Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Marc Antoine B.
01 décembre 2025
Textes d'ateliers

Il lève la tête, jette un oeil par l'aveuglement de la fenêtre et se repent aussitôt : le vert du jardin l'appelle ! Pour tailler, arracher, faner, émonder, ramasser, éclaircir, composter, alors rouge d'ampoules et de jurons, mal à la main, le carpien, s'apitoyer sur soi, foutu jardin. Pourtant le v...

Derniers commentaires

Invité - Claire Pasquié Aimable
12 novembre 2025
J'ai beaucoup apprécié l'écriture et la composition. Les mots voisins sont amenés avec virtuosité si...
Sylvie Reymond Bagur Aimable
10 novembre 2025
Une troublante et inquiétante composition à deux voies explorant les nuances des synonymes du mot Ai...
Invité - Malclès Anne-Marie To.pierre
23 octobre 2025
Bravo, ce texte m'a beaucoup touché, la tension est magnifique ainsi que le thème.Anne-Marie Malclès

Derniers articles de mon blog : conseils d'écriture, exemples, bibliographies, mes textes...

06 décembre 2025

No image available

"- Mais c’est assez parler des discours ; c’est la diction qu’il faut, je pense, considérer à présent, et nous aurons traité d’une manière complète et du fond et de la forme. - Alors Adimante : Je ne saisis pas, dit-il, ce que tu veux dire. -  Il le faut pourtant, dis-je. Peut-être saisiras-tu mieux de cette manière-ci. Tous ce que disent les conteurs de fables etles poètes n’est-il pas le récit d’événements passés, présents ou futurs ?   - Ce ne peut pas être autre chose, répondit-il. - Eh bien ! le récit dont ils usent n’est-il pas simple, imitatif, ou l’un et l’autre à la fois ? - Ceci aussi, dit-il, je te demanderai de l’expliquer plus clairement. - Je suis, à ce qu’il paraît, dis-je, un plaisant maître, je ne sais pas me rendre clair. Je vais donc faire comme les gens qui ne savent pas s’expliquer ; au lieu d’embrasser la question dans sa généralité, e je n’en prendrai qu’une partie, et j’essaierai de t’y montrer ce que je veux dire. Réponds-moi : tu sais par cœur le commencement de l’Iliade, où le poète raconte que Chrysès pria Agamemnon de lui rendre sa fille, que celui-ci s’emporta et que le prêtre, se voyant refusé, invoqua le dieu contre les Grecs ? -Oui. -Tu sais donc que jusqu’à ces vers : « et il conjurait tous les Grecs et en particulier les deux Atrides, chefs des peuples » le poète parle en son nom et ne cherche même pas à nous donner le change et à nous faire croire que c’est un autre que lui qui parle. Pour ce qui suit, au contraire, il le raconte, comme s’il était lui-même Chrysès, et il s’efforce de nous donner autant que possible l’illusion que ce n’est pas Homère qui parle, mais bien le vieillard, prêtre d’Apollon ; et c’est à peu près ainsi qu’il a composé tout le récit des événements qui se sont passés à Ilion, à Ithaque et dans toute l’Odyssée.   - C’est vrai, dit-il. - N’y a-t-il pas récit quand il rapporte, soit les divers discours prononcés, soit les événements intercalés entre les discours ? - Évidemment si. - Mais lorsqu’il prononce un discours sous le nom d’un autre, ne pouvons-nous pas dire qu’il conforme alors autant que possible son langage à celui de chaque personnage auquel il nous avertit qu’il va donner la parole ?   - Nous le pouvons ; je ne vois pas d’autre réponse. - Or se conformer à un autre, soit pour la parole, soit par le geste, n’est-ce pas imiter celui auquel on se conforme ? - Sans doute. - Mais en ce cas, ce me semble, Homère et les autres poètes ont recours à l’imitation dans leurs récits. - Assurément. - Au contraire si le poète ne se cachait jamais, l’imitation serait absente de toute sa composition et de tous ses récits. Mais, pour que tu ne dises plus que tu ne comprends pas comment cela peut être, je vais te l’expliquer. Si en effet Homère, après avoir dit que Chrysès vint avec la rançon de sa fille supplier les Achéens et en particulier les rois, continuait à parler, non pas comme s’il était devenu Chrysès, mais comme s’il était toujours Homère, tu comprends bien qu’il n’y aurait plus imitation, mais simple récit. La forme en serait à peu près celle-ci, en prose du moins ; car je ne suis pas poète. « Le prêtre étant venu pria les dieux de leur accorder de prendre Troie en les préservant d’y périr, et il demanda aux Grecs de lui rendre sa fille en échange d’une rançon et par respect pour le dieu. Quand il eut fini de parler, tous les Grecs témoignèrent leur déférence et leur approbation ; seul, Agamemnon se fâcha et lui intima l’ordre de s’en aller et de ne plus reparaître ; car son sceptre et les bandelettes du dieu ne lui seraient d’aucun secours ; puis il ajouta que sa fille ne serait pas délivrée avant d’avoir vieilli avec lui à Argos ; il lui enjoignit de se retirer et de ne pas l’irriter, s’il voulait rentrer chez lui sain et sauf. Le vieillard entendant ces menaces eut peur et s’en alla sans rien dire ; mais une fois loin du camp, il adressa d’instantes prières à Apollon, l’invoquant par tous ses surnoms, et le conjura, s’il avait jamais eu pour agréables les temples que son prêtre avait construits et les victimes qu’il avait immolées en son honneur, de s’en souvenir et de lancer ses traits sur les Grecs pour leur faire expier ses larmes. » bVoilà, mon ami, comment se fait un récit simple, sans imitation.   - Je comprends, dit-il. - Comprends donc aussi, dis-je, qu’il est une espèce de récit opposé à celui-là, quand, retranchant les paroles du poète qui séparent les discours, on ne garde que le dialogue. - Je le comprends aussi, dit-il : c’est la forme propre à la tragédie. - C’est en juger très justement, dis-je. Je pense qu'à présent tu vois clairement ce que je ne pouvais pas te faire saisir tout à l’heure, à savoir que la poésie et la fiction comportent une espèce complètement imitative, c c’est-à-dire, comme tu l’as dit, la tragédie et la comédie ; puis une deuxième qui consiste dans le récit du poète lui-même ; tu la trouveras surtout dans les dithyrambes; et enfin une troisième, formée du mélange des deux autres ; on s’en sert dans l’épopée et dans plusieurs autres genres. Je me fais bien comprendre ? - Oui, j’entends, dit-il, ce que tu voulais dire. - Rappelle-toi aussi qu’antérieurement à ceci nous disions que nous avions traité de ce qu’il faut dire, mais qu’il restait à examiner comment il faut le dire. - Je me le rappelle. - Or je disais précisément qu’il fallait décider entre nous si nous permettrions aux poètes de nous faire des récits purement imitatifs, ou d’imiter telle chose, et non telle autre, et lesquelles dans l’un et l’autre cas, ou si nous leur interdirions absolument l’imitation.   - Je devine, dit-il, ce que tu as en vue, savoir si nous admettrons la tragédie dans notre État, ou si nous l’exclurons. - Peut-être, dis-je, peut-être d’autres choses encore ; je n’ensais rien pour le moment ; mais partout où le souffle de la raison nous poussera, nous nous y rendrons. - C’est bien dit, répondit-il."
06 décembre 2025

