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Nouvelles de Julien Green

Le "Voyageur sur terre" est un recueil de quatre nouvelles découvert parmi les lectures de textes fantastiques que j'écume depuis plusieurs semaines : le fantastique est l'un des premiers thèmes de cette nouvelle année d’ateliers. Que ce soit au travers de romans, nouvelles ou livres théoriques, je m'y suis plongé avec, je dois le dire, une certaine volupté. On entre dans ce recueil comme dans un brouillard. Green...

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L'ATTENTE

Il aurait voulu dormir le plus tard possible, ne pas avoir à attendre. Se réveiller : c'est fini.

À trois rues de là, le clocher de l'église Saint-Sulpice (église fin XIXème, sans style particulier) sonne toutes les heures, les demi-heures aussi.
Il s'est réveillé à quatre heures.

Il reste dans le lit, il a d'abord mis le drap sur la tête, couvert complètement, comme les enfants qui jouent à cache-cache.
« Mais où il est ? » « Oh, il a disparu ?» Les enfants essaient de ne pas rire, ils se retiennent ; les Papas font semblant de chercher ; « Oh je vois une grosse bosse là, dans le lit ! » ; les Papas frappent sur le drap ; les enfants éclatent de rire.

Le drap lui couvre la tête.
Il aurait voulu ne pas se réveiller.

Papa tapait souvent, avec ou sans drap. Qui a tapé, tapera. Papa !

Il aurait voulu ne pas s'endormir, pas du tout, prendre tout le temps nécessaire, les attendre de pied ferme, rester debout même, bien droit, fixe, « à vos rangs, fixe ! », il avait su rester droit comme cela, au temps des uniformes, sans rien attendre, juste attendre « Repos » ou « Rompez », attendre qu'on le libère, il n'a fait que ça, attendre qu'on le libère, libérer ses coups, se libérer des coups, en prendre et en laisser.

Il a enlevé le drap. Tout repoussé au pied du lit. Il s'est foutu à poil. Il le pense comme ça. Il ne s'est pas déshabillé, « je me mets à poil. » Allongé.
— Qu'ils viennent les salauds !
Il a mis sa main sur son sexe. Rien. Pas de vie. Il fait trop noir. Trop nuit. Trop « Quand vont - ils arriver ? »

Saint-Sulpice répète ses heures.
Est-ce qu'il va entendre leurs pas dans le couloir, ce seront des pas décidés ou des pas hésitants, un sale boulot, c'est tout de même un boulot, faut le faire : ils viendront le faire.

Pourquoi le drap est mouillé ? Il s'affole. Sueur ou pisse ? Il s'est pissé dessus. Pas possible. Le drap est humide. Il s'est endormi un instant. Il a pissé au lit. Comme autrefois, comme toujours dans ses cauchemars, « J'ai fait pipi au lit ». Dans le noir, il enlève le drap, il va jusqu'au lavabo, laisse couler un peu d'eau, il hésite à allumer le petit néon au-dessus du lavabo, tout à coup, se voir dans le miroir, ce miroir avec des taches, des taches de miroir disparu, voir son visage mangé par les taches du miroir. Ne pas se voir totalement. NON. Pas ce matin...

Il veut s'imaginer tel qu'en lui-même.

Il passe le gant sous l'eau, il se lave les jambes le sexe les fesses le ventre. Il essaie de se laver le dos. Il faudrait que quelqu'un lui lave le dos pour que ce soit bien fait. La vie rêvée, c'est ça, avoir quelqu'un qui vous lave le dos. Quand il était en uniforme, un type lui a appuyé pendant plus d'une heure sur sa plaie pour éviter une hémorragie. C'est pas rien ça. Une autre fois, (il

n'était plus en uniforme à cette époque) une femme l'a planqué toute une semaine sans poser de questions. C'est pas rien ça !
Mais personne ne lui a jamais lavé le dos. C'est pas rien...

Bon, qu'est-ce qu'ils foutent ? ils vont arriver bientôt ? Merde ! Qu'on en finisse !

Bon qu'est-ce qu'ils foutent ils vont arriver bientôt merde qu'on en finisse.

Ça va avoir des cravates, c'est sûr, là c'est du sérieux, est-ce qu'ils ont dormi, eux, est-ce qu'ils pissent au lit parfois ?

Il aurait drôlement envie d'allumer le petit néon au-dessus du lavabo. Il a envie de taper sur la porte.
Il aurait envie d'un lit confortable avec des draps secs.
Il aurait envie d'une douche chaude.

