    Nous retrouvons ici l’idée que l’ironie n’est pas simplement informative : elle joue avec une sorte de double évaluation. Elle implique une double dimension de jugement, de prise de position ou, au minimum, de prise de distance. Celle, le plus souvent positive, du sens premier et l’évaluation négative du sens dissimulé. Pour augmenter cette dichotomie, elle procède souvent par surévaluation du sens propre pour mieux le dévaluer de façon implicite. Un portrait ironique pourrait commencer par : De l’avis de tous, c’était un homme extraordinaire… Puis raconter une histoire remplie de traitrise, d’abjection ou au minimum de médiocrité, présentée comme une belle réussite. Ce sera au lecteur de réévaluer l’adjectif « extraordinaire » et les jugements explicites au vu de ce qui lui est raconté.    L’ironie fait donc partie non seulement des figures de style, mais aussi de cet autre ensemble de procédés comme l’ellipse, l’allusion, le récit par le geste… qui donne au lecteur la possibilité (ou l’impression d’avoir la possibilité…) de comprendre seul, de deviner et ici, d’évaluer, ce qu’on lui raconte.   L’écriture du monologue intérieur d’un personnage négatif pousse au bout cette logique, ce sera notre sujet. Point de narrateur pour pointer les sous-entendus et les contradictions, c’est le personnage lui-même qui les déroule et cela les rend à la fois plus claires et plus humaines. C’est une forme « moderne » d’ironie, directe, sans narrateur, un partage d’expérience et de pensée.   Ironie et narration Dans le cadre de la narration, c’est-à-dire d’un récit différé, le texte peut être ironique dans sa globalité ou seulement dans certains passages.  De plus, l’ironie peut s’inscrire dans le texte de plusieurs manières et à plusieurs niveaux : — Un personnage est ironique dans ses paroles, ses pensées, il prend de la distance avec l’histoire racontée, joue avec les autres personnages, avec les émotions…  — Le narrateur est ironique : il prend des distances avec l’histoire qu’il raconte. Ses interventions, plus ou moins discrètes, jettent le trouble sur le récit lui-même. — Sans intervention explicite du narrateur, le texte construit une impression de contradiction entre les évaluations données par le narrateur ou les personnages et les actions racontées, évaluations que le lecteur est ainsi amené à réévaluer de façon inverse.   Exemple d'ironie littéraire    Le monologue intérieur d’un personnage négatif qui se vit comme positif et en particulier son journal intime  en fournit  un exemple significatif. Ce type de journal suppose l’écriture régulière par un personnage de ses pensées et des éléments de sa vie quotidienne.C'est ce que nous propose  « En Caravane » d’Elizabeth von Arnim.  Il s’agit ici d’une utilisation ironique du journal intime.  Le texte raconte les épanchements sincères d’un personnage négatif, sa vie intime d’un antihéros, le lecteur est ainsi censé « partager » ces épanchements.  Mais le sens « véritable » du texte n’est pas la plongée empathique dans une intériorité, mais le souhait de mettre sous les yeux du lecteur un fonctionnement, de le démonter de l’intérieur.  Le journal permet ainsi, sans intervention du narrateur et sans jugement surplombant, de faire sentir au lecteur les enjeux et la dimension négative, ou tout au moins trouble d’un personnage. Le personnage monstrueux ne convient pas ici. Le journal du monstre au premier degré ne permet pas de décalage ironique, de « jeu » : rappelons que l’ironie doit faire sourire !    Comme nous l’avons vu ci-dessus, l’ironie fonctionne à partir d’un contexte de référence que le lecteur doit connaitre.  