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Nouvelles de Julien Green

Le "Voyageur sur terre" est un recueil de quatre nouvelles découvert parmi les lectures de textes fantastiques que j'écume depuis plusieurs semaines : le fantastique est l'un des premiers thèmes de cette nouvelle année d’ateliers. Que ce soit au travers de romans, nouvelles ou livres théoriques, je m'y suis plongé avec, je dois le dire, une certaine volupté. On entre dans ce recueil comme dans un brouillard. Green...

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La légende de la côte.

C'est un endroit du monde entre mer et campagne. Une ossature de granit qui défie l'océan. Derrière la chaîne de roches qui ceinture et découpe le littoral, une plaine côtière colorée par la saison printanière. Un camaïeu de vert, du plus tendre au plus brun. Quelques fleurs sauvages y sont installées comme le bleuet ou le coquelicot à l'abri de la vague qui vientclaquer la muraille rocheuse. Leur frêle collerette épargnée par la violence des vents qui peut dans cette partie de terre arracher le couvre tête de n'importe quel promeneur.

Si l'on s'aventure à pied par la corniche on découvre le rocher terminal. Et là, face à l'onde cuivrée, une forme, une découpe dans la roche. Un trompe-l'œil tailladé dans le secret des vents, posé devant l'Atlantique. Une œuvre atemporelle longue et difficile à devenir. Façonnée par l'érosion, les mouvements violents de l'air, la colère des roches, les tremblements de notre sphère. Mais avant de s'en approcher, il faut longer le précipice galonné de végétaux. Éclaboussé dans sa pente par la vague qui vient buter ses flancs. La promenade du littoral surplombe les rochers qui par endroit prennent en étau la mer pour former des bassins. Des langues marines, émeraude, se mélangent aux eaux turquoise. Une invitation à la baignade dans ces enclaves préservées. Des îlots de granit isolés semblent flotter, cerclés d'écume, indifférents à la cajolerie des vagues. Dans le va et vient des eaux huileuses tantôt argentées tantôt violines voguent des voiliers encastrés dans la masseventeuse. La ligne de rivage serpente à flanc de falaise jusqu'au géant pierreux, hercule au repos qui respire depuis l'éternité l'air salé venu du large. Adossé à la roche, il domine puissamment l'étendue marine tel un vétéran immortel dont la mission est de surveiller les eaux meurtries nettoyées de leur sang.

Tout chez lui tient de l'humain. Son crâne recouvert d'une chevelure végétale brossée par le vent de mer. Son buste, lavé d'eau salée, vêtu d'herbes rases et sauvages, serti dans la masse graniteuse. Ses bras recouverts de végétaux grillés par les lames de soleil, calés sur des accoudoirs de roches cristallines. Un humanoïde façonné par la nature et le temps. Figé dans son mystère.

Quelques grottes se cachent sous l'enrochement du sentier. L'eau y disparait par endroit pour réapparaître habillée de mousse blanche. La promenade est balisée pour s'approcher au plus près de l'homme en vigie qui surplombe l'océan. Un soldat apatride, survivant silencieux sorti indemne d'un débarquement meurtrier. Le passage est parfois

vertigineux. Des pans de roches taillés à la serpe, détachés, empilés, en équilibre. Un escarpement isole le colosse du randonneur qui voudrait l'atteindre.
On raconte aussi que certains se souviennent encore de la très belle Elena. Elle expliquait avec force conviction que l'homme qui surveille la mer ressemble à s'y méprendre à son fiancé mort durant la bataille de Normandie. Elle allait jusqu'à l'escarpement ne pouvant s'approcher davantage. Elle restait des jours entiers à observer son bien-aimé, le deviner, l'appeler, assise les jambes pendantes au-dessus du vide. Elle l'aimait au-delà de son silence. Elle se faufilait dans ses rêveries. Elle jalousait l'infini du paysage devant ses yeux. Elle voulait être ce paysage. Elle empruntait parfois un bateau fantôme pour voyager avec sa chimère dans les turbulences océanes. Elle attendait un signe de l'amant prisonnier attentif à son appel. Elle scrutait le moindre changement de l'amoureux encarté dans le minéral. Il semblait s'agiter quand la brise bousculait le jardin qui poussait sur sa peau. Un espoir. Alors Elena souriait, s'enfiévrait, envoyait des brassées de baisers, lui promettait de revenir demain.

On rapporte qu'un jour de grande tempête, elle le vit bouger, se tourner vers elle et lui sourire. Elle se leva fit un pas en avant pour le rejoindre mais tomba dans la crevasse qui la séparait de lui.

Depuis de la terre s'est accumulée et tassée sur le flanc du géant. On aime penser qu'Elena est venue s'y blottir pour l'éternité. 

L'enfant
ELLE

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Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le vendredi 4 mars 2022 20:50

Un texte poétique et inspiré écrit à partir de la proposition " Conrad :Paysage, enjeu historique et légende".

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