Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Catherine P.
31 mars 2025
Textes d'ateliers

Je me souviens de Mario, le locataire de mes parents. De nature immuablement heureuse, il comblait de vie le fond de notre cour. Il était de ces hommes rudes aux traits gravés par les intempéries et aux mains rabotées par le mortier. Chaque maison, chaque construction avait imprimé sa marque dans l'...

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Sylvie Reymond Bagur Disparition
28 mars 2025
Retrouvez la bibliographie et des textes extraits de nouvelles d'Anouk en suivant ce lien. Vous pouv...
Invité - Françoise Gailliard De dos
17 février 2025
Tout est là dans cet astucieux texte court : la fine observation de la petite personne, une première...
Invité - Véronique 343
3 février 2025
Bonjour, Ce texte sait trouver les mots et le rythme pour faire ressentir le fracas des sentiments e...

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28 mars 2025
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Deux voix s’ouvrent pour l’écriture, ou plutôt trois. Commençons par la plus généreuse -  la moins en vogue - la puissance du Verbe, le mouvement que porte en elle la profusion des mots des sonorités et des images quand elle n’est pas gratuite. Et puis la voix moyenne, contemporaine, celle qui se calque sur l’oralité de tous les jours, un usage simple de la langue, direct, la commodité d’un langage transparent sans musique ni ellipse, laissant toute la place à l’histoire et à ses personnages, à la psychologie, le suspense et l’intrigue. Et enfin la voix suggestive, l’écriture qui se concentre autour des vides qu’elle prend soin de créer, ces écritures avec sous-textes, écritures allusives, fortes des espaces laissés au lecteur, au lecteur patient et attentif qui aime être sollicité -le vrai lecteur ? Car, comme l’explique Vladimir Jankélévitch : "Les lacunes que nous comblons nous-mêmes agissent sur notre imagination comme un vide attirant et exaltent les puissances de rêve qui sont en nous." Faire confiance au Verbe, ne s’en servir que comme d’un outil le plus neutre possible ou pratiquer la brachylogie* (prise en sons sens le plus large d’ellipse) ? Écrire, c’est viser un peu de ces trois cibles, chaque style d’auteur composant sa palette.  Brachylogie : provient du latin brachylogia, « Brièveté dans l’expression ». Il s’agit d’une figure de rhétorique, plus précisément une ellipse consistant à ne pas répéter un élément de la phrase comme ci-dessous : "Sa tête se mit à tourner, son cœur à battre fort."  {loadmoduleid 197} 
06 mars 2025
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Écrire : le défi des pleurs et des larmes Illustration : La Descente de croix, Rogier van der Weyden (détail) « C’est tellement mystérieux le pays des larmes… » Le Petit prince, Antoine de Saint ExupéryLes larmes ne pourraient-elles pas, détrônant ainsi le rire, être proclamées le «  propre de l’homme » ? Quelles questions les larmes posent-elles aux relations humaines, sociales ou intimes et par là, à l’écriture ? À la fiction ?   Les mots, le vocabulaire des pleurs— Le  « plorer » du Xe siècle, issu du latin plorare, « crier, se lamenter, gémir » devient « pleurer » au XIIe siècle : verser des larmes sous l’effet d’une douleur physique ou morale, d’une émotion violente. Pleurs et larmes ces « « humeurs liquides qui s’écoulent d’une glande de l’œil » semblent déjà irréversiblement liés.— Curieusement « larmer » a disparu, « pleurer » a pris toute la place, plus doux peut-être ? K. Huysmans, toujours friand de mots rares, l’utilise pourtant dans « En Rade ». Pour revenir peut-être à la réalité des pleurs ? À l’écoulement, au mouvement physique ?   Des expressions et des pleursOn peut pleurer à chaudes larmes, verser toutes les larmes de son corps ou juste avoir la larme à l’œil, être bête à pleurer, verser des larmes de joie ou des larmes de crocodile, être sur le bord des larmes, pleurer comme un veau, pleurer amèrement, pleurer sur son sort, pleurer des larmes de sang, avoir des larmes dans la voix ou une crise de larmes, il existe des larmes qui nous brouillent la vue,  on peut pleurer comme une Madeleine ou comme une fontaine, se rendre au bureau des pleurs, pleurer de rire, ou rire aux larmes, fondre en larmes (et voir changer de matière son corps ?) croire qu’en pleurant on pissera moins, avoir des larmes de joie, parcourir la vallée des larmes, être au bord des larmes, les ravaler quand elles nous montent aux yeux. Il reste encore le si poétique « Frôler les larmes »…Finalement, il s’agit simplement « d’Être » en larmes. Puis, un jour, de sécher ses larmes.   