No image available

"Ayant ainsi parlé, il la quitta, et, retournant à ses soufflets, il les approcha du feu et leur ordonna de travailler. Et ils répandirent leur souffle dans vingt fourneaux, tantôt violemment, tantôt plus lentement, selon la volonté de Hèphaistos, pour l'accomplissement de son oeuvre. Et il jeta dans le feu le dur airain et l'étain, et l'or précieux et l'argent. Il posa sur un tronc une vaste enclume, et il saisit d'une main le lourd marteau et de l'autre la tenaille. Et il fit d'abord un bouclier grand et solide, aux ornements variés, avec un contour triple et resplendissant et une attache d'argent. Et il mit cinq bandes au bouclier, et il y traça, dans son intelligence, une multitude d'images. Il y représenta la terre et l'Ouranos, et la mer, et l'infatigable Hélios, et l'orbe entier de Sélènè, et tous les astres dont l'Ouranos est couronné : les Plèiades, les Hyades, la force d'Oriôn, et l'Ourse, qu'on nomme aussi le Chariot, qui se tourne sans cesse vers Oriôn, et qui, seule, ne tombe point dans les eaux de l'Okéanos. Et il fit deux belles cités des hommes. Dans l'une on voyait des noces et des festins solennels. Et les épouses, hors des chambres nuptiales, étaient conduites par la ville, et de toutes parts montait le chant d'hyménée, et les jeunes hommes dansaient en rond, et les flûtes et les kithares résonnaient, et les femmes, debout sous les portiques, admiraient ces choses.
03 décembre 2025
RSS Image
Écriture, point de vue et focalisation Identifier le ou les narrateurs qui seront utilisés est l'une des premières étapes de l'écriture d'un récit : sera-t-il une entité non précisée extérieure à l'histoire ? Un narrateur-conteur ? Un personnage faisant partie de l'histoire qu'il raconte ? Un personnage défini, mais extérieur à l'histoire ?... Ce choix peut se faire naturellement, être de l'ordre de l'évidence ou objets d'hésitations et de doutes, cependant, une fois ce choix effectué, pour un même type de narrateur, existent de nombreuses variantes de fonctionnements concernant notamment : ce à quoi le lecteur - et le narrateur - ont accès, les différentes façons de donner - ou pas -  les informations au lecteur.   sur quel mode et au travers de quel type de regard Ce sont toutes ces options que l'on désigne par les expressions de "choix d'un point de vue" ou d'un "type de "focalisation". Point de vue et focalisation: deux notions proches, mais non superposables  Un narrateur extérieur et non identifié peut connaitre tout ce qui se passe dans la tête des personnages ou ne pas tout connaitre, il peut aussi rester totalement à l'extérieur des pensées des personnages ou même se montrer non fiable. Voir l'article : Du narrateur omniscient aux narrateurs contemporains.   Ces différentes options ( appliquées de façon plus ou moins systématique) vont avoir une influence majeure sur la façon d'écrire et, en conséquence, sur la perception par le lecteur de ce qui se déroule sur son rapport aux personnages. Écrire une fiction, c'est donc choisir non seulement un narrateur (repérable à un  pronom personnel choisi ou par son absence) mais aussi de quel endroit et de quelle façon le ou les narrateurs parlent ou, symétriquement, de qui et sur quel mode le lecteur reçoit les informations et à quelles informations il a accès ou pas.   Deux expressions sont utilisées pour préciser ces différentes options narratives : le point de vue et la focalisation. Il est tentant, et c'est souvent le cas, de les utiliser de façon indifférentiée, mais elles peuvent être avantageusement différenciées.    Le point de vue On attribue généralement à Henry James l’invention de ce terme. Cet auteur a utilisé, notamment dans ses nouvelles comme Le Tour d’écrou, une façon de raconter différente du narrateur omniscient classique, en effet, c’est un des personnages de l’histoire qui raconte : il donne donc son « point de vue » et l’auteur s’efface derrière ce point de vue particulier.   Le point de vue, des deux l'expression la plus ancienne, a l'avantage d'être métaphorique et concrète. Préciser "le point de vue" d'un texte peut être pensé à la manière dont, par exemple, l'on "choisit son point de vue" pour observer un paysage. Elle semble plus accessible, moins technique que "focalisation" qui peut paraitre une peu "jargoneuse". Les deux expressions évoquent un dispostif optique, mais le point de vue s'accompagne d'une dimension spatiale : où se place l'œil qui raconte et comment se positionne ce regard: intérieur ou extérieur à l’histoire, à la pensée, à l’émotion des personnages…    Ainsi situé, précisé, le narrateur donne une unité au point de vue, une unité au texte. Le lecteur d’un texte littéraire entre dans une expérience, celle du narrateur autant que dans un univers propre à l’auteur.    C'est un concept plus "parlant", plus naturel, mais aussi plus large, moins précis. Le point de vue peut recouvrir l'expérience subjective d'un personnage ou du narrateur, incluant des aspects comme le ton, la vision du monde ou même l'idéologie sous-jacente. Elle peut ainsi prêter à confusion : le point de vue comme opinion, façon de penser, de juger... On peut dire que le point de vue englobe la focalisation, mais aussi d'autres éléments narratifs.   