Je me souviens de Mario, le locataire de mes parents. De nature immuablement heureuse, il comblait de vie le fond de notre cour. Il était de ces hommes rudes aux traits gravés par les intempéries et aux mains rabotées par le mortier. Chaque maison, chaque construction avait imprimé sa marque dans l'...
Une journée d'été, quelques nuages blancs isolés se découpent sur le ciel très bleu.
Une grande maison, en forme de L, précédée d'un jardin clos par des murs de hauteur moyenne qui permettent d'apercevoir le jardin.
Un fouillis de verdure.
Derrière un figuier au tronc tortueux, on devine les pierres d'un puits, un cerisier au centre, du bois de chauffage le long du mur, ce qu'il en reste.
Des hauts murs de la maison, des rosiers de toutes sortes dégringolent comme ils le peuvent. Près d'une porte, des plantes aromatiques, on y reconnait du romarin et du persil. Sur la terrasse, l'ombre d'un parasol protège la table sur laquelle est disposé le couvert pour 3 personnes.
A l'étage, de nombreuses fenêtres aux volets clos, à la peinture écaillée.
Seuls au rez-de-chaussée, des volets entrebâillés tentent de protéger l'intérieur et ses occupants de la chaleur.
Dans l'encadrement de ce qui semble être la porte de la cuisine, se tiennent deux personnes d'un certain âge.
A l'ombre du parasol, un homme, grand, les épaules larges, appuyé contre le mur, comme en retrait. Les mains dans les poches, il porte une vieille chemise à carreaux qui sort de son pantalon de toile à la couleur passée. Mal rasé, les sourcils débordants de ses lunettes, le torse est légèrement bombé en avant. Le visage est fermé, creusé de deux rides profondes qui encadrent sa bouche, les yeux enfoncés disparaissent derrière les sourcils. Sur son front perlent quelques gouttes de sueur.
A ses côtés, une femme, sa femme sans doute, plus petite.
Elle porte une robe rayée vert et bleu, un tablier gris autour du cou sur lequel ses mains tentent de faire disparaître des traces de farine.
Ses cheveux vaporeux s'échappent des barrettes qui tentent de les contenir. Elle a l'air fatigué et le rose aux joues de quelqu'un d'affairé. Le sourire qui illumine son visage et ses yeux dit son impatience. C'est un regard ouvert, bras tendus, prêt à recevoir.
Tous deux ont le regard dirigé vers le portail en bois, ouvert sur le jardin.
Près du portail, un homme, jeune, en tenue d'été, short large, tee-shirt et sandales.
Il porte un sac à l'épaule.
Il est seul.
Bras levé,
la main arrêtée dans son élan pour remettre ses cheveux en place.
Geste suspendu, hésitant, fragile
comme à la recherche d'une contenance
comme pour rassembler son souffle
avant de relancer le mouvement.
Il est celui qui vient
Celui qui est absent
Celui qui manque
Il est celui qu'ils attendent
Temps suspendu, étiré
Intensité du Silence
Regards qui n'osent pas
Silence, même les oiseaux.
Une pause
Immobile l'espace d'un instant.
L'espace d'une distance
L'espace du silence
Se voir de loin, d'abord.
S'observer
S'attendre
S'aimer
Traverser le jardin.
Combien de pas ?
Faire le chemin
Solitude
Comment le dire ?
Relever la tête, se redresser.
Se donner du courage.
Conjurer le silence
Comment leur dire ?
Parfois les mots sont des blessures.
Sa mère s'avance pour l'embrasser, son odeur de poudre un peu surannée, sa joue contre la sienne lui font monter les larmes aux yeux.
Son père fait un pas vers lui, se penche un peu et le scrute du regard.
Elle lui prend le bras : Allez mon chéri, viens t'asseoir, on va manger. Après tu nous raconteras !
21 mars 2021. Cécile Gravellier