L'imaginaire des mots du "pleurer" Larme : un mot qui reste ouvert, comme en suspens. On y sent la larme apparaitre se gonfler, se détacher.La larme, la goutte de chagrin, l’émotion matérialisée, un  mot comme une sorte de bijou de souffrance. Profondeur de l’émotion, matière délicate.Transparence.Elle se forme, se sépare, roule, il y a une vie de la larme.Et puis  objet-larme, objet de peintre - comme le tissu - peindre la larme, c'est faire une prouesse, montrer du savoir-faire, maitriser l’illusion de l’émotion, un exploit qui se place quelque part.. entre le sec et le larmoyant, entre l’absence de manifestation et son débordement qui lui faire perdre sa signification, sa force. Il y a le torrent de larmes, et puis la larme unique, précieuse,une sorte de chagrin pur, essence de chagrin. La larme, la goutte de chagrin s’écoule sur son chemin de joue.Délicatesse ondoyante sur une peau parcheminé ou fruitée,elle s’étire, marque le poids de l’émotion dans sa forme de poire tansparente,lanterne magique ou se reflète l’âmeManifestation, preuve ou mesnsonge. Les pleurs, moins condensés que la pluie et sa douceur liquide. Pleurs, un mot qui se perd. Qui s'est perdu.Est-ce que les animaux pleurent ? J'ai vu la larme d'une brebis couchée, mourante, tombée de la falaise. Larme du dernier souffle et de la souffrance. Coulée d'humanité ? Du point de vue littéraire, pleurer éloigne, neutralise un peu. Les pleurs sont plus concrets et puis il y a la  larme, l'arme, si proche de la lame.  La  goute de chagrin, finalement, j'y reviens.   Et la physiologie des larmes ? Liquide constitué essentiellement d’eau salée et ionisée, il existe trois sortes de larmes, toutes trois réflexes avec des mécanismes et des buts différents.— Les larmes qui servent à humidifier, lubrifier, oxygéner nettoyer la cornée. Présentes en permanence, ce sont des sécrétions que nous partageons avec les animaux. — Les larmes produites sous l’effet d’une agression extérieure par exemple le gaz dégagé par l’oignon ou une poussière dans l’œil. Porteuses d’anticorps et d’enzymes antibactériens, elles sont utiles pour défendre, protéger la cornée. — Les larmes liées à une joie ou un chagrin, celles qui nous intéressent. Ces larmes sont aussi réflexes : des sécrétions liées aux émotions  ! « Mais son cœur était soulagé, et de ses yeux coulaient des larmes qui tombaient sur ses mains ». F.Nietzsche Une mutation génétique s’est produite dans l’espèce humaine il y a des centaines de milliers d’années. Une erreur a connecté le système limbique – les régions cérébrales qui ressentent, détectent et expriment des émotions – aux glandes lacrymales. Cette erreur s’est reproduite, un gène a muté et cette mutation a dû présenter des avantages puisque, la sélection naturelle ne s’en est pas débarrassée !Si les animaux peuvent gémir, crier, hurler, aucun ne verse des larmes d’émotion, pas même nos plus proches cousins, les primates. Les pleurs renvoient à l’humanité ou peut-être est-ce l’inverse l’humanité s’est faite par les pleurs ? "J’avance dans la ruelle des couloirs, raide dans ma tenue tel un GI mal costumé. Et puis sur le seuil de ta chambre, haut du cœur, haut du corps, le spasme, le même encore, le temps de l’étonnement douloureux, les larmes montent, leur marée pousse jusqu’au bout des yeux, le corps subit la vague. Je frissonne, une fois encore la vue s’embue. D’où vient ce flot si puissant que je me tétanise ?" Extrait de mon roman,  L’Autre d’une femme. L’origine des pleurs se trouve donc dans le cerveau. La tristesse est l’une des émotions dont les neuro scientifiques ont découvrent la nature chimique au travers du rôle des neurotransmetteurs qui se modifient face à une nouvelle grave, un choc émotionnel. Ces processus cérébraux, qui agissent un peu comme des antidouleurs, s’accompagnent de manifestations corporelles (gorge serrée, boule à l’estomac, respiration réduite) et parfois, ce message nerveux fait couler des larmes.Elles ont une composition différente des autres larmes avec plus de protéines et d’hormones qui agissent sur la douleur. On retrouve également dans ce type de larmes les molécules responsables du stress ou des toxines apparues sous l’effet du stress. On pleure beaucoup dans l’enfance, en vieillissant, on produit moins de larmes, on pleure moins, mais on peut larmoyer. Quels sont donc les effets physiologiques des pleurs ? Une sorte de catharsis physiologique : antidouleur, relaxation, élimination de toxines du stress…Les larmes, sorte de protecteur psychique, nous laissent épuisés, à