La focalisation La focalisation a été théorisée par Gérard Genette dans les années soixante-dix pour éviter les ambiguïtés du "point de vue". Cette expression se concentre sur l'accès, la sélection et la restriction des informations données au lecteur, le mode de présentation des événements et des informations dans un récit, en fonction de la perspective adoptée par le narrateur. En optique, la focalisation correspond à "concentrer des rayons provenant d'un point en un autre point." L'on remarque ici la disparition spatiale présente dans l'idée de point de vue (où l'on se place) pour se centrer sur les deux pôles et le trajet de l'information.   La focalisation détermine "qui perçoit" l'histoire, c'est-à-dire le filtre à travers lequel le lecteur accède au monde narré, en limitant ou non les informations disponibles. Penser "focalisation" c'est assumer que le récit n'est jamais total, la focalisation met l'accent sur le fait que le narrateur oriente le regard du lecteur sur des éléments spécifiques, influençant ainsi la manière dont l'histoire est perçue et comprise. La focalisation sépare nettement "qui parle" (ce qu'on appelle la voix dans un récit) de "qui perçoit" les informations, le lecteur et précise les options possibles.    Le point de vue met l'accent sur la voix et sur ses concrétisations par les pronoms (première/troisième personne) et la subjectivité globale, tandis que la focalisation affine ce qui concerne les restrictions perceptives (zéro, interne, externe), indépendamment de la personne grammaticale.   Une des meilleures façons d'en comprendre les enjeux et les nuances entre point de vue et focalisation est d'en lister les principaux types en commençant par les types de focalisation qui répondent à des critères plus facilement repérables et resserrés. Ces différences peuvent apparaître exagérément subtiles. De plus, elles  ne font pas toujours une complète unanimité chez les spécialistes. Il serait toutefois dommage de ne pas s'y intéresser, car elles éclairent des variables de la fiction fructueuses quand on s'intéresse à l'écriture.   Les principaux types de focalisation selon Genette La focalisation est déterminée en fonction des informations que le narrateur donne au lecteur : qui dispose des informations ? / quelle est l'étendue de ce savoir ?   Focalisation zéro ou omniscience : le narrateur en sait plus que les personnages, accédant aux pensées de tous les personnages, au passé, parfois au futur et sans restriction de lieu. Le récit donne au lecteur une vue d'ensemble globale de ce qui se passe et des modications intérieures des personnages. Focalisation interne : Le récit est perçu et raconté à travers la perception d'un personnage spécifique, limitant les informations à ce qu'il sait, voit ou ressent. Le narrateur dit autant que le personnage en sait, mais les informations sont limitées à une expérience particulière. Le lecteur a une vue partielle, se rapproche du personnage.  Focalisation externe : le narrateur se limite aux apparences extérieures (actions, dialogues et apparences visibles), il n'a pas accès aux pensées des personnages. Il adopte une posture objective et neutre. Cela crée un effet de distance, celle d'un observateur non impliqué et ne connaissant pas les motivations et émotions des personnages. Le narrateur dit moins que les personnages ne savent ; il ne fait que décrire comme le ferait une caméra. A la lecture de cette liste, l'on mesure combien l'on pourrait créer de sous-catégories en jouant sur ce qui est dit ou caché par exemple, chaque récit original crée une façon particulière de focaliser les informations, mais ces catégories générales permettent d'en fixer les grandes orientations.    Les principaux types de points de vue  Point de vue omniscient (panoramique, mais plus ou moins partial ou orienté) Le narrateur sait tout sur les pensées, le passé, le futur et les lieux multiples, mais utilise cette connaissance pour imprégner le récit d'une subjectivité idéologique globale – comme des commentaires moraux, des jugements philosophiques ou une vision du monde unifiée comme une perspective humaniste ou cynique de l'humanité. Une omniscience peut chercher la neutralité, mais celle-ci ne peut être absolue, ne serait-ce que par le choix du vocabulaire : avec une complète neutralité, nous sortirions de la littérature. Le point de vue omniscient offre au lecteur une vue d'ensemble, mais s'intéresse aussi à la façon dont le texte guide le lecteur vers une interprétation plus ou moins orientée. Différence avec la focalisation zéro : la focalisation zéro se borne à préciser que le narrateur dispose d'un accès illimité aux infos sans restriction ; le point de vue ajoute une prise en compte de la dimension subjective du narrateur. Par exemple, dans Guerre et Paix de Tolstoï, l'omniscience est inséparable d'une idéologie historique et philosophique, transformant les faits en une forme d'amplification d'une vision.   