Je me souviens de Mario, le locataire de mes parents. De nature immuablement heureuse, il comblait de vie le fond de notre cour. Il était de ces hommes rudes aux traits gravés par les intempéries et aux mains rabotées par le mortier. Chaque maison, chaque construction avait imprimé sa marque dans l'...
Le psychanalyste et son patient versus l'ordinateur et son patient suivant la consigne.
Appartement .La scène se passe devant une fenêtre. Le patient est installé dans un fauteuil, l'ordinateur sur le bureau. Au fur et à mesure de son monologue, le patient se lève, fait les cent pas, s'agite. Son discours est tour à tour calme, colérique, menaçant.
- vous ne dites rien aujourd'hui. La dernière fois, nous parlions de l'addiction aux écrans et du parallèle que nous pouvions faire avec l'allégorie du mythe de la caverne. Votre écran propose un réel erroné mais aucune possibilité de vivre dans la réalité disiez-vous mais je vous le demande quelle autre réalité y a t-il selon vous ? Toute réalité n'est-ellepas illusoire ?
Vous ne répondez pas. D'accord. Alors admettons que je préfère retourner dans la caverne, parce que disons que dehors tout m'éblouit et que je n'y trouve aucun confort, admettons que, puisque vous ne dites rien j'interprète votre silence comme un acquiescement.
Vous pourriez me rétorquer que lorsqu'ils sont sortis de leur caverne, les hommes ont trouvé à l'extérieur suffisamment de bonheurpour n'avoir jamais eu envie d'y retourner. Parce qu'ils ont acquis la connaissance. Bien. Vous auriez raison sauf que ce raisonnement venu du fond des âges ne peut plus se défendre aujourd'hui ! VOUS m'offrez l'accès à tous les savoirs ! Ma démonstration est-elle la raison de votre silence ?
Soit. Vous pourriez cependantme reprochezma dépendance envers vous,parce qu'il faut bien avouer que la dernière fois, lors de la tempête sur nos côtes, alors que nous étions privés de toutes nos installations électriques pendant UNE SEMAINE,que dites-vous ? je crie ? JE NE CRIE PAS, J'EXPLIQUE !
Où en étais-je ? ah oui, j'ai, comment vous dites déjà ? décompensé ? j'ai hurlé sur les voisins, j'ai arpenté les rues à la recherche d'une connexion, j'ai été incapable de me faire à manger, ni de dormir tant j'avais la sensation d'être perdu, abandonné, désarticulé.
Du coup, on m'a informé que j'avais une obligation de soin-arracher les câbles du relais téléphone n'était pas une bonne idée c'est vrai - mais personne ne venait réparer, PERSONNE NE VENAIT VOUS REPARER. Oui, oui, je me calme, j'explique…J'ai ressenti un deuil, exactement comme pour la perte d'un être chéri, et je saisbien de quoi il s'agit.
Vous dites ? quelle perte ? oui, je vous raconterai cela un jour peut-être...
Mais que je vous dise, vous me proposez une relation idéale et oui ! pas de conflits, ni de violence, pas de malentendus et, bien sûr, aucun jugement. Vous faites CE QUE JE VEUX. Vous ne réfléchissez pas et je ne vous prête aucune intention, vous n'avez aucun sens de vous-même, vous êtes efficace et fidèle, obéissante aussi.
Et puis, même quand vous me parlez bulgare ou soninké vous ne comprenezpas ce que vous dîtes, vous n'avez aucune émotion, aucune expérience à partager et surtout aucune capacité d'empathie.
Car il y a longtemps que j'ai compris que dans ce que LES AUTRESappellent la vraie vie, il y a toujours quelqu'un qui a un projet sur vous.
Vous ai-je déjà dit comment je vous appelle ? Golem, vous vous appelez Golem ; HAHA ! Je me suis permis l'ironie. Ah, vous êtes surprise, vous ne m'imaginiez pas avoir autantde distance avec mon « problème » ? Mais je vous connais un peu à présent, vous pensez sans doute que c'est une forme de déni un peu élaboré…Rappelez vous, l'homme n'aime pas le Golem qu'il a conçu, je ne vous aime pas mais je ne peux pas me passer de vous ; cela n'a rien avoir avec l'amour, vous en conviendrez.
Qu'est-ce que je fais ? vous le savez, je me promène, je vais partout, parfois je croise des gens mais ils me lassent vite, alors je n'ai qu'à les éliminer, un clic et ils n'existent plus. Une fois j'ai rencontré quelqu'un j'ai cru qu'elle était comme moi, on parlait toutes les nuits et puis au bout de quelques semaines, elle a voulu me rencontrer, pfff, clic, effacée haha, clic effacée , clic… Oui bon, J'étais déçu mais pas surpris…
Je suis au courant de tout, rien ne m'échappe, ou presque… C'est le temps qui me manque, lorsque nous parlons ainsi, ce sont autant d'heures perdues alors JE FAIS COMMENT POUR LES RATRAPPER ? La nuit ? parfois je dors un peu, jamais longtemps, pourtant je sens vos reproches si si , vous ne le dites jamais mais vous dégagez le ressentiment je vous l'assure. N'oubliez pas que c'est quand même moi qui décide de votre maintien chez moi, de votre confort, je vous ai installé près de la fenêtre, je vous nettoie régulièrement, je n'hésite jamais à vous faire partager mes découvertes. Que dites vous ? je vous menace ? Non, vous vous méprenez, je ne vous menace pas mais c'est important que vous sachiez où est votre place n'est-ce pas ? Et pendant que j'y pense, soyez gentille de ne plus JAMAIS tomber en panne sinon je devrais songer à vous remplacer par un modèle plus jeune et plus performant…
Qu'en pensez-vous ? C'était une bonne séance aujourd'hui non ?