cause, bien sûr de la situation qui a provoqué les larmes, mais aussi de la libération d’hormones qui vont provoquer l’accélération du rythme cardiaque, la dilatation des vaisseaux sanguins et la production d’énergie à partir de nos réserves de glucose et d’acide gras, une dépense énergétique correspondant à une sensation de fatigue. Certaines théories affirment même que pleurer conduirait le corps à libérer des endorphines de bien-être, celles qui sont libérées par l’exercice ou le sport. Il est vrai également que pleurer fait travailler des muscles habituellement peu mobilisés comme ceux du menton, de la poitrine ou de l’intérieur de la gorge.Pleurer permet donc de retrouver un état d’équilibre émotionnel. Tous ces mécanismes contribuent à diminuer les tensions psychiques : tristesse, anxiété, angoisse, peur, y compris les tensions positives : joie, rire…Vertu de libératrice des larmes ? Dimension physique et haute densité psychique ! « Pleure afin de savoir ! Les larmes sont un don. Souvent, les pleurs, après l’erreur ou l’abandon, raniment nos forces brisées ! » Victor Hugo Pleurs et féminité  L’enjeu de genre ! Les hommes qui "ne pleurent pas" et puis se mettent à pleurer.Les larmes contiennent des hormones de stress dont elles permettent de réduire la concentration dans le corps, en particulier la prolactine, hormone responsable de la lactation après l’accouchement, de l’absence d’ovulation et du déclenchement des larmes. La lactotransferrine, hormone régulant la production de lait, est aussi à l’origine de cette surproduction de larmes chez les femmes. On peut aisément imaginer que ces deux substances se trouvent en moins forte concentration chez les hommes ! C’est pour cette raison biologique que les femmes pleurent entre 4 et 8 fois plus que les hommes à l’âge adulte et elles pleurent plus longtemps et avec moins de retenue.Habitudes sociales, codes culturels, éducation spécifique et biologie ne sont donc pas ici tout à fait étrangers… Dans certaines cultures, « les pleureuses » sont encore appelées pour pleurer les morts. Pleurer est alors un travail, un rôle social aussi. Une "histoire des pleurs" ?Acceptées chez les soldats homériques et romains (Priam vient implorer Achille pour avoir le corps de son fils Hector, Achille pleure son ami Patrocle, les exemples sont très nombreux dans l'Iliade et l'Odyssée) les larmes sont, au Moyen-âge, fortement liées à la foi, à l’émotion spirituelle au travail de deuil. On observe un mouvement de laïcisation au XVIIe. Les larmes deviennent une preuve d’humanité et garantissent la valeur morale de celui qui les verse. Le siècle suivant, avec notamment Rousseau, loin de se contenter d’entériner cette évolution, la radicalise de façon saisissante en promouvant une véritable « morale du sentiment ». Désormais, ne pas pleurer dans des circonstances touchantes, c’est se montrer dépourvu d’une « sensibilité » donnée pour “premier fondement de la société et revient à s’exclure de la communauté vertueuse et à sombrer dans ce que le XVIIIe siècle nomme la barbarie.En ce qui concerne l’art, c’est surtout la promotion du pathétique, conçu désormais comme catégorie esthétique autonome, qui, en donnant les moyens de penser un plaisir qui ose enfin s’avouer pour tel, débarrasse définitivement le langage des larmes de sa soumission à « une culture du refoulement ». Le pathétique devient progressivement, durant le dernier tiers du XVIIe siècle, “une catégorie esthétique à part entière, dégagée de toute visée morale ou religieuse”, il devient enfin possible de décrire librement, indépendamment de tout horizon éthique, dans le cadre d’une rhétorique adulte et désormais soucieuse de penser l’esthétique comme objet d’étude autonome, la volupté des larmes  !  En instituant “la promotion esthétique de la sensibilité  », cette autonomisation du pathétique favorise de façon décisive l’envahissement de bon nombre d’ouvrages du siècle suivant par le langage des larmes .Le partage net entre un masculin qui ne pleure pas et un féminin associé au pleur facile, allant ainsi plus loin encore que la biologie, s’installe notamment à partir du XIXe. Le langage des larmesIl faut noter le lien des mécanismes des larmes avec le nerf facial, avec le nerf maxillaire supérieur, ce qui explique le surgissement d’expressions particulières, de mimiques spécifiques liées au fait de pleurer. Les larmes forment ainsi une partie d’une expressivité globale de la souffrance et de la douleur.Des formes primitives (signal de douleur ou de détresse), les pleurs sont devenus une forme de communication élaborée dont