Sa déambulation baroque, colosse barbu porté par son caddy, animait tout le quartier. Je craignais son apparition, démarche incertaine, marin bousculé par une mer houleuse. Il fendait sans un regard le flot des voitures, capitaine au long cours à la recherche d'un port d'attache, insensible aux clam...
Atelier : scène cinématographique...
Indigo, presque violet, un papillon nain volète, virevolte, furète dans les campanules, s'attarde sur un pistil dressé dans sa corolle, dédaigne le trèfle, aspire le coeur d'une marguerite. Poursuivant sa course dansante, il a perçu la senteur des lavandes et musarde d'une fleur à l'autre avant de se poser sur un épi mauve et odorant.
Non loin, perché sur un muret, un chat aux yeux clos. Le menton sur ses pattes croisées, un minois presque entièrement noir, il laisse deviner, comme un chanfrein, une tache pâle sur le front. Ce même blanc qu'on découvre en socquettes à chacune de ses pattes quand soudain il se redresse, dos rond, étirant ses quatre membres le plus loin possible, avant de bondir sur la terre sèche, filer et disparaître.
Visage dépité de l'enfant qui voulait le caresser. Ses yeux cherchent au sol la longue silhouette sombre et la retrouvent tapie dans l'herbe au bord du chemin. En boule, l'animal semble immobile. En l'observant attentivement, on peut distinguer les ondulations de sa colonne vertébrale et sa nuque qui tressaute. Approchant à pas furtifs, l'enfant découvre le félin retenant, prisonnière entre ses pattes, une souris. Le chat pèse avec force sur ce corps affolé dont il commence à sucer les poils. Un instant, il relâche son étreinte, espoir fou du rongeur qui croyant fuir, n'a pas vu la griffe qui s'abat sur lui.
Le gamin donne un coup de pied au chat occupé qui n'abandonne pas sa proie pour autant. Alors, le visage crispé, il crie : va-t'en ! Son pied amorce un deuxième coup mais le chat s'est sauvé.
Où est la souris ? Une trace rouge sur l'herbe : inerte, le corps minuscule est déjà flairé par les mouches.
Allons, viens, dit la mère.
L'enfant avance en reniflant.
La route est devant eux. Et là, sur le toit d'une voiture garée près d'une maison, assise sur ses pattes arrière, oreilles dressées, déesse égyptienne à la soyeuse robe noire, une chatte.
Elle n'a pas de tache blanche.
Ses yeux veulent accrocher ceux de l'enfant qu'émerveille le diapre vert de ses prunelles.
Elle saute souplement et vient en miaulant se frotter à ses jambes.
Tu peux la caresser, dit la mère.
Françoise Gailliard-Ghezzi