Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Camille L.
13 novembre 2024
Textes d'ateliers

Un petit chapeau aux couleurs fanées sur la tête, ce matin-là, comme chaque matin, tenant à la main son cabas duquel dépassaient poireaux, fanes de carottes et plumes de volaille fermière - c'était jour de marché - Albertine Parut poussa de toutes ses forces la lourde porte de l'église, franchit le ...

Derniers commentaires

Invité - Jean-Francois La tentation d'Albertine
16 novembre 2024
Ah! Albertine...
Invité - Roussin La tentation d'Albertine
13 novembre 2024
Un récit haletant hallucinant aux parfums enivrants de l'encens qui fait perdre les sens. Plonger so...

Mon blog personnel

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Nouvelles de Julien Green

Le "Voyageur sur terre" est un recueil de quatre nouvelles découvert parmi les lectures de textes fantastiques que j'écume depuis plusieurs semaines : le fantastique est l'un des premiers thèmes de cette nouvelle année d’ateliers. Que ce soit au travers de romans, nouvelles ou livres théoriques, je m'y suis plongé avec, je dois le dire, une certaine volupté. On entre dans ce recueil comme dans un brouillard. Green...

Lire

Taille du texte: +

​Les vaches de Paul

images-158

Il y a trois vaches dans le pré. Elles sont blanches. L'une a la tête relevée, un regard doux et inquiet qui donnerait envie de l'apprivoiser, les deux autres paissent, tranquilles, exactement ce que l'on l'attend de toutes les vaches. Le pré s'étale en pente douce, un dégradé de verts nuancé de jaune. En haut du pré, les collines boisées étincellent déjà d'un peu d'orange. C'est une scène de début d'automne, sans mouvement, paisible, comme suspendue dans l'air et Isabelle aime y perdre son regard.

Pour l'heure elle a fermé les yeux. Cela fait longtemps qu'elle ne se regarde plus dans le miroir, c'est devenu trop décourageant. Peut être a-t-elle oublié tout simplement à quoi ça sert ? Autrefois oui... elle aimait y retrouver le reflet de son teint clair, de ses yeux couleur de châtaigne et de sa petite bouche en forme de fraise. « Isabelle, belle, belle, belle…» chantaient les galants qui venaient la chercher pour la conduire à la fête du village. Ils faisaient la farandole en bavardant et chantant, c'était gai et léger. Il y en avait un avec des cheveux bruns, frisés et des yeux très bleus. Comment s'appelait-il ? Elle cherche un moment, mais aucun nom ne lui revient. Au fond de sa mémoire unaccordéon joue « le dénicheur », la musique bourdonne et l'entoure comme un châle de laine. Elle est bien.

Isabelle garde les yeux clos. De toutes façons elle n'y voit plus guère, même avec les lunettes accrochées à son nez. Il y a encore deux ans elle pouvait lire sans difficulté. C'était bon de s'évader. Tant que l'esprit continue d'ouvrir des portes sur le monde même quand le corps les ferme, il y a du goût à continuer.Mais maintenant son esprit est devenu fantasque, parfois il est nu comme un désert, parfois il s'agite dans tout les sens comme une mouche dans un bocal et elle ne peut le dompter. Sa mémoire elle, ne fixe plus grand chose.

Ce visage de beau brun par exemple il est familier, elle revoit la tête penchée sur le coté, les crans de la mèche de cheveux de devant. Un regard qui insiste, caressant, et une autre chanson qui revient : « Chérie je t'aime, chérie je t'adore... », mais ou est donc passée la suite...?

Isabelle sait qu'il ne faut pas trop agiter le champs clos où errent ses pensées car la souffrance peut jaillir vite et par surprise. Elle ré ouvre les yeux comme pour sortir d'un cauchemar et regarde ses mains. On dirait des oiseaux pâles posés sur ses genoux. Les veines tracent des sillons bleus sur le dessus, les paumes sont rêches, les ongles transparents et friables. Ce sont des mains qui ont travaillé plus qu'à leur tour. Elle les frotte doucement l'une contre l'autre, une odeur de savon lui monte aux narines. C'est une odeur de maintenant, sans relief, un peu trop aseptisée. Au loin il y en avait d'autres qu'elle préférait : gros savon de Marseille, extrait de lavande et celle de ces petits sachets de poudre bleue que l'on mettait dans l'eau de rinçage pour que le linge soit plus blanc. Oui, mais le linge il séchait dehors, à même l'herbe du pré, cela faisait toute la différence. Comme il faisait bon ensuite se glisser dans la toile raide des draps de fil. Ici les draps sont lisses et tout mous.

