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Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

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Marc Antoine B.
01 décembre 2025
Textes d'ateliers

Il lève la tête, jette un oeil par l'aveuglement de la fenêtre et se repent aussitôt : le vert du jardin l'appelle ! Pour tailler, arracher, faner, émonder, ramasser, éclaircir, composter, alors rouge d'ampoules et de jurons, mal à la main, le carpien, s'apitoyer sur soi, foutu jardin. Pourtant le v...

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Invité - Claire Pasquié Aimable
12 novembre 2025
J'ai beaucoup apprécié l'écriture et la composition. Les mots voisins sont amenés avec virtuosité si...
Sylvie Reymond Bagur Aimable
10 novembre 2025
Une troublante et inquiétante composition à deux voies explorant les nuances des synonymes du mot Ai...
Invité - Malclès Anne-Marie To.pierre
23 octobre 2025
Bravo, ce texte m'a beaucoup touché, la tension est magnifique ainsi que le thème.Anne-Marie Malclès

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03 décembre 2025
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Écriture, point de vue et focalisation Identifier le ou les narrateurs qui seront utilisés est l'une des premières étapes de l'écriture d'un récit : sera-t-il une entité non précisée extérieure à l'histoire ? Un narrateur-conteur ? Un personnage faisant partie de l'histoire qu'il raconte ? Un personnage défini, mais extérieur à l'histoire ?... Ce choix peut se faire naturellement, être de l'ordre de l'évidence ou objets d'hésitations et de doutes, cependant, une fois ce choix effectué, pour un même type de narrateur, existent de nombreuses variantes de fonctionnements concernant notamment : ce à quoi le lecteur - et le narrateur - ont accès, les différentes façons de donner - ou pas -  les informations au lecteur.   sur quel mode et au travers de quel type de regard Ce sont toutes ces options que l'on désigne par les expressions de "choix d'un point de vue" ou d'un "type de "focalisation". Point de vue et focalisation: deux notions proches, mais non superposables  Un narrateur extérieur et non identifié peut connaitre tout ce qui se passe dans la tête des personnages ou ne pas tout connaitre, il peut aussi rester totalement à l'extérieur des pensées des personnages ou même se montrer non fiable. Voir l'article : Du narrateur omniscient aux narrateurs contemporains.   Ces différentes options ( appliquées de façon plus ou moins systématique) vont avoir une influence majeure sur la façon d'écrire et, en conséquence, sur la perception par le lecteur de ce qui se déroule sur son rapport aux personnages. Écrire une fiction, c'est donc choisir non seulement un narrateur (repérable à un  pronom personnel choisi ou par son absence) mais aussi de quel endroit et de quelle façon le ou les narrateurs parlent ou, symétriquement, de qui et sur quel mode le lecteur reçoit les informations et à quelles informations il a accès ou pas.   Deux expressions sont utilisées pour préciser ces différentes options narratives : le point de vue et la focalisation. Il est tentant, et c'est souvent le cas, de les utiliser de façon indifférentiée, mais elles peuvent être avantageusement différenciées.    Le point de vue On attribue généralement à Henry James l’invention de ce terme. Cet auteur a utilisé, notamment dans ses nouvelles comme Le Tour d’écrou, une façon de raconter différente du narrateur omniscient classique, en effet, c’est un des personnages de l’histoire qui raconte : il donne donc son « point de vue » et l’auteur s’efface derrière ce point de vue particulier.   Le point de vue, des deux l'expression la plus ancienne, a l'avantage d'être métaphorique et concrète. Préciser "le point de vue" d'un texte peut être pensé à la manière dont, par exemple, l'on "choisit son point de vue" pour observer un paysage. Elle semble plus accessible, moins technique que "focalisation" qui peut paraitre une peu "jargoneuse". Les deux expressions évoquent un dispostif optique, mais le point de vue s'accompagne d'une dimension spatiale : où se place l'œil qui raconte et comment se positionne ce regard: intérieur ou extérieur à l’histoire, à la pensée, à l’émotion des personnages…    Ainsi situé, précisé, le narrateur donne une unité au point de vue, une unité au texte. Le lecteur d’un texte littéraire entre dans une expérience, celle du narrateur autant que dans un univers propre à l’auteur.    C'est un concept plus "parlant", plus naturel, mais aussi plus large, moins précis. Le point de vue peut recouvrir l'expérience subjective d'un personnage ou du narrateur, incluant des aspects comme le ton, la vision du monde ou même l'idéologie sous-jacente. Elle peut ainsi prêter à confusion : le point de vue comme opinion, façon de penser, de juger... On peut dire que le point de vue englobe la focalisation, mais aussi d'autres éléments narratifs.   La focalisation La focalisation a été théorisée par Gérard Genette dans les années soixante-dix pour éviter les ambiguïtés du "point de vue". Cette expression se concentre sur l'accès, la sélection et la restriction des informations données au lecteur, le mode de présentation des événements et des informations dans un récit, en fonction de la perspective adoptée par le narrateur. En optique, la focalisation correspond à "concentrer des rayons provenant d'un point en un autre point." L'on remarque ici la disparition spatiale présente dans l'idée de point de vue (où l'on se place) pour se centrer sur les deux pôles et le trajet de l'information.   La focalisation détermine "qui perçoit" l'histoire, c'est-à-dire le filtre à travers lequel le lecteur accède au monde narré, en limitant ou non les informations disponibles. Penser "focalisation" c'est assumer que le récit n'est jamais total, la focalisation met l'accent sur le fait que le narrateur oriente le regard du lecteur sur des éléments spécifiques, influençant ainsi la manière dont l'histoire est perçue et comprise. La focalisation sépare nettement "qui parle" (ce qu'on appelle la voix dans un récit) de "qui perçoit" les informations, le lecteur et précise les options possibles.    