on peut penser qu’elle a contribué à renforcer les liens sociaux et ainsi à permettre à nos ancêtres de survivre et de prospérer. Il peut prendre le relais du langage verbal : on peut pleurer sous le coup d’une émotion qu’on ne peut parvenir à verbaliser, lorsque “les mots ne viennent plus.” Le langage des larmes, considéré comme un système de signes “muets”, assure une communication dans un environnement socioculturel donné : il dépend d’un système de règles, de normes et de modes en vigueur à une certaine époque et dans une certaine culture. Grâce à nos larmes, l’autre peut capter le message de souffrance, le degré d’émotion que nous vivons. Là où nous n’avons plus ou peu de mots, les larmes prennent en charge la communication humaine et permettent, d’autant plus que l’interlocuteur est à l’écoute, un ajustement de ses réponses envers l’autre, favorisant par là même un échange empathique. Le lien entre pleurs et visage est devenu un élément essentiel de la communication : un moyen crucial de déchiffrement de l’émotion, de la douleur de l’autre. Les larmes s’écoulent et c’est comme si quelque chose de l’intériorité se matérialisait.   Les larmes : vulnérabilité ou moyen de pression ? “À lire nos anciens, il semble que les hommes aient beaucoup pleuré. Ce n’est plus de mise. Il n’est pas grand monde pour larmoyer dans les romans contemporains comme dans la vie. Cette effusion est mal vécue. L’époque se veut cynique. Sous le prétexte d’une affreuse pudeur, on aura rayé, en condamnant les larmes, ce dernier signe corporel des vastes émotions incompressibles dans de si petits corps. Le mâle surtout, et mystérieusement, n’a plus ce droit. Il sera bientôt réduit à sa plus simple expression. Il bande, éjacule et meurt – activité de gibet. Je n’ai pas eu cette chance. Je suis des rares qui osent encore. J’en suis à mon quatorzième lacrymatoire gallo-romain offert en cadeau de rupture. C’était ce matin, au réveil, après avoir écouté une nouvelle fois la chère voix de Rodogune au téléphone j’ai fini par sangloter – l’émotion vibrante m’épuise, comment arriver jusqu’à la Nuit, par quel chemin et dans quel état ?” Michel Castanier Les larmes, sécrétions réflexes (sauf chez certains comédiens ou antiques pleureuses), nous livrent, nous libèrent, nous servent, nous révèlent, nous rendent perceptibles. Elles posent la question de la passivité / l’activité, de la force /la faiblesse. Par nos larmes, nous apparaissons dans notre vulnérabilité : pleurer c’est montrer une perte de contrôle sur nos émotions, une perte de défense. Laissant de côté le monde des apparences, de la bienséance, les larmes sont parfois des moments de vérité. “PLEURER. Propension particulière du sujet amoureux à pleurer : modes d’apparition et fonction des larmes chez ce sujet.Je, moi qui pleure toutes les larmes de mon corps” ? ou verse à mon réveil “un torrent de larmes” ? Si j’ai tant de manières de pleurer, c’est peut-être que, lorsque je pleure, je m’adresse toujours à quelqu’un, et que le destinataire de mes larmes n’est pas toujours, Je même : j ’adapte mes modes de pleurer au type de chantage que, par mes larmes, j’entends exercer autour de moi.En pleurant, je veux impressionner quelqu’un, faire pression sur lui (“Vois ce que tu fais de moi”). Ce peut être - et c’est communément - l’autre que !” on contraint ainsi à assumer ouvertement sa commisération ou son insensibilité; mais ce peut être aussi moi-même : je me fais pleurer, pour me prouver que ma douleur n’est pas une illusion : les larmes sont des signes, non des expressions. Par mes larmes, je raconte une histoire, je produis un mythe de la douleur, et dès lors je m’en accommode : je puis vivre avec elle, parce que, en pleurant, je me donne un interlocuteur emphatique qui recueille Je plus « vrai » des messages, celui de mon corps, non celui de ma langue : « Les paroles, que sont-elles ? Une larme en dira plus. » » Roland Barthes, Éloge des larmes Sincérité des pleurs?Larmes de crocodile : voici l’expression qui pose le soupçon sur les pleurs ! Elle proviendrait d’une légende de l’antiquité dans laquelle les crocodiles, cachés dans les hautes herbes du Nil, auraient attiré leurs proies par des gémissements et des plaintes. Une autre explication, moins poétique, affirme que, lorsque le crocodile ouvre très grand sa mâchoire pour croquer sa proie, il appuierait sur ses glandes lacrymales, déclenchant la production de larmes. Quoi qu’il en soit, ces deux explications ramènent au fait que les larmes de crocodile n’ont rien à voir avec une tristesse sincère, mais qu’elles illusionnent, cherchant