Un petit chapeau aux couleurs fanées sur la tête, ce matin-là, comme chaque matin, tenant à la main son cabas duquel dépassaient poireaux, fanes de carottes et plumes de volaille fermière - c'était jour de marché - Albertine Parut poussa de toutes ses forces la lourde porte de l'église, franchit le ...
Petite elle est, petite est la lucarne. Elle glisse, cache son visage dans le foin. La luzerne fraiche, le trèfle, le sainfoin l'enivrent de leur douce odeur sucrée de vanille et d'amande. Elle grimpe sur cette montagne d'herbe, l' Everestest à elle. Elle appuie sa tête contre la fenêtre. Les prés sont coupés, le village est niché sur son promontoire. La route serpente entre les châtaigniers. Il n'y a personne alentours, elle tourne la poignée de la lucarne, elle est un peu rouillée et crisse comme une clé dans la serrure, elle ouvre, force un peu sur les gonds, se glisse dans l'embrasure et là, elle hume l'air soleilleux, ferme les yeux. Elle prend la mesure de l'espace qui l'entoure, elle est à la lisière du danger. Au fond de la vallée, la montagne se dresse comme une barrière, la crête dessine un fil qui coupe le ciel et partage l'horizon en deux, il y a l'ici et l'ailleurs, tout semble concentré dans cette ligne. Elle ira loin, au delà de la cime.
Elle aime ce tableau d'Hammershoi " les très hautes fenêtres", tout en bleu pastel et gris de peyne. Les grandes baies sont vitrées et on devine les arbres, de grands arbres aux ramures qui s'évasent sur le haut: des platanes. La jeune femme à la fenêtre regarde, se penche très légèrement. Elle voit la cour de récréation qui bruit, les enfants s'agitent comme des moineaux, les rires et les pleurs ponctuent l'air et souligne l'existence... la lumièredouceinonde le préau. " Un, deux, trois, soleil" résonne au milieu des petits pas qui chahutent pour être les premiers à se transformer en statut. Oui, elle aime cette vie là où l'innocence, la joie dominent, où l'instant se vit démultiplié ...elle l'a choisit.
Partir...loin de la crête du lieu premier, cette ligne qu'elle a si souvent scrutée en rêvant. Assise près du hublot, bordure sur l'immensité qui sertit le paysage, elle s'envole vers la Grèce. Au dessus de cette mer de nuages elle médite. Du temps à soi pour contempler, faire corps avec ce qui est en face, l'habiter. Chaque nuage est différent et apporte sa touche à l'ensemble, chacun roule à sa façon, gorgé de lumière, chacun porte une question qui n'aura peut-être pas de réponse.Elle est là, simplement là, dans l'instant, elle fixe cet infini que représente la vue à travers le hublot, cet infini qui la renvoie à sa propre finitude. Elle apprend à regarder simplement, accepter le don de chaque jour, le vivre intensément, seul le présent compteet doit compter. L'horizon se déchire et la botte italienne apparaît la descente commence. Sur le tarmac, le vent découpe le silence... la vie presse le pas, il faut la vivre.