Le point de vue met l'accent sur la voix et sur ses concrétisations par les pronoms (première/troisième personne) et la subjectivité globale, tandis que la focalisation affine ce qui concerne les restrictions perceptives (zéro, interne, externe), indépendamment de la personne grammaticale.   Une des meilleures façons d'en comprendre les enjeux et les nuances entre point de vue et focalisation est d'en lister les principaux types en commençant par les types de focalisation qui répondent à des critères plus facilement repérables et resserrés. Ces différences peuvent apparaître exagérément subtiles. De plus, elles  ne font pas toujours une complète unanimité chez les spécialistes. Il serait toutefois dommage de ne pas s'y intéresser, car elles éclairent des variables de la fiction fructueuses quand on s'intéresse à l'écriture.   Les principaux types de focalisation selon Genette La focalisation est déterminée en fonction des informations que le narrateur donne au lecteur : qui dispose des informations ? / quelle est l'étendue de ce savoir ?   Focalisation zéro ou omniscience : le narrateur en sait plus que les personnages, accédant aux pensées de tous les personnages, au passé, parfois au futur et sans restriction de lieu. Le récit donne au lecteur une vue d'ensemble globale de ce qui se passe et des modications intérieures des personnages. Focalisation interne : Le récit est perçu et raconté à travers la perception d'un personnage spécifique, limitant les informations à ce qu'il sait, voit ou ressent. Le narrateur dit autant que le personnage en sait, mais les informations sont limitées à une expérience particulière. Le lecteur a une vue partielle, se rapproche du personnage.  Focalisation externe : le narrateur se limite aux apparences extérieures (actions, dialogues et apparences visibles), il n'a pas accès aux pensées des personnages. Il adopte une posture objective et neutre. Cela crée un effet de distance, celle d'un observateur non impliqué et ne connaissant pas les motivations et émotions des personnages. Le narrateur dit moins que les personnages ne savent ; il ne fait que décrire comme le ferait une caméra. A la lecture de cette liste, l'on mesure combien l'on pourrait créer de sous-catégories en jouant sur ce qui est dit ou caché par exemple, chaque récit original crée une façon particulière de focaliser les informations, mais ces catégories générales permettent d'en fixer les grandes orientations.    Les principaux types de points de vue  Point de vue omniscient (panoramique, mais plus ou moins partial ou orienté) Le narrateur sait tout sur les pensées, le passé, le futur et les lieux multiples, mais utilise cette connaissance pour imprégner le récit d'une subjectivité idéologique globale – comme des commentaires moraux, des jugements philosophiques ou une vision du monde unifiée comme une perspective humaniste ou cynique de l'humanité. Une omniscience peut chercher la neutralité, mais celle-ci ne peut être absolue, ne serait-ce que par le choix du vocabulaire : avec une complète neutralité, nous sortirions de la littérature. Le point de vue omniscient offre au lecteur une vue d'ensemble, mais s'intéresse aussi à la façon dont le texte guide le lecteur vers une interprétation plus ou moins orientée. Différence avec la focalisation zéro : la focalisation zéro se borne à préciser que le narrateur dispose d'un accès illimité aux infos sans restriction ; le point de vue ajoute une prise en compte de la dimension subjective du narrateur. Par exemple, dans Guerre et Paix de Tolstoï, l'omniscience est inséparable d'une idéologie historique et philosophique, transformant les faits en une forme d'amplification d'une vision.   Point de vue interne  (subjectif et lié aux expériences du personnage)  Le narrateur adopte la perception limitée d’un personnage, mais intègre non seulement ses sensations et connaissances, mais aussi sa subjectivité – comme ses émotions, ses souvenirs personnels ou ses biais psychologiques (comme une perception paranoïaque ou un optimisme naïf). Cela crée une immersion empathique, où le lecteur "vit" l'histoire à travers une vision du monde déformée par une expérience individuelle. Différence avec la focalisation interne : la focalisation se concentre sur l'idée que les informations se limitent à ce que le personnage perçoit ; le point de vue ajoute la manière dont cette perception est colorée par des filtres émotionnels ou idéologiques. Par exemple, dans L'Étranger de Camus, le "je", par la façon dont il choisit et limite les informations qu'il transmet au lecteur, fait sentir une forme d'aliénation et l'oriente vers le sentiment de l'absurde. Le point de vue interne n'est pas qu'une précision de la source des informations, il questionne aussi sa dimension sociale ou historique et son lien avec les expériences subjectives du personnage.    Point de vue externe (objectif, mais distancié) :Le narrateur décrit les événements de l’extérieur, comme une caméra neutre, en se limitant aux apparences visibles, mais en y infusant une subjectivité idéologique subtile – comme un ton , ironique, nostalgique ou détaché qui reflète une vision du monde. Par exemple une accumulation factuelle d'objets peut se lire comme une critique de la société consumériste. Cela maintient une distance, invitant le lecteur à interpréter sans être guidé, au moins en apparence.  Différence avec la focalisation externe : la focalisation externe indique que le texte est raconté sans accès à la subjectivité et aux pensées, tandis que le point de vue cherche à rendre compte des biais individuels et des idéologies collectives. Ainsi, dans certaines nouvelles d'Hemingway, écrites en focalisation externe, le style "behavioriste" véhicule une philosophie particulière de la vie et une vision de l'homme : il ne s'agit pas seulement de constater une limitation à des observations neutres, mais d'interprétations possibles de cette façon de raconter. Les enjeux de la focalisation externe sont multiples, elles font l'objet d'un article spécifique.   