Sa déambulation baroque, colosse barbu porté par son caddy, animait tout le quartier. Je craignais son apparition, démarche incertaine, marin bousculé par une mer houleuse. Il fendait sans un regard le flot des voitures, capitaine au long cours à la recherche d'un port d'attache, insensible aux clam...
Il ne me reste que 2 heures avant de rendre la commande à Pommard, donc tu files doux, tu ne m'envoies pas des notifications à tout va. As tu bien compris ? Ah je vois que tu veux résister, en bas à droite de l'écran tu me signales un mail de l'agence et encore un deuxième, allez fais un effort tiens toi tranquille !ça fait déjà 2 mn que mon écran est silencieux, bravo, félicitations ! Maintenant j'ai quelques chose d'autre à te demander. Toi qui connait si bien mes gôuts ou devrais-je dire ceux que Pommard m'impose. Cette fois j'ai décidé de changer ma palette. Non ne va pas croire que c'est un caprice d'artiste. C'est une décision murement réfléchie et surtout un désir de liberté face aux injonction de ce toquard. Je sais bien que tout ce que je peux te dire tu t'en fiches mais ça me fait du bien et peut être est-ce pour moi la seule façon de légitimer mon geste rebelle ? Que m'envoies -tu encore ? Non mais c'est incroyable je te demandais d'éviter de me harceler avec les notificationset et les mails. Mais tu t'en moques n'est ce pas ? tu n'es pas programmé pour écouter mon verbiage ! non !tu es programmé pour m'asservir toujours davantage et me faire plier, courber l'échine, m'aplatir, me liquifier, me décérébrer jusqu'à ce que ce soit toi qui prenne les commandes. Mais mon bon et fidèle ami, ce n'est pas parcequ'on vit collé serré depuis dix ans que je vais te laisser faire, pas cette fois. Les rouges et les bruns que réclame le chef pour la couverture de son magazine je les vire et je passe aux bleus et aux verts. Je sais tout du bleu, rappelle toi l'autre jour je t'ai demandé de m'ouvrir une fenêtre sur le bleu et tu as fait un très bon choix. Oui, oui je t'assure grâce à toi et tes connaissances infinies j'ai pu écouter avec délectation une conférence de Michel Pastoureau sur le bleu, « la couleur des barbares il y a presque 2000ans » nous révelle-t-il. J'ai été séduit je ne veux plus toucher à aucune autre couleur, je sais je suis un peu excessif mais ce sera bleu ou rien ! Voyons voir, allez sois cool que me proposes-tu comme bleu ? Non mais c'est quoi cette acharnement je te demande bleu et tu me donnes d'abord et avant tout des bruns et des rouges :
Amarante,
Bordeaux,Cerise,Fraise,Grenat,Ocre rouge,Pourpre, Rouge bourgogne, Rouge coquelicot, Rouge tomate mais tu te fiches de moi ! Je vais te rabattre ton capot si tu continues à vouloir m'imposer mes anciennes fenêtres. Voilà c'est fait retourne à ton silence. Ainsi fermé tu n'es qu'un objet sans âme, sans caractère et plus encore sans beauté . Cependant ta diode qui clignote faiblement m'incite à te réveiller, mais d'abord et avant tout je vais boire un café, sortir de l'open space et faire un tour dans le hall regarder le parc pour me calmer puis je te ranime.
Encore deux clic et je reviens sur ma page mais pourquoi cette fenêtre en lien avec un livre commandé est-elle encore là ? Non je n'ai pas aimé cela, marre de m'entendre dire « les inernautes ont aussi aimé cela » mais je n'en ai que faire des gôuts des autres ! Si tu avais un peu d'égard pour moi tu spamerais tout cela. En fait tu me fais croire que tu es mon mailleur allié en me proposant de
la diversités monotone, tu n'es qu'un roublard mais cette fois je ne me laisserais pas prendre entre tes fenêtres sciemment j'irais troubler tes algorithmes, en recherchant systématiquement l'opposé de ce que tu me proposes ! Je te connais mieux maintenant tu flattes mon cerveau, tu ne lui montres que ce qui le rend parresseux, mais je vais résister de toutes les touches du clavier, du pad ou de la souris, ne pas entrer dans ton manège de biais cognitifs.
Aah je sens que je te destabilise ! Déjà tu te trompes dans mes demandes, tu viens d'ouvrir une fenêtre insensée, celle d'une agence de voyage de luxe pour une croisière dans les Marquises toutes les nuances de bleu lagon y sont mais mon bleu à moi c'est celui de l'infini et du rève et non celui de ta carte postale! Tu m'amuses et je me réjouis de te savoir si naïf ! Et tu sais quoi ? Eh bien j'ai décidé de rompre avec toi dès que j'en aurais terminé avec cette affiche. Je vais partir et m'evader dans le bleu à jamais, loin de toi et de ce monde numérique. Fini de pianoter sur ton clavier,ou d'agiter la souris,mes mains ne savent plus rien du corps d'un autre, de la texture soyeuse d'une peau, la tienne est électrique, elle crisse ou elle clic-clic, mais cela est une bien triste consolation. Lorsque tu veux me cajoler, tu flattes ma rétine et mon cerveau se berce un temps d'illusion de voyages et de rencontres mais au bout du compte ni mon nez ne perçoit les odeurs, ni ma bouche les saveurs, ni le vent et l'eau ne courent sur ma peau et mon corps se meurt doucement dans les vapeurs brumeuses de ta drogue rétinienne.
Adieu mon ordi. Je m'en vais courir le monde avec mon corps pour ami