à émouvoir de façon hypocrite quelqu’un pour le tromper. Le soupçon de duplicité de dissimulation et de mensonges existe depuis les premiers moralistes. Les larmes, fausse faiblesse et vraie puissance, se révèlent de formidables machines de manipulations de l’autre. L’extériorisation des sentiments, des émotions, peut être un moyen de pression, de culpabilisation. Sur le plan physiologique déjà, les pleurs dégagent un signal chimique volatil dont la perception par un autre individu, par le biais des récepteurs de l’olfaction serait à l’origine d’un effet sur son état d’esprit. On peut rappeler qu’une équipe de chercheurs du Weizmann Institute of Science, en Israël, a pu démontrer que les larmes des femmes envoient des signaux chimiques volatils, qui entraîneraient une chute de la testostérone chez l’homme, induisant par là même une baisse de libido.   Les larmes comme une arme ?Voici une sorte de « nouvelle tendance » que j’ai trouvée dans plusieurs livres et émissions récentes : les larmes comme arme politique. En voici un exemple dans un livre qui vient de sortir « L’Amour et la révolution » de Johanna Silva, l’ex-compagne et ex-attachée parlementaire du député de la Somme François Ruffin : « J’avais un nouveau cheval de bataille qui m’était propre : je voulais défendre l’humanité, la vulnérabilité, la bienveillance au sein du monde politique. Je sentais bien que ce n’était pas une niaiserie, qu’il y avait quelque chose à creuser. (…) J’en étais même venue à considérer mes pleurs intempestifs comme une arme. » Un rapport aux larmes, une vision des larmes, qui fait réfléchir… Quelques pistes d'écriture des larmes et de réflexion...— Mystère du surgissement, de la matière, de l’odeur des larmesForme des pleurs : sanglots ? Écrire comme des sanglots ? Poétique des larmes ?— Le moment des pleurs : immédiat, l’après-coup. Moment de pleurer ou pas ? Trop tard ? Sa durée ? Trop long ? Trop bref ?— Retenir, garder, refouler ? Surgissement des larmes : « être pleuré ? » — Être l’otage, captif de ses larmes ? — Épanchement, faiblesse, vulnérabilité. Répandre des larmes : pleurer, pleurnicher, s’épancher.— Laisser couler ses larmes, s’autoriser, ne pas même les sécher ou les réprimer.— Être submergé, débordé.— Fonte de l’identité sociale et personnelle qui craque, qui fond ?— Maitrise, souveraineté de soi ou sa disparition. — Censurer. Larme et volonté ? Aveu de faiblesse ou rage ?— Libérer, accueillir les pleurs— Pleurer = s’humaniser ?— Jamais seul quand on pleure ?— Pleur solitaire. Pleur privé, intime ? Se cacher. Larme et pudeur. Intimité des larmes et pourtant manifestation extérieure— Pleur et relation amoureuse ou amicale— Parler avec ses larmes, se taire et dire ?— Refus de voir l’autre pleurer.— Afficher ses pleurs comme un reproche. — Demander par les larmes : implorer, de justice de réparation.— S’excuser de pleurer— Prise de pouvoir : attendrissement, culpabilisation.— Appel à l’autre. Faire pression ou subir ?— Pleur social et dimension culturelle.— Émotion publique ou privée— Travail et temps du deuil. Pleurer les morts. — Les larmes du quotidien, la « vie embuée ? »— Déplorer : ressassement, lamentation.— Solidarité, contagion des larmes ? Communion par les larmes : pleurer avec, pleurer ensemble. — Pleurer au cinéma ou au théâtre. Catharsis ?— Politique et poétique, transformer le réel ou une relation ? Pas simplement une expérience de douleur : demande de consolation ou de justice, d’une future réparation— Larme comme arme politique ?— Absence, fin des larmes. Sécher ses larmes— Ne plus savoir pleurer ? Être bloqué.— Bonheur de pleurer dans un film de Truffaut : l’enfant avoue que pleurer, c’est un bon petit plaisir ! — Métaphysique des larmes ? « Au jugement dernier, on ne pèsera que les larmes ». Cioran.      {loadmoduleid 197}
01 mars 2025
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" «Vous dites vrai… mais c’était bon de votre temps. » reprit Véra, qui aimait à parler de « son temps » comme tous les esprits bornés qui sont persuadés que la nature des personnes se transforme avec les années, et qui s’imaginent savoir à quoi s’en tenir mieux que personne sur les singularités de leur époque… « Aujourd’hui... » ". Cette citation tirée de Guerre et Paix que je relis en ce moment est un bel exemple de réponse à ceux qui m'interrogent ou s'interrogent : mais pourquoi donc lire encore les classiques ? Sortir de l'illusion du caractère unique et supérieur du "contemporain" est une question qui a traversé toutes les époques.
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Vent de colère

