Certains lecteurs du blog ont exprimé le souhait de lire des de textes de Michel Castanier, en voici deux. D'abord un extrait de son texte racontant le séjour de Victor Hugot dans la "Clinique des amours", texte dans lequel l'on peut se faire une idée de sa fantaisie, de son imaginati...
Couloir gris de la fac.
Elle se tient contre le mur et dans ses doigts crispés, son téléphone. Autour d'elle, des élèves se pressent.
Elle s applique à composer une nouvelle fois le numéro de l'hôpital Henri Mondor avec une répétition de même chiffre 0 800 08 11 11.
Son visage est pâle, sa mâchoire contractée.
Elle écoute le message d'accueil pour la deuxième fois.
La première fois, elle n'a pas su composer son choix. Et elle s'est entendu dire «nous n'avons pas compris votre choix» .
Recommencer.
La voix robotisée lui parvient : « Urgences Gynécologiques Henri Mondor ; si vous appelez pour une IVG, faites le 1 »
Une IVG
Interruption ? Interruption de ligne
Ligne 1du métro? un accident de la circulation, un suicide… ses baskets jaunes, une femme avec
un gros sac à dos passe…son écharpe traîne par terre..
Elle appuie sur le clavier, son pouce tremble : faire le 1.
De nouveau, le disque « ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel »
La suite, la suite d'un soir, la suite d'une nuit, la suite, c'était pas dans un hôtel luxueux.
Le mot IVG lui revient en boomerang. Connexions neuronales, choc des synapses. Son front luit,
sa bouche se plisse.
Volontaire elle ne l'est pas aujourd'hui…
Volontaire elle a pu l être, à l'école, pour passer au tableau, être délégué
Son lacet est défait, un homme se presse, peut être un prof, une sirène au loin, un danger.
Elle s'enfonce dans le mur, elle disparaît.
La volonté, la faculté de déterminer librement ses actes.
Elle pense à lui, lui, son copain
Elle lui avait dit « je suis enceinte »
Il lui avait répondu « pas maintenant »
Elle l'avait fixé hébétée
« ouais , c' ici et maintenant ! »
« tu m'avais dit que tu avais un stérilet ! »
« ben oui !»
Des fois, il y a des choses que l'on ne comprend pas comme disait sa mère..qui nous échappent.
Sa mère..
Une voix humaine, enfin au téléphone
« bonjour, je vous écoute «
Elle bafouille
« je voudrais un rdv au plus vite pour une IVG »
« je vous indique la procédure à suivre , donnez moi d'abord la date de vos dernières règles «
Des règles il en manquait cruellement dans ce monde.
Ses jambes se ramollissent, elle s'effondre au sol comme une poupée.
Grossesse, un mot cru
1 cas sur 500 avec un stérilet
Un cas, un cactus, vernis écaillé…chaud dans le cou, cheveux collants…
Sa voix s'éraille « 30 octobre » une date de fin
« rdv, Madame, pour la première consultation le 21 décembre à 9h45, soyez à l'heure, avec votre carte vitale.»
Elle parvient à dire merci et raccroche.
Une IVG, des images l'assaillent, des pancartes avec des fœtus représentés, bientôt Noël
Des larmes perlent sous ses yeux.Ses dents mordent ses lèvres
Sa lèvre saigne puis ses deux lèvres.