Choisissez un contexte qui ne se limite pas à quelques idées simples. C’est la richesse de ce contexte qui va permettre au jeu de dépasser la seule caricature et de ne pas se contenter d’obtenir un facile assentiment du lecteur. La nature des enjeux supplémentaires est très ouverte. Dans l’exemple ci dessous, le « héros » de « En caravane » est, certes, un prototype de l’égoïsme et du machisme, mais  renouvelle ces thèmes  ou les nuancer en développant un personnage individualisé et, comme nous l’avons vu, par un contexte qui ne s’y résume pas et décale un peu le sujet, il rend original l’angle d’attaque. L'anti héros de "En caravane" est porteur de toute une dimension « prussienne », d’une rigidité spécifiquement « allemande », d’une vision politique, d’un nationalisme, d’une conception esthétique et il peut être sensible à l’un des personnages féminins ce qui, parfois, peut le rendre « presque délicat » : autant de postures que le voyage va permettre de dérouler de façon à la fois différenciée et cumulative.   Extrait 1 de « En Caravane » d’Elizabeth von Arnim « Qu’auraient pensé mes amis s’ils avaient pu me voir ainsi privé de refuge, de retraite, de repos ? Ces trois privations définissent assez bien un voyage en caravane. Impossible de jamais entrer dans la roulotte quand elle était immobile, car ma femme s’y trouvait déjà, et si par bonheur je m’y reposais quand elle avançait, Jellaby ne manquait pas d’arriver aussitôt ventre à terre pour me demander par la fenêtre si je n’avais pas remarqué que mon cheval était en sueur. Chaque fois que nous bivouaquions, il fallait se mettre à l’ouvrage - et mes amis, quel ouvrage ! Jamais vous n’en auriez seulement l’idée. Ouvrage purement gratuit qui plus est, n’ayant pour seule récompense qu’un repas. Point d’ouvrage, point de repas. Et quand nous avions fini de dîner, croyez-vous que nous avions le loisir de nous livrer à la méditation ? Que nenni ! C’est alors que commençait la redoutable, l’effrayante, l’abominable, l’horrible vaisselle. Je n’ai toujours pas compris par quelle aberration nous n’en laissâmes pas dès le début le soin aux femmes qui ont été créées pour la faire et s’en accommodent fort bien. Mais j’étais en minorité et ne disposais pas du pouvoir d’imposer mes vues. Je ne disposais même pas de celui d’échapper à cette corvée. Si nous dressions le camp trop tôt dans la journée, la lumière du jour eût vite fait de me trahir. Et lorsque la vaisselle était faite, il ne restait plus qu’à aller se coucher. Nul homme d’esprit ne souhaite se coucher à huit heures, mais il faisait si froid - nous n’avions, disaient-ils, pas de chance avec le temps - que même par temps sec il n’y avait aucun plaisir à rester dehors. J’étais déjà resté dehors toute la journée, et lorsque le soir venait, j’avais pris en horreur tout ce qui de près ou de loin rappelait le plein air. En plus il n’existait que trois de ces confortables chaises basses sur lesquelles un homme aime à s’étirer en fumant son cigare, et sans que l’on songeât même à les proposer à quelqu’un d’autre, les dames s’y installaient chaque soir. Rien ne me parut si renversant que de voir Edelgard s’emparer de l’une d’entre elles avec une indifférence parfaite pour mes désirs, mes souhaits, mes appétits, mes ordres. Avec quelle nostalgie j’évoquais alors mon bon fauteuil de Storchwerder, pour lequel elle nourrissait un respect si profond qu’elle n’osait même pas en approcher quand j’étais à la maison - je suis même persuadé qu’elle ne s’en approchait pas davantage quand je n’étais pas à la maison. »   Extrait 2  de " En Caravane » d’Elizabeth von Arnim « Comme il est juste, notre vieux proverbe d’Allemagne, et comme il s’applique bien au baron prussien qui s’apprête à prendre des vacances méritées (cela va sans dire) : “Aimes-tu ta femme ? Laisse-la à la maison.” C’est vers cette époque que je commençai à comprendre que je devais prêter attention à la manière dont je faisais mon lit. « Il allait être six heures, et comme c’était d’ordinaire le moment où le reste de la compagnie entrait en activité, je me demandai d’un air sombre si nous entendrions