eoliennesmythes Atelier Réécriture d'un mythe - La Tour de Babel

« Le plus petit courant d'air est parfois d'une terrible amertume. »  Jean Carrière. L'épervier de Maheux.

Il est tôt mais la poussière a déjà nimbé la vallée, écran mouvant et capricieux que rien ne semble dissiper. Au gré de ses errances, elle ménage ses effets, opacité transparente ou déchirures ténues. Se dessinent alors des cratères boueux, de vastes dômes circulaires de béton gris hérissés de ferrailles rouillées comme des araignées gisant sur le dos, ponctuant à intervalles réguliers une saignée ocre, sinueuse, reptilienne. Çà et là de petits points oranges surgissent des entrailles de cocons cubiques, s'alignent, se regroupent, fusionnent ou se dispersent autour de gracieux insectes de métal aux pattes effilées qui semblent tout à la fois fouiller le sol de leurs antennes ou déployer leurs mandibules pour atteindre le sommet blanchâtre des mâts. Une nacelle émerge du nuage, flotte au bout d'un filin, se balance, berce le regard.

Ici plus de haies, point d'arbres, ils ont été rejetés à la lisière du chantier.

Juché sur la falaise, les pieds dans le vide, l'ingénieur trône, le sourire aux lèvres. Il a posé son casque, épousseté son costume, ôté ses oreillettes, les borborygmes des ouvriers l'indisposent. Seule le retient la parole des ingénieurs, mêmes mots, mêmes objectifs, même regard d'entomologistes avisés sûrs de leur analyse. Il ne s'est pas trompé, l'endroit est idéal, audacieux de surcroit. Cette vallée semble avoir été façonnée pour son projet, plutôt large mais difficile d'accès. Il a fallu creuser, défricher, arracher, débiter, déblayer, remodeler pour dompter le vent. Un travail d'artiste. Le son de la dynamite résonne encore à ses oreilles comme une mélodie titanesque, efficace, radicalement nouvelle. Fiat Lux. Ses bras s'élèvent, brandissent le calice de la réussite, l'hostie de l'électricité.

Elles sont là, il les contemple, satisfait. Elles sont quatre pour le moment, hautes de 261m, des géantes graciles, quadripales.

Elles délivrent 12KW/h, quand elles tournent…

Maux de tête, pertes d'équilibre, acouphènes, nausées, insomnies, le médecin, désemparé, ne sait plus où donner de la tête. Tous ces articles… Il a perdu confiance, trop de corps souffrants. Il y a forcément un lien de cause à effet, tout juste s'il y a quelques mois il se déplaçait ici pour une grippe ou un eczéma. Il manque de temps, fouille les regards, écoute, tente d'apaiser, saisit une main, une autre, son bloc d'ordonnances a fondu sous les plaintes.

Dans la salle de la mairie où s'écaille la peinture, où s'entrechoquent les chaises en plastique, où gondole le lino, où grésillent les néons, ils sont tous là, ou presque. Ça fait du bien. On parle du silence disparu, du mutisme du paysage. On parle oiseaux, cours d'eau, châtaigneraies. On parle aussi défiguration, dépossession, mensonges, trahisons.

- Qu'est-ce que tu fous là Victor, t'as rien à faire ici !

- C'est vrai, t'es riche maintenant, c'est ta mère qui doit se retourner dans sa tombe, des si beaux terrains, si c'est pas malheureux.

- Quelle honte !

- Ouais, c'est les infra sons qui vont nous tuer, toi comme nous autres, t'en as conscience ?

- C'est ta faute tout ça !

- Je vous rappelle qu'au début on était tous d'accord, on a tous signés pour l'implantation des éoliennes, et pourquoi on a tous signés pardi…pour le pognon ! et pis si c'est mes terrains qu'ils ont choisis, j'y suis pour rien, faut pas l'oublier.

- Ben voyons, on t'a vu avec le nain en costume, tu nous la feras pas.

- Ca me dégoute, allez viens Etienne, on va s'en jeter un.

- Peux pas, suis crevé, j'ai pas dormi, je rentre.

Au fond de la salle, dans la pénombre près de l'entrée, Léon, un colosse. La chemise à carreaux rentrée dans le pantalon maintenu par une vieille ceinture de cuir fatiguée, des chaussures qui racontent la montagne, le visage mordu par les intempéries, sans âge, à l'image des lieux et de leur histoire. Léon, le berger, observe l'agitation, écoute la discorde. Léon que le village craint et respecte. Il en a soigné plus d'un avec ses mains, le corps comme l'âme. C'est un taiseux. Son regard limpide comme une eau de source, d'une fixité étrange, trouble et intimide. A ses heures perdues, il tresse de robustes paniers en bois de châtaigner. Pas un dans le village qui n'en soit muni, il les accompagne en quelque sorte et cette présence rassure.


Aujourd'hui, Léon est en colère, il doit faire un détour de plusieurs kilomètres pour mener paître ses moutons et encore, le chantier progresse, ronge, des tranches comme ils les appellent, un chantier boulimique qui aura bientôt barré l'accès au plateau.

- Prochaine réunion mardi en présence d'Elecnovert hurle Blaise, le maire, dans l'espoir d'apaiser le tumulte.

Léon sort avec les autres, traverse les rancœurs, sans un mot.

Sur la terrasse, Olympe semble anéantie, les oreilles basses, couchée sur le flanc. A ses côtés un faucon crécerelle, les ailes rousses cisaillées. Un de plus. C'est le 3e depuis le début du mois, une hécatombe. Léon scrute le ciel, le vent se lève. Les nuages accélèrent leur allure. Certes la vallée a parfois souffert de ses outrances mais tous ont composé avec sa démesure, la nature elle-même s'est adaptée à ses assauts mais le projet a tout bouleversé, lui a forgé des armes tranchantes qu'il libère sans retenue, l'a transformé en ennemi. Il caresse sa chienne. Faut-il pour autant entrer en guerre, fourbir d'autres armes pour le contrer ? Il soulève le faucon avec respect, plonge son regard dans l'œil sombre cerclé de jaune et définitivement éteint du chasseur, l'installe avec les autres, près du muret de pierres sèches, puis se dirige vers la bergerie.

Debout sur le seuil, face au sentier qui descend vers la vallée, Léon domine le chantier.

Soudain le sol se met à trembler en ondes successives. Les parois de bois craquent, les moutons bêlent d'inquiétude, les agneaux se blottissent contre leur mère qui tapent du pied pour conjurer la peur, le bruit lancinant des éoliennes assure la basse continue, une singulière fugue champêtre enfièvre l'air.

