Certains lecteurs du blog ont exprimé le souhait de lire des de textes de Michel Castanier, en voici deux. D'abord un extrait de son texte racontant le séjour de Victor Hugot dans la "Clinique des amours", texte dans lequel l'on peut se faire une idée de sa fantaisie, de son imaginati...
Elle marche d'un petit pas pressé sur le quai bondé du métro Charles de Gaulle-Etoile. Pas plus haute qu'une fillette de dix ans, elle a du mal à se frayer un chemin pour rejoindre sa correspondance. Son corps sautille par petits bonds et se faufile. On distingue par moments la flamme rousse de ses cheveux courts taillés en boule qui surnage au creux des hordes se bousculant. Tête droite, sans perdre un pouce de sa petite taille, elle commence juste à gravir les marches de l'escalier roulant quand Victor la repère. Son œil à l'affut a remarqué le dandinement léger de la fragile silhouette au milieu de la foule. Il s'approche jusqu'à deux marches derrière elle pour l'examiner de plus près, pour la humer. Et là il est surpris : ce n'est pas une fillette, mais une femme plutôt âgée. Quand elle tourne la tête, il distingue les rides profondes autour des yeux. Étonnant mélange que ce corps fatigué cohabitant avec une touffe de cheveux rouges comme ceux d'un clown, comme une petite fille qui aurait voulu se déguiser en pomme d'Api. C'est presque absurde. Et en même temps, c'est ce corps menu qui glisse du mauvais côté de la cinquantaine avec un soupçon de provocation qui rend la femme intéressante. Une proie facile et attirante. Elle porte un sac en bandoulière. Ouvert. Alors la tentation est trop forte, sans hésitation il y plonge son bras de velours, tout doucement, comme il sait le faire. Dans un mouvement de prestidigitateur. Mais seconde surprise : une main agrippe soudain la sienne telle une serre d'oiseau de proie et la petite pomme du haut de son mètre cinquante s'adresse à lui d'une voix claire en le regardant droit dans les yeux : « Si vous vouliez connaître le titre du livre que je lis il suffisait de demander, c'est très malpoli de fouiller dans le sac des dames. ». Victor se dégage prestement, il prend ses jambes à son cou et se perd piteusement dans la foule.
Tout est là dans cet astucieux texte court : la fine observation de la petite personne, une première surprise, elle n'est pas jeune. Le suspense : va-t-il lui faire mal ? Deuxième surprise : tel est pris qui croyait prendre. Et puis la chute si cocasse. Avec de surcroit, un clin d'oeil à la littérature. Bravo !