Point de vue interne  (subjectif et lié aux expériences du personnage)  Le narrateur adopte la perception limitée d’un personnage, mais intègre non seulement ses sensations et connaissances, mais aussi sa subjectivité – comme ses émotions, ses souvenirs personnels ou ses biais psychologiques (comme une perception paranoïaque ou un optimisme naïf). Cela crée une immersion empathique, où le lecteur "vit" l'histoire à travers une vision du monde déformée par une expérience individuelle. Différence avec la focalisation interne : la focalisation se concentre sur l'idée que les informations se limitent à ce que le personnage perçoit ; le point de vue ajoute la manière dont cette perception est colorée par des filtres émotionnels ou idéologiques. Par exemple, dans L'Étranger de Camus, le "je", par la façon dont il choisit et limite les informations qu'il transmet au lecteur, fait sentir une forme d'aliénation et l'oriente vers le sentiment de l'absurde. Le point de vue interne n'est pas qu'une précision de la source des informations, il questionne aussi sa dimension sociale ou historique et son lien avec les expériences subjectives du personnage.    Point de vue externe (objectif, mais distancié) :Le narrateur décrit les événements de l’extérieur, comme une caméra neutre, en se limitant aux apparences visibles, mais en y infusant une subjectivité idéologique subtile – comme un ton , ironique, nostalgique ou détaché qui reflète une vision du monde. Par exemple une accumulation factuelle d'objets peut se lire comme une critique de la société consumériste. Cela maintient une distance, invitant le lecteur à interpréter sans être guidé, au moins en apparence.  Différence avec la focalisation externe : la focalisation externe indique que le texte est raconté sans accès à la subjectivité et aux pensées, tandis que le point de vue cherche à rendre compte des biais individuels et des idéologies collectives. Ainsi, dans certaines nouvelles d'Hemingway, écrites en focalisation externe, le style "behavioriste" véhicule une philosophie particulière de la vie et une vision de l'homme : il ne s'agit pas seulement de constater une limitation à des observations neutres, mais d'interprétations possibles de cette façon de raconter. Les enjeux de la focalisation externe sont multiples, elles font l'objet d'un article spécifique.   On observe que malgré leur proximité, la focalisation isole la question de la donnée et de la réception des informations (c'est un filtre très précis) tandis que le point de vue s'ouvre vers la subjectivité, l'expérience et l'idéologie : c'est une notion plus large, mais moins précise et plus complexe. Elle appelle des sous-catégories. Quand on parle de point de vue, beaucoup d'options sous-jacentes sont possibles et doivent être précisées notamment  la "coloration subjective" du récit, comment ces infos sont-elles teintées par le narrateur. Par exemple, deux récits avec la même focalisation interne pourraient avoir des points de vue différents si l'un informe le lecteur d'une façon optimiste et l'autre les formule avec cynisme.    La focalisation pourrait sembler plus "faible", car plus étroite que le point de vue, mais elle donne une base précise pour identifier comment les informations sont données et disposer de cette base précise permet ensuite de nuancer, de complexifier sans tout mélanger.   Pourquoi est-ce  important de prendre le temps de s’interroger sur cette question et de disposer de quelques notions sur ce sujet ?  Des combinaisons et variations de la focalisation et du point de vue sont possibles dans un même récit: de nombreux livres alternent les narrateurs et donc les points de vue à la troisième personne et même à la première. C'est l'un des espaces explorés avec beaucoup d'inventivité par la littérature contemporaine, des formes hybrides émergent par exemple des "nous" collectifs.     Question de base qui reste un sujet de nombreux débats théoriques, la gestion du point de vue et de la focalisation est aussi l’une des grandes sources de maladresses facilement repérables dans les manuscrits d’apprentis écrivains.   Plus que la connaissance précises des termes et des classements, ce qui semble important ici pour celui qui écrit est de prendre conscience qu'il serait dommage de se limiter à la question du choix du "je" ou du "il", ou de l'omniscient. Il s'agit de percevoir qu'un "je" peut être totalement transparent pour le lecteur ou ne pas tout lui livrer, et que cette dimension peut évoluer pendant le récit. Qu'un récit qui semble simplement fait "de l'extérieur" peut l'être de diverses manières ou pour diverses raisons, que ce qui est communiqué au lecteur est un choix d'auteur : par qui, avec quelle qualité (neutralté, vison de l'homme ou subjectivité), à quel moment (d'emblée, progressivement, en laissant des parts d'ombres... ) ce dernier point étant crucial dans l'écriture de la nouvelle.       {loadmoduleid 197}
Taille du texte: +