On observe que malgré leur proximité, la focalisation isole la question de la donnée et de la réception des informations (c'est un filtre très précis) tandis que le point de vue s'ouvre vers la subjectivité, l'expérience et l'idéologie : c'est une notion plus large, mais moins précise et plus complexe. Elle appelle des sous-catégories. Quand on parle de point de vue, beaucoup d'options sous-jacentes sont possibles et doivent être précisées notamment  la "coloration subjective" du récit, comment ces infos sont-elles teintées par le narrateur. Par exemple, deux récits avec la même focalisation interne pourraient avoir des points de vue différents si l'un informe le lecteur d'une façon optimiste et l'autre les formule avec cynisme.    La focalisation pourrait sembler plus "faible", car plus étroite que le point de vue, mais elle donne une base précise pour identifier comment les informations sont données et disposer de cette base précise permet ensuite de nuancer, de complexifier sans tout mélanger.   Pourquoi est-ce  important de prendre le temps de s’interroger sur cette question et de disposer de quelques notions sur ce sujet ?  Des combinaisons et variations de la focalisation et du point de vue sont possibles dans un même récit: de nombreux livres alternent les narrateurs et donc les points de vue à la troisième personne et même à la première. C'est l'un des espaces explorés avec beaucoup d'inventivité par la littérature contemporaine, des formes hybrides émergent par exemple des "nous" collectifs.     Question de base qui reste un sujet de nombreux débats théoriques, la gestion du point de vue et de la focalisation est aussi l’une des grandes sources de maladresses facilement repérables dans les manuscrits d’apprentis écrivains.   Plus que la connaissance précises des termes et des classements, ce qui semble important ici pour celui qui écrit est de prendre conscience qu'il serait dommage de se limiter à la question du choix du "je" ou du "il", ou de l'omniscient. Il s'agit de percevoir qu'un "je" peut être totalement transparent pour le lecteur ou ne pas tout lui livrer, et que cette dimension peut évoluer pendant le récit. Qu'un récit qui semble simplement fait "de l'extérieur" peut l'être de diverses manières ou pour diverses raisons, que ce qui est communiqué au lecteur est un choix d'auteur : par qui, avec quelle qualité (neutralté, vison de l'homme ou subjectivité), à quel moment (d'emblée, progressivement, en laissant des parts d'ombres... ) ce dernier point étant crucial dans l'écriture de la nouvelle.       {loadmoduleid 197}
09 novembre 2025
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 « Un mot n’est pas la chose mais un éclair à la lueur duquel on l’aperçoit. » Denis Diderot   Usage littéraire du dictionnaire des synonymes L'usage des listes de synonymes est une pratique courante, l'on peut même dire générale dans l'écriture littéraire. Cette évidence recouvre toutefois des objectifs et des recherches très diverses ; finalement, sous l'évidence du geste de saisir un dictionnaire des synonyme,  semble demeurer quelque chose d'insaisissable…   Usage classique du dictionnaire de synonymes L'idée que l'on peut se faire un peu superficiellement des synonymes et que l'on retrouve dans une conception "journalistique" du style les limite à un outil pour éviter les répétitions : ce seraient des mots différents voulant dire la même chose et l'on pourrait ainsi substituer l'un à l'autre pour ne pas user deux fois le même terme, ce qui sous-entend que l'on pourrait changer un mot sans modifier la phrase.   La définition du mot "synonyme" extraite du Grand Larousse (1978) de la langue française est plus nuancée  :  Se dit de deux ou plusieurs termes appartenant à la même catégorie (substantifs, adjectifs, verbes ou adverbes) et qui ont entre eux une analogie générale de sens, avec souvent des nuances différentes d’acception, particulières à chacun d'eux.   Si l'on se place dans une perspective littéraire, il est évident que les mots ne sont pas interchangeables, évidence que l'on rencontre à chaque lecture un peu attentive d'une liste de synonymes. Les synonymes ont un sens voisin : «approximativement le même sens», mais chacun a ses particularités. Notre sujet sera donc de chercher en quoi consiste  ce "voisinage" et ces "particularités" et quel profit peut tirer l'écriture de l'exploration des listes de synonymes. Je me servirai dans les exemples notamment des synonymes du mot "débauché" avec lesquels j'ai écrit un texte qui en articule les nuances : arsouille, bambocheur, biberon, cavaleur, cochon, corrompu, coureur, crapuleux, cynique, dépravé, dérangé, déréglé, désordonné, dévergondé, dévoyé, dissipateur, dissipé, dissolu, don Juan, drille, fêtard, fripouille, godailleur, grivois, immoral, impudique, incontinent, indécent, ivrogne, jouisseur, lascif, libertin, libidineux, licencieux, loupeur, lovelace, luxurieux, mauvais sujet, noceur, orgiaque, paillard, perdu, pervers, polisson, porc, putassier, relâché, ribaud, ribleur, riboteur, roué, ruffian, satyre, sauteur, sensuel, sybarite, truand, vaurien, verrat, vicieux, viveur.   Usage des synonymes dans l’écriture littéraire Chercher le mot juste Les écrivains sont peut-être plus souvent à la recherche d’un mot que d’une phrase, c’est dommage, car la phrase et le mot sont les deux lieux de l’aventure littéraire, mais c'est ainsi, les écrivains sont en quête du fameux "mot juste" : ils cherchent un synonyme pour mieux coller à leur idée, ce mot dont on sent intuitivement l’existence, le mot le plus adéquat à ce que l’on veut dire, le plus précis, une formule s'impose ici, l'on cherche "le mot qui nous manque".    Enrichissement du sens Mais ce mot manquant était-il vraiment préexistant à la liste qui ne serait alors qu'un aide-mémoire ?   