Je me souviens de Mario, le locataire de mes parents. De nature immuablement heureuse, il comblait de vie le fond de notre cour. Il était de ces hommes rudes aux traits gravés par les intempéries et aux mains rabotées par le mortier. Chaque maison, chaque construction avait imprimé sa marque dans l'...
Avec les propositions sur le flux de conscience et le monologe intérieur, nous avons tenté de réduire la distance entre le texte et ce qui est raconté. Un préalable n'est-il pas de réduire la distance entre l'auteur du texte et ce qu'il évoque ? Cela ne peut se faire qu'en cherchant à se projeter dans la scène. Cet effort de déplacement, d'empathie, d'identification n'a rien de nouveau, voici ce que Yi Yuanji, peintre qui a vécu aux alentours de l'an mille en Chine à l'époque de la dynastie Song (960-1280) a écrit : " Pour peindre un poisson, il faut que l'artiste connaisse la " nature " du poisson ; mais pour y parvenir, le peintre doit, en utilisant son intuition, accompagner dans sa nage le poisson par l'esprit, partager ses réactions aux courants, aux tempêtes, au soleil, aux appâts. Seul un artiste qui comprend les joies et les émotions d'un saumon franchissant un rapide a le droit de peindre un saumon, sinon qu'il le laisse tranquille. Car si précis que soit son dessin des écailles, des nageoires et des paupières, l'ensemble en paraîtra mort. " Une citation à méditer par tous ceux qui abordent l'écriture de fiction.