D'un geste rapide, il ouvre le loquet et libère le troupeau qui, groupé sous la vigilance d'Olympe, dévale la pente, heureux de quitter la fugue endiablée pour faire résonner ses cloches. Il fonce vers l'enfer pourtant mais Léon ne l'en en a pas détourné car il a résolu de filer tout droit, vers le plateau, comme avant.

Plus il s'avance, mieux il distingue la file des camions, prise de convulsions, qui tressaute sur la pierraille du chemin, soulevant un nuage étouffant et dense de terre et de poussière qui rougit tout sur son passage. Les grues ahanent des grincements aigus, les toupies dégueulent leur béton dans les cratères fétides où croupit un liquide saumâtre et malodorant qui contamine les tranchées voisines d'une lymphe bilieuse. Seule une longue pale, telle une plume céleste lovée dans une remorque, apporte une note élégante à ce tableau qui semble tiré des pages de l'Apocalypse. Des hommes coiffés de casque orange ploient sous un déluge d'ordres vociférés par des casques blancs qui s'époumonent pour couvrir le vacarme ambiant. En contrepoint, s'avancent les moutons. Autre ponctuation blanche qui trottine, tintinnabule, toujours groupée.

- Hé, qu'est-ce que vous faites là ?

- Je traverse,

- Mais c'est interdit, c'est une propriété privée. Dégagez, nous on travaille, on œuvre pour le progrès.

- Moi aussi je travaille !

Sur ce, il siffle Olympe et poursuis son chemin suivi de sa petite troupe, dont la discipline, un temps perturbée par ce voisinage frénétique, déroule son harmonie.

Mardi

Blaise balaie du regard l'assemblée. Pas un ne manque même Victor. Un grand désordre règne dans la salle malgré l'alignement impeccable des chaises. Il ne les reconnait pas. Le village n'a pourtant pas la réputation d'être engagé, militant, pire…révolté. Rien qui puisse perturber l'ordre paisible des prairies où abondent les adventices, sans l'ombre d'un souci. Quelques ragots sans doute, des envieux, parfois une molle contestation vite diluée autour du zinc.

Sur l'estrade aménagée pour l'occasion s'élève un écran poussiéreux.

La porte claque et le promoteur entre, costume sombre, rayé, cravate rouge, lunettes savamment remontés sur des mèches gominées, des chaussures à talonnettes pour compenser le ridicule de sa taille. Il porte une attachée case en cuir brun.

- C'est la mafia qui débarque !

Il s'avance vers l'estrade, le torse bombé, le regard dirigé vers un horizon que lui seul semble apercevoir, ignorant royalement l'exaspération qui suinte. Après avoir soigneusement essuyé la petite table en formica bleu, il sort son note book, le dépose, ouvre l'écran et d'un geste vif, appuie sur une touche.

P=Cp.1/2.r.S balayée. V 3

La formule magique, telle une apparition, s'affiche sur l'écran ; et par une pirouette très étudiée il se tourne vers l'assemblée,

- Bonjour !

D'une arabesque du bras, il s'écrit :

- Devant vous l'équation du défi ! certes elle vous dépasse, mais elle fonde ce projet innovant, que dis-je révolutionnaire, les aérogénérateurs terrestres les plus hauts et les plus performants du monde…

Il laisse flotter quelques instants ces derniers mots comme une révélation divine.

Un échange d'œillades ahuries survole les rangées.

- L'éolien citoyen auquel vous avez adhéré a porté ses fruits et je viens vous annoncer une bonne nouvelle. Votre appropriation citoyenne va vous permettre de sécuriser les retombées économiques et fiscales locales. De plus l'alimentation électrique de votre village vous sera fournie et calculée à un tarif préférentiel selon une formule qu'Elecnovert négociera en accord avec la Commission de régulation de l'Energie. Votre vallée va contribuer, comme pionnière, au renouvellement de la transition écologique, que dis-je au destin énergétique de la planète.

- Et notre destin à nous, vous y pensez ?

- Nous faisons partie du grand tout et…

- Et le saccage de notre paysage ?

- Le paysage est une histoire d'affect et donc une perception éminemment subjective mais, soyez raisonnable, personne ne possède le paysage ! et ce projet vise à redéfinir une construction sociale à finalité économique sur un support naturel.

Après cette envolée, les regards se croisent, se perdent, perplexes, indécis, certains se grattent la tête comme pour creuser le sens de ce qui vient d'être dit, un autre s'éponge le front, Esparonne pique du nez, définitivement terrassée par une telle charge, une construction sociale à finalité économique sur un support naturel, tous se demandent s'ils partagent avec cet exalté le même dictionnaire.

- Parlons-en du support ! et le Brizé, hein ? tiens ! il a jamais aussi bien porté son nom. L'avez asséché et je fais comment, moi, avec mes potagers, je tire les tarots, je fais des incantations pour ramener l'eau ?

- Pis y'a pas que ses potagers, y'a la fontaine du village, le cimetière, on peut même plus arroser les tombes.