La multiplicité des synonymes qui se côtoient dans la liste permet de repérer des nuances supplémentaires et bien souvent d'affiner l'idée originelle. Par cette "offre" de mots qui s'étalent sous nos yeux, par leurs ressemblances, mais surtout par leurs différences, leurs écarts, leurs perspectives différentes, le dictionnaire des synonymes élargit notre vocabulaire et le nuance. L'art de la nuance n'est-il pas l’un des gages d'une écriture littéraire de qualité ? La liste de synonymes, cette petite totalité, diverse, mais réunie autour d’un élément simple apparait comme est une belle métaphore du travail d’écriture, notamment celle d’un paragraphe. Ainsi, avec comme mot de départ "débauché", la liste déploie tout un éventail de possibilités de débauches différentes par leurs différences de sens, mais pas seulement.   Chaque mot recèle un ou plusieurs sens premiers au sein desquels les synonymes correspondent à :   - des changements de niveaux de sens : entre l'ivrogne et le libertin   - des changements de réalité : entre le drille et le vicieux   -  une diversité de champs d’application  :entre le fêtard et le truand   - des sens "figurés" (le cochon), des sens neutres (le sensuel), positifs (le drille), négatifs (le vicieux) : des synonymes qui jugent, évaluent qualifient, d'autres qui ne sont que factuels.   - des registres ou niveaux de langue (familier/soutenu) : la "fripouille" versus le "Don Juan" ou encore le "putassier" versus le "sybarite".   - des variations d’intensité : le polisson versus le satyre.   - des mots plus abstraits, plus généraux comme "immoral" qui diverge du très concret "incontinent".   - des mots riches en sensations visuelles : le lascif qui évoque une posture est plus évocateur que le dérangé.   - différents potentiels expressifs : neutralité de "perdu" versus expressivité agressive du "putassier".   - des mots vagues (mauvais sujet) ou plus précis (orgiaque).    L'écrivain choisit un mot pour ce que l'on appele son "halo sémantique" : un sens  précis, mais aussi un imaginaire associé, car chacun est porteur de connotations différentes : émotionnelles, sociales, historiques... La diversité de la liste fait apparaître l’idée de contexte associé, le mot n’est jamais seul. La liste des synonymes rend compte d’un effort pour cerner le sens, les nuances et les contextes.   Dans une partie importante de la liste des synonymes du mot "débauché" surgit tout un imaginaire très XIXe (paillard, bambocheur...) qui évoque les tavernes et les lieux mal famés des vieilles villes industrielles, tandis que d'autres tel libertin ou Lovelace évoquent une débauche plus aristocratique, d'autres encore comme ivrogne sont moins marqués historiquement. Si la  "maison" est simple et neutre, son synonyme le "logis" a quelque chose de campagnard et de suranné, tandis que le "foyer" évoque la chaleur familiale et  le "manoir" marque une réussite sociale.   La diversité de la liste fait apparaître l’idée de contexte associé, le mot n’est jamais seul. Le choix entre "regarder", "contempler" ou"dévisager" dépend du rapport entre celui qui regarde et celui qui est vu. Le noceur implique tout un contexte de fêtes, le Don Juan des procédés de séduction et des relations homme-femme particulières. Ainsi Proust choisit parfois "mélancolie" parfois "tristesse" ou encore "spleen" : "mélancolie" dans un contexte de douceur rêveuse, "spleen" s'associe plus nettement à une angoisse de type baudelairien, "tristesse" accompagne une émotion plus visible. Il faut faire attention à ce contexte, parfois la polysémie se mêle aux synonymes : "ennui" n'a pas le même sens dans un contexte existentiel ou dans une histoire factuelle.   Différences de sens, de contexte, mais aussi réception différente : on sent intuitivement que chaque synonyme produira un « effet » différent sur le lecteur offrant la possibilité avec un mot de moduler le ton ou l'atmosphère du texte : le cynique évoque une stratégie intellectuelle, une psychologie, ce qui n'est évidemment pas le cas du porc !   Le langage crée de multiples différenciations, elles-mêmes affinées par les usages passés. L’ensemble des synonymes est comme une palette dans laquelle chaque mot apporte sa nuance : du polisson au satyre se déploie tout un échantillonnage variés et fleuris de débauches.  Ainsi, parmi les synonymes d'"éblouissement" -qui évoque une lumière et garde la possibilité d’une dimension de découverte- l'on rencontre Étonnement, de moindre intensité, plus banal, moins concret. "Aveuglement" marque une perte, ajoutant une nuance négative et suscite une image de fermeture.   Il existe aussi une différence de sonorités qui semblent renforcer la sensation d'ouverture de l'éblouissement, un mot qui semble se déployer, à contrario de la  fermeture de l'aveuglement. "Emerveillement" dépasse l’idée de lumière et de vision, il évoque une pénétration de l'esprit lui-même. Dans la même liste, le mot vertige va encore plus loin dans les enjeux sous-jacents et interroge : mon éblouissement était-il un vertige ? Fascination crée un enjeu supplémentaire, une fixité qui se teinte de dépendance.   Cet exemple nous amène à une autre dimension de la liste des synonymes, celle de la forme même du mot, de son apparence, de ses sonorités, de cette zone de rapport aux mots dans lequel "éblouissement" se distingue par sa matérialité sonore, la dimension poétique de l'écriture.     Dimension poétique du choix parmi les synonymes Mot court, mot long ? Douceur ou percussion des consonnes, ouverture ou fermeture des voyelles ? Recherche d'euphonie (harmonie des sons ou  d'allitérations (répétition de consonnes) ? Mots rares, sonorités particulières ? Les synonymes offrent la possibilité de moduler la musique et le rythme du texte.   On peut choisir le "libidineux" pour sa plastique écœurante ou le "verrat" pour ses consonnes et sa brièveté. Le Lovelace, mot rare aux consonances délicates joue une tout autre musique que le "ruffian". Ainsi s'il faut choisir entre "reflet" et "chatoiement", tout un monde de sensations et de sonorités sépare ces deux synonymes.Les synonymes permettent de créer une texture sonore particulière qu'elle soit recherche d'unité, d'harmonie ou au contraire de percussion et de rupture.   