Isabelle convoque des scènes de lessives d'autrefois et elles reviennent dociles se ranger autour d'un lavoir communal avec le bruits des battoirs et le fracas des conversations animées. Il y avait de la joie, de l'amitié, il y avait de la peine aussi. Qui doncun matin de janvier avait dû casser la glace pour laver des draps ensanglantés, les draps dans lesquels trois jours auparavant elle avait mis au monde son dixième enfant? Une voix basse et éraillée raconte une fois de plus cette histoire, Isabelle croit bien reconnaître celle de sa mère.

Ses pensées sautent soudain en pleine chaleur de l'été. Un attelage de bœufs roux à la hanche solide tire un haut char de foin. Les herbes coupées ras piquent les chevilles des faneuses qui passent le râteau et il faut faire attention aux vipères que l'on débusque parfois. La poussière du foin colle à la peau moite, on a soif, on boit de l'eau et aussi du vin à larges rasades. Char après char les greniers se remplissent et au fur et à mesure les reins grincent leur douleur. Mais le maître est content, les foins seront rentrés avant la pluie.

Revoilà le visage brun, sourcils froncés, regard de colère et bouche crispée. Que dit la voix? « Je ne veux plus te voir, débrouille toi toute seule, tu n'es qu'une trainée!.. ». Mais pourquoi la voix est-elle si méchante?

Les mots grondent comme un tonnerre, ils blessent. Isabelle s'agite, elle a mal à la poitrine, ses joues rougissent violemment. Elle le savait bien que c'était mauvais d'ouvrir la boite aux souvenirs. Elle halète comme un vieux cheval.

Alors, elle retourne à la contemplation de son pré avec la vue rassurante des vaches blanches qu'elle aime. Peu à peu voilà qu'elle respire mieux, elle sourit, elle est heureuse. C'est sa campagne à elle, celle où elle est née, celle où elle courait petite fille. Elle est tranquille à nouveau.

Et pourtant la campagne n'existe pas en vrai.... Ce n'est qu'ungrand tableau accroché sur le mur. Il s'appelle « les vaches de Paul ».

Dans le couloir on entend des pas et puis un petit heurt sec contre la porte. C'est l'infirmière avec les cachets du soir.

Hélène Delprat

Constance
Le 16 Mars 1996

Sur le même sujet:

 

Commentaires

Pas encore de commentaire. Soyez le premier à commenter
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
jeudi 21 novembre 2024

Textes à redécouvrir

28 août 2024
      Et dire que pendant neuf mois Sophie les avait fantasmés, marchant hallucinée dans sa chambre, vénérant les yeux fermés ces ...
168 lectures
16 juin 2019
Etoile grand-combienne 1 Le journal : « Une étoile s'éteint dans la nuit grand-combienne » Mardi matin aux aurores, la brigade de Répression des Fraud...
1454 lectures
10 avril 2021
Le soleil s'est levé depuis une paire d'heures. Il fait déjà chaud... L'ombre des arbres s'écrase sur la route, les bâtiments sont troués de gran...
849 lectures

Phrases d'auteurs...

"Si vous avez quelque chose à dire, tout ce que vous pensez que personne n'a dit avant, vous devez le ressentir si désespérément que vous trouverez un moyen de le dire que personne n'a jamais trouvé avant, de sorte que la chose que vous avez à dire et la façon de le dire se mélangent comme une seule matière - aussi indissolublement que si elles ont été conçus ensemble."  F. Scott Fitzgerald

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mots-clés

Absence Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Baiser Bateau Blaise Cendrars Bourreau Buzzati Cadre Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Concours Construction Corps Corse Couleur Couleurs Couple Course Covid Crescendo Description Désert Désir Dialogue Diderot Douleur Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Ecrivain Emmanuel Berl Enfance Enumérations Ephémère Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Famille Fantastique Faulkner Felix Fénéon Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Julio Cortázar La vie Langue Larmes Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lettres Lieu Littérature américaine Main Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Micro nouvelles Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musée Musicalité Musique Mythe Mythes Naissance Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Obsession Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Photo Phrase Phrases Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Prison Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Recueil de nouvelles Réécriture Rencontres Résilience Révolution Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Souvenirs Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Venise Vie Vieillissement Ville Violence Visage Voix Voyages Voyeur Zola Zoom