- Je vous rappelle que, dans la mesure du possible, nous restaurerons les lieux à l'identique et donc…

- Et nous autres vous allez possiblement nous restaurer à l'identique aussi ?

- Qu'entendez-vous par là ?

Le médecin, au bord de la congestion, se lève.

- Vos moulins à vent culminent à une hauteur qui fait pâlir la Tour Eiffel et l'envergure des pales rivalise avec celle d'un boeing 747… mais malgré ces considérations touristiques remarquables, le village est plongé dans l'insomnie, le bruit lancinant que produit ces prédatrices interrompt le sommeil. Une fois réveillé, impossible de se rendormir, il enfle dans la tête, nous étourdit, nos oreilles vibrent, nos cœurs s'accélèrent, chavirent, débordent...

- Très lyrique mais les observations scientifiques disponibles à ce jour, issues des rapports de l'OMS, n'établissent pas de lien causal direct entre le bruit des éoliennes et les effets nuisibles sur la santé. La science tout de même ! Face à l'Histoire et à l'objectivité scientifique, que valent de petites subjectivités individuelles ! vos diatribes relèvent de l'obscurantisme.

Léon secoue la tête et dit posément :

- C'est ça, continuez à brasser le vent du mépris !

- Oh, vous, le Don Quichotte… Je perds mon temps, votre communauté est dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface des chaises miteuses sur lesquelles vous êtes assis !

- Vous nous rendrez compte pour ces insultes.

- Le chevalier à la triste figure profère des menaces maintenant…

Il s'empare de son ordi, le ferme et quitte les lieux sous un florilège de quolibets. Les rires fusent, une chaise tombe, chacun commente, le vent de la discorde semble s'être envolé dans la cacophonie après de tels propos, jusqu'à Victor dont l'assurance craquèle.

Blaise rejoint Léon qui n'a pas cillé.

- Fais quelque chose Léon.

- Ne t'inquiète pas, les Dieux sont avec nous.

Blaise tourne la tête, vaguement incrédule, ses yeux heurtent le regard serein du berger. Cette réponse sibylline ajoute à son inquiétude mais il connait Léon, inutile de lui demander de préciser.

Du haut du village, sur la corniche près de l'église, blottis les uns contre les autres, tous sont rassemblés, comme mus par un inexprimable élan.

Quelques feuilles tournoient, les houppiers frémissent, le vent s'ébroue, agace les nuages de sa présence invisible, un gris sale assombrit la vallée, couleur d'étain. Au loin quelques éclairs, le tonnerre, le chuintement de la pluie qui s'approche. Puis la surface du ciel se déchire, un son rêche gonfle la nuée, libère un déluge d'eau, violent, impitoyable, inhumain. La terre rouge sang se réveille, bouillonne, se fend, charriant avec elle cailloux, pierres, troncs mêlés dans un torrent de boue qui avale la pente, enjambe les ressauts, falaise soudain liquide que rien n'arrête. Le ciel rugit, résonne de mille rires. La vallée hachée par la géométrie brutale des éoliennes chavire. La coulée écarlate et visqueuse plie les tôles, les camions tels de petits canots dérisoires glissent et s'empilent. Les baraques, frêles esquifs, dérivent, le filin des grues crisse comme les drisses d'un navire, des troncs d'arbres noueux et vénérables s'accumulent au pied des mâts rigides comme pour les narguer. Les éoliennes s'affalent, les unes après les autres, dans un bruit mat, les pales tordues comme des oiseaux morts.

Soudainement, la boue, repue, cesse sa progression.

Eole peut se retirer…Traiter le mal par le mal, une épiphanie absolue.

Le fracas de leur terre a cessé. Une fine brume s'évade des murs, des flaques aux reflets incertains émaillent les rues. La falaise, de l'autre côté, exhibe sa cicatrice. Epaules affaissées, mains crispées en quête d'un soutien, certains s'enlacent, se consolent, larmes contre larmes, abattus, des regards cherchent Léon. D'aucuns pensent qu'il a déposé, là-haut, sur le plateau, l'inquiétude au creux des arbres, enroulé la colère autour des pierres, arraché à la terre la promesse du répit. Chaos, Déluge, Châtiment, ils sont partagés entre un sentiment de faute et celui d'avoir été vengés. Tous contemplent, recueillis, le tombeau d'argile purpurin qui, dans une totale indifférence, recouvre la vallée. Les mâts inertes gisent dans leur linceul. Seul le Brizé en reprenant son lit, s'écoule timidement sur un silence inconnu.

- Le paradis ! murmure Esparonne.
Dominos
Cévennes

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Commentaires 2

Invité - Malcles Anne Marie le mardi 14 novembre 2023 19:28

Superbe! Un vrai tableau sons couleurs odeurs….tout y est !
Merci !

Superbe! Un vrai tableau sons couleurs odeurs….tout y est ! Merci !
Stéphanie R. le lundi 13 novembre 2023 08:39

Merci pour ce beau texte lu avec délectation !

Merci pour ce beau texte lu avec délectation !
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