Si le choix d'un synonyme contribue à enrichissement stylistique et à la précision conceptuelle, il existe ce que l'on appelle une densité spécifiquement poétique de cerains mots qui seront choisis parmi les synonymes, car ils condensent plusieurs idées en seul mot :  Chercher un synonyme de Lune peut conduire à choisir entre l'astre et la clarté nocturne  : "Astre" évoque la lumière céleste et le mystère cosmique."Clarté" condense la douceur et la pureté d’un éclat nocturne. Chez Baudelaire : "ennui", "spleen" et "langueur"  condensent chacun un état d'âme distinct.   Ces synonymes, en un seul mot, ouvrent des mondes d’images et de sensations typiques de certains registres poétiques. On retrouve ici le principe poétique mallarméen du "mot juste", celui qui permet d'atteindre le maximum d'économie expressive.   Pour un usage créatif de la liste de synonymes Une liste de synonymes est bien plus qu'une palette de mots, l'on s'y promène dans une arborescence d'idées, de sons et de pistes lexicales qui stimulent l’imaginaire. La liste n’est plus ce sac dont on tire le mot qu'on cherchait, ou découvre un mot qui apporte une nuance supplémentaire, elle devient un support de création. Elle met en évidence les ambiguïtés et la complexité que comporte le mot -et donc l’idée d’origine- possibilités passées jusque-là inaperçues, d'autres thèmes liés à celui d’origine, passage du sens propre au figuré, du concret à l’abstrait et vice versa par exemple…   Au fur et à mesure de la lecture de la liste, on cherche, on s’interroge sur ce que l’on cherche, quelque chose de purement intuitif se joue dans cette aventure de mots. Des envies se précisent, des possibilités inattendues sont déclenchées par les comparaisons entre les synonymes, entre les nuances qui s'y révèlent, leurs sens non attendus.   Les synonymes font surgir des images, des contextes, des associations, des sensations, des idées… Se met à jour une autre source d'inspiration : ne plus partir uniquement des idées, des images, des émotions, mais partir des mots.   Ainsi en cherchant les synonymes de "curiosité", l'on croise "appétit", "désir", mais aussi "étrangeté" : et l'objet ou le personnage curieux se teinte soudain de mystère... La confrontation dans la même  liste de "regret", rapport nostalgique au passé et de "remords" qui porte le poids d'une responsabilité morale peut changer la perspective d'écriture d'un récit. La liste des synonymes ouvre la recherche, dépasse son point de départ, offre une nouvelle idée, une nouvelle possibilité, un véritable changement de thématique auquel on n’avait pas pensé.   Synonymie et stratégie d'écrivain Toute une stratégie d'auteur se met en place de façon plus ou moins consciente ou spontanée. Au-delà du nécessaire choix entre les différents synonymes pour éviter les doublons et les clichés, une individualité  stylistique, un lexique personnel se dessinent : mots appréciés, absences de mots qui déplaisent, choix d'un nveau d'intensité et d'expressivité, choix d'un niveau de langue, de l'importance accordée ou pas à la dimension sonore et rythmique...   L'écrivain peut décider de puiser dans les termes rares ou archaïques pour surprendre, dépayser le lecteur ou rattacher son texte au passé ainsiFlaubert dans Madame Bovary préfère utiliser "splendeur"  plutôt que "beauté" pour sa connotation aristocratique et ironique. Inversement, l'on peut privilégier les termes neutres. Profusion verbale, économie de moyens, plaisir ou transparence des mots... chaque écrivain se sert des synonymes pour marquer son style et, réciproquement, son style s'individualise, se développe au travers de ce travail de choix de mots.   Les enjeux d'écriture dépassent parfois le choix d'un mot isolé :  le dictionnaire fournit des suites synonymiques comme feu → flamme → brasier → incendie qui  peuvent être utilisés pour moduler l'intensité dans tout un développement provoquant un effet de crescendo ou de diminuendo. Par exemple, Rimbaud dans les Illuminations alterne "flamboyant", "ardent", "incandescent" pour un effet de lumière progressive.   Ou encore Mérimée dans "La double méprise" : "La nuit donne à tout une teinte lugubre, et les images qui le jour seraient indifférentes ou même riantes, nous inquiètent et nous tourmentent la nuit. Une espèce de fantasmagorie intérieure nous trouble et nous effraie.    Cf. mon texte avec les synonymes de "débauché" qui est construit sur cette progression à l'échelle de toute l'évolution d'un personnage. Ce texte répondant à la gageure d'utiliser tous les synonymes de la liste, il use et abuse des synonymes dans un style un peu XIXè de par les mots eux-mêmes, il produit  un effet "thésaurus" qui peut sembler artificiel ( tendance critiquée par Flaubert) mais qui dans ce cas particulier découle de la contrainte quasi oulipienne qui sous-tend son écriture.   Une autre stratégie d'auteur consiste à travers les synonymes à jouer sur les registres et l'intertextualité.Un synonyme peut citer implicitement un autre texte ou un registre (poétique, technique, argotique...) et créer des "échos intertextuels" ou des "effets de décalage". Par exemple, chez Queneau dans Zazie dans le métro, "gnangnan" (synonyme familier de "mielleux") parodie le langage sentimental tandis que Umberto Eco décrit, dans le Nom de la Rose, un moine enquêteur  comme un "observateur sagace" ou un "interprète des signes" pour faire référence, de façon implicite, au Sherlock Holmes de Conan Doyle .   Exemple d'exploration de la synonymie avec le verbe « Tenter ». Étymologie : Il existe un lien évident entre l'histoire du mot et sa synonymie. Les synonymes nous racontent une histoire, celle du mot et de ses évolutions : on peut rêver à ce mot-personnage qui change peu à peu, dévie, se précise et s’amuser à faire vibrer ces sens perdus pour mieux comprendre les enjeux des sens contemporains. XIIs. tempter Deu « demander à Dieu des effets de sa toute-puissance, sans nécessité » 1125 « solliciter (quelqu’un) à une chose défendue » 1355 « mettre à l’épreuve quelqu’un »;« faire l’essai de quelque chose »1275 « inspirer le désir de faire quelque chose » 1316-28 « exciter le désir » Mil. xves. « chercher à séduire » 1559 tenter la fortune 1550 « essayer de mener à bien quelque chose » (Ronsard, Odes) ; 1623 estre tenté de + inf. « avoir tendance de ». 