Il aimerait voir la mer.
Il aurait envie de boire une bière en terrasse. Pas trop de mousse s'il vous plait
Il imagine. C'est pas tout à fait pareil mais c'est bien quand même.
La vie. Tout était bien quand même.
(Saint-Sulpice sonne sa demi-heure.)
L'air de rien. Sa main gauche se met à trembler, il ne sait pas pourquoi, pourquoi la main gauche, la droite aussi maintenant tremble, les jambes, il doit s'asseoir, il s'assoit sur le bord du lit, tout au bord, pas sur le matelas encore humide, mais sur la barre métallique du sommier, il tremble, le souffle court, souffle coupé, il met sa main qui tremble sur sa poitrine tremblante. Qu'ils ne viennent pas.
Qu'ils s'arrêtent là-bas.
Qu'ils s'arrêtent au bout du couloir.
Qu'on le laisse dormir.
Saint-Sulpice. SILENCE.

Ça frappe à la porte. C'est l'heure.
La porte s'ouvre. Une hésitation.

— Il faudrait vous habiller Saint-Sulpice sonne six coups.

...Il pense « C'est joli, le son des cloches ».

Portrait de groupe : costumes trois pièces, casquette de gardien, aube d'aumônier, cartable de cuir, chaussures cirées, pli du pantalon repassé, les boutons de manchettes, cravates noires, col de chemise amidonné.
Pas de femme.

Il ne les voit pas tous, du moins, pas entièrement ; certains sont encore dans le couloir ; seule la silhouette du gardien se dessine parfaitement dans l'encadrement de la porte ; c'est lui qui a dit « Il faudrait vous habiller » presque d'une voix douce.
C'est quoi la voix douce d'un maton.

Trouver le caleçon le pantalon la chemise. Est-ce qu'il met ses chaussettes aussi ?
S'habiller devant eux, l'impudeur n'était pas d'être nu mais de s'habiller devant eux : se couvrir, se recouvrir, s'ensevelir, déjà.
S'habiller comme on courbe la tête sur le billot. Billot de banque, braquage, dérapage.
Maman ne faisait pas de gâteau et Papa ne faisait pas de chocolat. Ni en haut, ni en bas.
Le caissier, la main sur son ventre rouge percé, l'air étonné.
Qu'est-ce qu'il fait ton Papa ? Rien.

Le type cravate-costume-trois-pièce-tête-de-juge, derrière le gardien, a du poil qui lui sort des oreilles. Lui voit cela. Il est habillé maintenant et il voit les poils des oreilles. Quand on va réveiller un type aux aurores au nom de la loi on devrait se raser les poils des oreilles. Il pense qu'il pourrait exiger cela. « Allez donc vous couper les POILS. »

Si tu dis un mensonge, je te coupe la langue. Maman avec les ciseaux à la main, lui terrorisé. J'ai pas menti ! Il sait qu'il ment. Il a peur des ciseaux. Maman fait jouer les lames des ciseaux, ça crisse d'une lame sur l'autre.

C'est l'heure dit Poils d'oreille. Ils s'écartent tous de la porte. Le gardien tend la main, lui, il aurait presque envie de lui prendre la main comme pour une promenade comme pour traverser la rue il faut bien regarder à droite et à gauche avant de traverser et on passe devant la vitrine du bar tabac avec le tourniquet des petites voitures en métal on les regarde elles font envie mais on n'a pas le temps il faut avancer et on traverse la place du marché jusqu'à la supérette il faut aider Maman à porter le sac des courses et vite il faut rentrer.

Il est dans le couloir maintenant
Le couloir est infiniment long et terriblement court
Eux de chaque côté, une haie d'honneur. Une haie d'horreur Ses chaussures n'ont pas de lacets. Il traine savate

Bon dieu, c'est pas compliqué de faire un nœud de lacet. Il essaie, essaie encore, ses petits doigts tremblent, ça se mélange, passer dessus, passer dessous, tirer. Mais qu'il est con, c'est pas possible comme il est con ! Papa ne fait pas de chocolat. Le nœud est mal fait, serré, pas moyen de le défaire, il se dépêche, sur un pied. Traine savate. Papa marche vite, exprès.

Marchez pas si vite ! Le couloir est trop court ! On a le temps ! Je veux un peu de temps ! Encore un peu de temps... Portrait de groupe avance. En rythme. Qu'on en finisse, ils pensent tous. Pas agréable moment, mais qu'un moment à passer.
Lui va y passer.

La casserole était sur la table, il a voulu voir ce qu'il y avait à manger, il l'a renversée, le petit frère a été brûlé. « Mais qu'il est con ! » a dit Maman qui ne fait pas de gâteau.

Le couloir est fini, la porte s'ouvre sur l'aurore, le ciel semble clair : Cela pourrait être une belle journée. 

Dialogues et roman
L'aube

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Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le dimanche 14 août 2022 20:27

Quelque chose de kafkaïen dans ce texte. Superposition des temps, détails qui semblent s'adresser à nous, un moment d'attente et tout un itinéraire, une vie en quelques lignes. Beaucoup de force, d'humanité et d'émotion.

Quelque chose de kafkaïen dans ce texte. Superposition des temps, détails qui semblent s'adresser à nous, un moment d'attente et tout un itinéraire, une vie en quelques lignes. Beaucoup de force, d'humanité et d'émotion.
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