Un petit chapeau aux couleurs fanées sur la tête, ce matin-là, comme chaque matin, tenant à la main son cabas duquel dépassaient poireaux, fanes de carottes et plumes de volaille fermière - c'était jour de marché - Albertine Parut poussa de toutes ses forces la lourde porte de l'église, franchit le ...
"Que serais-je sans toi, qui vins à ma rencontre...
Ne me quitte pas, ne me quitte pas, ne me quitte pas.
Moi, je t'offrirais…"
Moi, je t'ai tout donné ! Mes amis, mes photos, mes échanges secrets, mes rendez-vous... Que vont-ils devenir ? Comment te remplacer ? Tu es ma musique, mon Opéra, mon cinéma, mon dictionnaire, ma géographie, mon réveil matin, mon musée. Que sais-je encore ? Tu es mon tout. Mon indispensable. Ma dépendance. Mon insuline.
Oui tu es tombé. Oui tu es un peu cassé. Mais tiens bon ! Là regarde je te prends par la main. Je te mets douillettement au chaud dans mon sac. Je t'emmène chez le médecin. Il fera le diagnostic. Ne t'en fait pas. Je t'en supplie ne me quitte pas...Là, tu vois, tu me fais pleurer. Non pardonne-moi ! Je n'ai rien dit. Ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui n'ai pas fait attention. Tu es si petit. Tu voulais jouer. Tu étais caché. Je n'ai pas compris. Alors j'ai posé sans faire attention mon sac sur ton petit corps. Mais c'est ma faute. J'avais oublié que je t'avais laissé là sur la marche. Et puis je t'ai fait tomber en reprenant mon sac trop rapidement. Où avais-je la tête, folle que je suis. Viens, je vais passer un mouchoir humide sur tes blessures... Là, tu vois ça va mieux.
Attends, on veut me parler.
-"Allo ! Bonjour ! Oh, je t'entends très mal.... J'ai un problème avec mon portable ! Allo !... Je te rappelle plus tard …"
Tu aurais pu faire un effort tout de même. C'était ma mère...
Tous les mêmes, vous êtes tous les mêmes, tous les mêmes...
Je t'aicoquettisé. Je veux dire stylisé, colorisé, féminisé, personnifié. Regarde la belle coque fuchsia que je t'ai offerte. Avec une dragonne ! Et ses perles comme des diamants.Je fais tout ce que je peux pour toi. Tout pour que tu sois bien avec moi.Je viens d'acheter un nouveau forfait. Tu auras moins de travail. Tu auras plus de liberté. Alors, s'il te plaît, soit gentil lorsque ma famille ou mes amis m'appellent.
Tu es très beau tu sais. J'ai plaisir à te promener à mon poignet. Je suis fier de toi.Je ne te le dis sûrement pas assez. Pardonne-moi. Mais...
Ne me quitte pas. Ne me quitte pas...
Nous irons à l'opéra quand tu seras rétabli. Je t'offrirai une nouvelle coque. Encore plus belle. Incrustée de strass.Tu seras mon unique bijou. Mais tu es tout froid. Tu n'as surement plus assez de batterie.
Mon petit caméléon, viens au chaud dans la poche de mon jean. Nous allons bientôt partir chez le médecin. Mince...On m'appelle... Mais tu es coincé. Tu le fais exprès. Allez ! Vite, sors de là... Dépêche-toi sinon je vais rater l'appel... -"Allo... Allo... C'est toi chéri ? Je t'entends très très mal. Ecoute, je n'ai pas le temps. Je dois emmener le petit chez le médecin. Non, non, ça va aller. Ne t'in... Allo ?... Allooo ?…."
Tous les mêmes, tous les mêmes, tous les mêmes...Tu vois, je crois qu'il m'a raccroché au nez... Bon, allez on y va ...
Satané portable. C'est toujours quand on en a le plus besoin qu'il tombe en panne. Quand ce n'est pas le cordon... C'est la batterie. Quand ce n'est pas la batterie. C'est le réseau....
Pourtant tu étais bien dans ton berceau. Au chaud dans ma poche. Mon petit trésor. Mon roi. Ma divinité. Mon petit doudou d'amour. Que serais-je sans toi...
Allo ? Allo ? ... Je ne vous entends plus ! ...