1704 terme d’escrime. Du lat. temptare « toucher, tâter ; faire l’essai ou l’épreuve de ; essayer »  Voici les 48 synonymes et les contraires de ce verbe ainsi que des définitions (incomplètes):  Affriander: (Littéraire) allécher, attirer Affrioler: Attirer, allécher ; exciter le désir de (qqn). Aguicher: Exciter, attirer par des manières provocantes. Allumer: idem Allécher: Attirer par la promesse d'un plaisir. Ambitionner: Rechercher avec ardeur une chose jugée supérieure. Amorcer: Garnir d'un appât; attirer. Appâter: Garnir d'un appât-Attirer (un animal) avec un appât. Attacher: Faire tenir (à une chose) au moyen d'une attache, d'un lien. Attirer: Tirer, faire venir à soi. S’aventurer: S’exposer avec un certain risque. S’engager dans une aventure, dans une tentative difficile et périlleuse. Captiver: Attirer et fixer (l'attention) ; retenir en séduisant. Charmer: 1. Exercer une action magique sur . 2. Attirer, plaire par son charme. Chercher: Aller au-devant de quelqu'un ou de quelque chose; rechercher avec intensité, vouloir. Coiffer : ART MILIT. [En parlant de stratégie] Coiffer un objectif; coiffer l'ennemi. L'atteindre par ses tirs; prendre d'assaut ses positions. Courir: Rechercher vivement, poursuivre assidûment Couvrir: Couvrir qqn de bienfaits, de bontés, de compliments; couvrir qqn d'éloges, d'injures Dire: déclarer quelque chose à quelqu’un ses sentiments. Faire de l’oeil ou donner dans l’oeil: (Familier) Faire une impression vive sur quelqu’un par des agréments extérieurs. Ensorceler: Soumettre à une forte emprise qui le captive, comme par un sortilège. Exercer sur quelqu'un une forte emprise, un grand pouvoir de séduction. Entraîner : Emporter avec soi. Emporter, pousser quelqu'un vers quelqu'un ou vers quelque chose sous l'effet d'une influence irrésistible. Entreprendre: Tenter de séduire ; Harceler, attaquer Envoûter : Exercer à distance une influence maléfique sur une personne par l'intermédiaire le plus souvent d'une figurine à son effigie ou d'une autre représentation symbolique. Exercer un ascendant proche de la fascination sur la volonté, l'esprit, les sentiments. Essayer: Mettre à l'épreuve les qualités ou la convenance de quelque chose avant de l'adopter définitivement pour l'usage habituel; faire les premiers pas, gestes, etc., en vue de réaliser, dans la mesure du possible, un projet qui a quelque chance de réussir. Exciter: Susciter, provoquer (une réaction d'ordre physique ou moral); mettre en branle (un processus physique ou psychique). Exciter qqn à qqc.: Le pousser fortement (à une action, à un comportement). Éveiller le désir sexuel. Expérimenter: Éprouver, apprendre, découvrir par une expérience personnelle. Ressentir brutalement une sensation, un sentiment qui pourrait à l'avenir servir de leçon. Fasciner: Exercer un attrait irrésistible, soumettre à sa domination par la puissance du regard. Éblouir, charmer vivement, plaire. Gagner: Obtenir (les dispositions favorables d'une personne ou d'un groupe de personnes) Goûter: Éprouver un sentiment, une sensation agréable. Éprouver un plaisir, le savourer le déguster. Hasarder: Entreprendre (quelque chose) malgré l'incertitude du résultat. Entreprendre une action dont l'issue incertaine implique un risque. Hypnotiser: Provoquer l'hypnose chez un être vivant Intéresser: Faire que quelqu'un soit concerné par quelque chose, qu'il y ait intérêt; l'impliquer dans quelque chose, le mêler à quelque chose (généralement pour qu'il agisse, intervienne) Inviter: Engager, inciter quelqu'un (à), porter à, pousser à. Magnétiser: Soumettre un être vivant à l'action d'un fluide magnétique. Paralyser une proie comme par magnétisme. Exercer un grand ascendant sur quelqu’un Miser: Escompter la réalisation, la réussite de quelque chose ou de quelqu'un. Oser: Entreprendre (de faire, de dire quelque chose) avec audace Plaire: Être agréable à quelqu'un, être une source d'agrément, de satisfaction pour quelqu’un. Pousser :Exercer une pression physique pour provoquer un déplacement. User de sa force pour obliger quelqu'un à se déplacer ou à céder la place. Risquer: Exposer ou être exposé à un risque. S’aviser de: Concevoir, imaginer. Se mettre dans l'esprit une idée inattendue ou étrange et la mettre à exécution. S’efforcer de: Mettre en œuvre toutes les capacités, tous les moyens dont on dispose pour atteindre un but précis, pour vaincre une résistance ou surmonter une difficulté. Prendre sur soi, se contraindre. Tâcher d'atteindre un but précis. S’ingénier : Faire preuve d'ingéniosité; se donner du mal pour parvenir au but recherché S’évertuer: Faire des efforts, se donner beaucoup de peine. Solliciter: Chercher à obtenir (une faveur, une grâce ou un droit) d'une manière instante, par des démarches auprès d'une autorité compétente ou d'une personne influente. S'adresser à quelqu'un en faisant appel à lui d'une manière instante, afin d'obtenir une aide, une faveur ou un avantage. Prier de, inciter à consentir à faire quelque chose. Séduire: Convaincre en mettant en œuvre tous les moyens de plaire. Détourner du droit chemin, du bien. Attirer de façon irrésistible. Tâcher de : Faire des efforts, faire son possible pour. Taper dans l’oeil: Au XVIIe siècle, on disait d'une femme qui plaisait à un homme qu'elle lui "donnait dans la vue". Le passage du verbe "donner" à "taper" se serait effectué au milieu du XIXe siècle, donnant ainsi plus de force à l'expression. "Taper dans l'œil de quelqu'un", c'est l'éblouir, beaucoup lui plaire. Eprouver : 1 Soumettre une (ou la) qualité d'une personne ou d'une chose à une expérience susceptible d'établir la valeur positive de cette qualité. 2 Faire sur soi-même l'expérience, généralement forte ou profonde, d'une chose.      La version moderne de" tenter" semble partie loin de l'idée de départ de "tempter dieu par des prières", mais il en reste une sorte de subtrat qui s'est démultiplié. Une lecture attentive montre la possibilité de regroupements de sens :   - un groupe de synonymes se réunit autour de l’idée d’expérimentation    qui va jusqu’à l’aventure - un autre vers la séduction, l’envoûtement jusqu’à la sorcellerie - un autre insiste sur la dimension de risque…   Le schéma ci-dessous rend visible cette organisation des synonymes de « tenter » : certains sont proches et nuancent la même idée, d'autres s’éloignent, ils représentent des sens différents comme "s’aventurer" par rapport à "aguicher" !    