Un petit chapeau aux couleurs fanées sur la tête, ce matin-là, comme chaque matin, tenant à la main son cabas duquel dépassaient poireaux, fanes de carottes et plumes de volaille fermière - c'était jour de marché - Albertine Parut poussa de toutes ses forces la lourde porte de l'église, franchit le ...
Nous nous sommes rencontrés il y a peu de temps au détour d'une expérience peu conventionnelle. Au premier contact, mes poils se sont hérissés. Mon cœur s'est mis à danser au rythme effréné de ma synapse neurologique. Il s'est présenté à moi telle une créature divine issue de la Grèce antique.
Inaccessible et mystérieux, il s'est approché vers moi, pas à pas. J'étais là, debout face à lui. Dans un silence envoutant, le temps s'était figé. Hypnotisé par son charisme, je restais pantoise à contempler sa prestance imposante.De ses grands yeux noirs tintés d'un air provocateur, il s'est arrêté à quelques centimètres de moi. Il était comme une drogue à laquelle mes yeux ne parvenaient pas à s'échapper.
A l'évocation de son nom, de multiples sensations ont commencé à m'envahir. Partagé entre la peur et l'admiration, mes lèvres entre-ouvertes se sont refermées. Des papillons intérieurs ont commencé à s'agitaient. Vous connaissez sans doute cette sensation ? Celle qui vous tiraille si fort que vous n'arrivez plus à respirer. Celle qui parvient en l'espace d'un instant à vous faire perdre le contrôle. Vous l'avez sans doute compris, sous son air angélique, mon oiseau ailé m'avait bousculé.
A ce moment précis, j'avais décidé de fuir. De quel droit se mêler t-il de ma vie ?
Dans un regain de rébellion, je m'étais imaginée déguerpir sans me retourner, en espérant que ma folie décourage mon adversaire. Poings serrés, je décidais d'entamer ma course frénétique, lorsque deux bras s'enroulèrent autour de ma taille. Stoppée dans mon élan, je mis quelques secondes à reprendre mes esprits.
Face à mon désarroi, il a comblé la distance qui nous séparait, resserrant ainsi plus solidement sa prise sur mes hanches. Avec une infinie douceur, il s'est alors penché pour me susurrer quelques mots d'encouragement. Nos regards se sont mélangés, cherchant à s'apprivoiser mutuellement. Je l'ai laissé doucement me toucher, m'envahir, m'envelopper dans une bulle de compassion où seule la caresse du silence était perceptible.
Je l'ai questionné. Il ma questionné. Je n'étais pas prête à ce changement. Je ne voulais pas l'accepter. Si l'on vous demandait, demain, de renoncer à vos plus profondes croyances, accepteriez-vous ? Seriez-vous prêt à changer ? A voir le monde différemment ? A faire foi du passé et des souffrances que l'on vous a infligées ?
Non bien entendu. A cette pensée, il s'est contenté de sourire. Un sourire malicieux qui vous laisse en suspens jusqu'à oublier le moindre de vos mouvements, qui vous paralyse comme un chat la nuit devant les phares d'une voiture, qui vous entraîne inconsciemment, au plus profond de votre être.
Alors dans une valse langoureuse, sa chaleur s'est mise à pénétrer chaque parcelle de mes cellules. Dans une attente affûtée et maîtrisée, je l'ai senti guetter la moindre faille de mon subconscient. Mes muscles se sont contractés à chaque tentative d'invasion, la fourche sur l'épaule, tels des diablotins repoussant l'arrivée d'un ange gardien. Puis soudain, dans cette lutte effrénée, une lumière blanche a déferlé dans mes vaisseaux, telle une vague énergisante d'éclat divin, qui emporte tout sur son passage. Mon hôte a émis une telle puissance, un tel pouvoir que je n'aie pas pu lui résister plus longtemps. Alors j'ai cédé. J'ai gouté à la volupté de son amour. A la véracité de son intégrité.
Je lui ai ouvert les portes de ma forteresse. J'apprends désormais à lui faire confiance. Dans les eaux profondes et tumultueuses de mon système lymphatique, je perçois déjà les premiers symptômes de la guérison. Le combat est fini.
Je sais à présent qu'il y a des chemins que nous n'emprunterons jamais. J'en suis convaincue. Et pourtant, le chemin du pardon est un privilège à s'accorder pour retrouver la paix intérieure.