les habituelles exclamations : “Belle journée, n’est-ce pas ? Belle et saine !” Il arrive un moment, j’ose le dire, où trop de beauté et de santé deviennent insupportables. Je tirai les rideaux de ma couchette - l’agitation que je sentais au-dessus de moi annonçait que ma femme n’allait pas tarder à descendre s’habiller - et je fis semblant de dormir. Le sommeil me paraissait un havre de paix. Comment voulez-vous obliger un homme à faire quoi que ce soit s’il n’est pas réveillé ? L’homme vraiment libre, songeai-je en fermant les yeux plus fort, est l’homme qui dort. Poussant ma réflexion plus loin, je me rendis compte, non sans frémir, que si c’était le cas, la véritable liberté, la véritable indépendance, appartenait aux inconscients - une race (ou une secte, comme vous préférez) au-dessus des lois, hors la loi tout simplement. Allant plus loin encore, et frémissant toujours plus, je compris que la liberté parfaite, la délivrance de tous nos maux, ne pouvait être atteinte que dans la mort. Eh oui, mes chers amis, c’est de la métaphysique, pas besoin de vous faire un dessin. S’il est bien rare que je me lance dans ces spéculations - je suis homme de bon sens avant tout —, ce ne fut pas sans profit pour une fois. De la pensée de la mort, je passai à celle de la maladie qui précède généralement ce fâcheux événement, et il m’apparut que l’homme malade est au fond assez libre lui aussi - il ne viendrait à l’idée de personne de l’obliger à se lever pour sortir sous la pluie tenir un parapluie au-dessus de la tête de Jellaby pendant qu’il prépare son abominable porridge. Aussi décidai-je tout de go d’exagérer l’inconfort que je ressentais, et de m’octroyer un jour de vacances au fond de mon lit. Ils se débrouilleraient bien pour trouver quelqu’un qui conduirait la voiture. Un homme alité ne pouvait pas conduire, quand même. Et quand on n’a pas dormi la moitié de la nuit, croyez-moi, on n’est pas en bonne santé. Au fond, d’ailleurs, qui est bien portant ? Personne. Ou presque personne. La jeunesse elle-même n’a pas de santé. Regardez un nouveau-né. Il se tord comme un ver coupé ! Nul ne peut se sentir vraiment dispos, à mon avis, s’il ne cesse toute activité pendant une journée entière. On l’oublie trop, distraits que nous sommes par le travail ou le tourbillon de la vie sociale, mais empêchez un homme de faire quoi que ce soit ou de voir âme qui vive et vous verrez qu’il aura bientôt mal à la tête. Quand Edelgard eut fait un peu de rangement, disposé mes vêtements sur une chaise, et vidé la bassine par la fenêtre, j’ouvris les rideaux et, à cor et à cri car la pluie crépitait toujours contre le toit de la roulotte, lui fis comprendre que j’étais trop faible pour me lever. »   Bibliographie sur l'ironie littéraire L'Ironie, Vladimir Jankélévitch (Etude philosophique de la conscience ironique) L'ironie littéraire, Philippe Hamon    {loadmoduleid 197} 

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Phrases d'auteurs...

"Si vous avez quelque chose à dire, tout ce que vous pensez que personne n'a dit avant, vous devez le ressentir si désespérément que vous trouverez un moyen de le dire que personne n'a jamais trouvé avant, de sorte que la chose que vous avez à dire et la façon de le dire se mélangent comme une seule matière - aussi indissolublement que si elles ont été conçus ensemble."  F. Scott Fitzgerald

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

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Faire peur au lecteur !
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« L’émotion la plus forte et la plus ancienne de l’humanité c’est la peur, et la peur la plus ancienne et la plus forte est celle de l’inconnu. » affirme H. P. Lovecraft. Mais, sous l’évidence du mot et de l’émotion qui lui est associée, qu’est-ce finalement, la peur ?...

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