La liste de ses synonymes cartographie des voies principales, susceptibles de nombreuses nuances, mais aussi des voies annexes : à l'intérieur de chaque sens éloigné, il existe des différences de sens, mais aussi de niveau de langue, d’intensité, de plaisir des mots, de sonorités…    Au-delà du plaisir de la découverte, ces « bouquets de synonymes » nous racontent les « efforts » de la langue pour explorer la réalité aussi bien que les idées, pour cela la langue repère des analogies, des oppositions, des images, des parallèles, des extensions... À partir d’un seul mot, des dizaines de liens possibles sont tracés pour tenter de saisir quelque chose du réel dans sa complexité et sa diversité.   Comme l’écriture, la liste rend compte de la tentative humaine de se repérer avec les mots. Les mots ne sont pas des entités isolées en relation avec un objet unique, ils sont mobiles, comme le montre bien le schéma, ils créent des réseaux, ils dessinent une image du monde et de notre imaginaire d’autant plus utile qu’ils sont plus fluides.    Le texte partage avec la liste de synonymes un fonctionnement de « tête chercheuse ». En effet, qu’est-ce qu’écrire un texte sinon partir d’une vague intuition, d’une idée, d’une image, d’un mot, d’une sensation pour en suivre l’aventure, les méandres ? À partir d’un point de départ confus, le texte, comme la liste de synonymes, propose une cartographie. Il cerne, contourne, projette ailleurs dans plusieurs directions, s’éloigne, creuse, surprend.   Conclusion Le dictionnaire des synonymes n'est pas pour l'écrivain un simple répertoire de substituts, il permet de sculpter la phrase, d'afffirmer un style et une intention avec une précision quasi musicale, en jouant sur les infinies variations du sens.  La liste des synonymes est une belle métaphore du travail de l’écriture d’un paragraphe par exemple : une petite totalité, diverse, mais réunie par un élément simple.   La fréquentation des listes de synonymes fait prendre conscience des multiples possibilités lexicales et permet de s'approprier de nombreuses qualités de vocabulaire. Les synonymes, par leur proximité et par leurs écarts, expriment quelque chose du réel, des émotions ou des sensations. Souvenons-nous pour terminer que chaque langue découpe le réel de façon différente : les Inuits disposent de près de quarante mots pour décrire la neige là où nous n’avons que "la neige" et "la poudreuse".   Il est intéressant de croiser plusieurs dictionnaires des synonymes : par exemple Larousse pour lune vision moderne, le Littré pour une vision plus historique de la langue et de profiter de la facilité d'accès des dictionnaires en ligne. Je recommande notamment  :    CRISCO  et     CNTRL    {loadmoduleid 197}   
08 novembre 2025
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Il s’appelait Cristo De Soude, il avait la peau décapante d’un blanc de pierre ponce et de talc à reluire. Assis sur un banc vert salace, il la regardait depuis peu. Elle, Léontine Aux Oiseaux, taille d’anguille aigue-sanguine, robe rouge, peau de pécheur, cheveux en toile caramel étoilée d’un filet roux de cassonade, pupille samba du Brésil, faisait, comme chaque jour, à cette heure vermeil, le salut au soleil. Adepte du yoga des cimes, elle s’efforçait d’effiler sa silhouette déjà fort fine sur la pointe de ses pieds couleur vernis de chevalet de peintre en paysages lointains. Cristo voyait luire ses ongles, dix petits firmaments vert sombre tendus vers l’astre aux couleurs de chocolatine et de croissant : c’était l’heure du petit-déjeuner et Cristo, affamé de Léontine, voyait déjà flamber sa robe rouge cerf-volant, suspendue au bout du cintre noir litière de son sombre appartement.Il hésitait. Ne pas bouger, admirer le camaïeu de cette femme-promesse étalée dans les mordorées que le soleil ne manquait pas de lui renvoyer ? Finalement, il attendit.Elle saluait l’astre qui répondit d’un charmant rayon réglisse, — Pour vous sertir !Léontine salua plus bas tandis qu’une trainée de bave astrale glissait, affable, affaiblissant le piquant de l’étoffe de sa robe trop rouge pour la saison.Lassé d’assister aux échanges entre la lumière solaire et le soleil cher à ses yeux, Cristo s’avança. Il marchait ardemment sur le chemin aux teintes rosée-du-matin, se laissant attirer par l’odeur de pistache que répandait le souffle oblong de Léontine au divin nom. Chaque pas ayant sa couleur, de la plus froide à la fournaise, une palette de douleurs cassait son élan alezan. Sur son chemin de croix, l’olive s’oxydait en vert laurier d’épines et Cristo blanchissait sous le glaive de son désir cireux de l’embrasser. Il s’approchait. Il s’en chauler. Leucocytait. Déglobulait. S’enfarinait. Se déprimait en lactescent déliquescent. Le parc, nu de tout autre vivant, lui paru d’un vert esseulé, et le noir curieux des troncs d’arbres prenait le vieux reflet jauni des mille et une nuits des amoureux transis. Il avançait, le gris le corrodait, l’asphyxiait, et, comble pour un fils De Soude, le caustiquait.Le rouge magmatique de la robe coulait vers les zones secrètes et blettes de sa sensualité naissante, zones cyanosées de sens unique, jaunes de peur de déplaire et blanches comme sa figure de futur éconduit. Son cœur violine pulsait la sarabande du condamné au noir perpétuel. Enfin, frôlant du bout des doigts l’extrémité de son écharpe en fil gris purgatoire, il vit le visage bistré de sa divine virer nuance baie de citre. — Vous décolorez ma journée avec vos airs de fer à souder ! Choqué, souffrant, Cristo la dessouda en mille morceaux de couleurs qu’il serra très fort sur son cœur. Pleura avant de les jeter en arc-en-ciel de ses regrets et sans remord, dans la terre de pain brulé, il finit par les enterrer en ballottines bleu-Léontine.   Sylvie Reymond Bagur      {loadmoduleid 197} 

Une chanson douce

Atelier Ecrire d'après une scène de film

Ils crient. Ils boivent. Ils gesticulent. Que des hommes. Que des soldats. Ils se sentent forts. Forts d'être des hommes. Forts d'être nombreux. Forts d'être encore vivants. Un moment de trêve. Un moment où il est possible d'oublier la souffrance. La peur. L'horreur. Ils sont à l'abri de la guerre. ...

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Les sentiers de la gloire Epilogue

Atelier Adaptation littéraire d'une scène de Kubrick

Le soir tombait. Les rues du camp étaient désertes. Encore tremblant de la colère qu'il n'avait pu contenir devant le cynisme de Boulard, le colonel Dax éprouvait le besoin de se retrouver seul.Alors qu'il allait ouvrir la porte de son appartement, un vacarme de sifflements, de cris, d'interpellatio...

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Un petit dérivatif

Atelier- Ecrire d'après une scène de cinéma

Clameurs goguenardes, moqueuses, hargneuses. Messieurs ! ça siffle, ça gueule bouche béante, ça gouaille, ça remue. Usée, râpée, à bout, ivre peut être. Une troupe. Des hommes, unis dans un même corps, qui se sont battus pour défendre, défendre quoi ? Surgis du néant de la bestialité, ils gueulent, ...

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Le roman de Jean-Max !

J'ai eu eu la chance de faire la connaissance de Jean-Max à l'occasion de sa participation à mes ateliers en ligne. Vous pouvez vous faire une idée de son travail passionnant autour du cinéma en consulant son site : https://bilogroup.wixsite.com/jmmejean  &nbs...

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Chatte égyptienne

Atelier :  scène cinématographique...       Indigo, presque violet, un papillon nain volète, virevolte, furète dans les campanules, s'attarde sur un pistil dressé dans sa corolle, dédaigne le trèfle, aspire le coeur d'une marguerite. Poursuivant sa course dansante, il a perç...

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C'était au printemps dernier. J'avais enfin réussi à accomplir une partie de mon rêve : je m'étais installée depuis quelques mois dans un hameau...
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Confronté à l'urgence,il se mit courir en tous sens, sautiller, gémir, s'arracher les cheveux, faire tourner ses yeux, invoquer la clémence divine, im...
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Phrases d'auteurs...

"Si vous avez quelque chose à dire, tout ce que vous pensez que personne n'a dit avant, vous devez le ressentir si désespérément que vous trouverez un moyen de le dire que personne n'a jamais trouvé avant, de sorte que la chose que vous avez à dire et la façon de le dire se mélangent comme une seule matière - aussi indissolublement que si elles ont été conçus ensemble."  F. Scott Fitzgerald

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

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