Lettres en prison

Blog des ateliers de Sylvie Reymond Bagur Stage Nouvelle

Ça commence avec les livres, c'est une histoire de mots, de lettres ; mais ça passe par la prison avec les couloirs, les portes, les barreaux.

Au fond de la troisième division, la salle de classe bleue, la fenêtre grillagée et les regards d'hommes interdits de désir.

Ça flotte entre un titre de Détective « Le cambrioleur de 23 ans séduit sa professeure de 40 », et un texte de Marguerite Duras : « C'est alors, au bout d'un moment que la jeune fille a dit qu'elle préférait qu'il en soit ainsi entre elle et lui, elle a dit que ce soit tout à fait impossible, que ce soit tout à fait désespéré. »

Une longue correspondance, les mots et les aveux, le chantage parfois, mais un commun besoin d'histoire : d'histoire d'amour, et - ou - une partie d'échecs, avec les pièces qui se placent, la toile qui se resserre.

Les premiers coups sont lancés très vite ; la stratégie, inconsciente, devinée et acceptée renvoie à l'écho d'une faute imaginaire, aux fantasmes de l'enfermement, au besoin de lire, de rêver, d'entendre ces signes qui en recouvrent d'autres ; on joue sur la révolte, la tendresse qui barre la voix du désir. Insinué dans une lettre, retenu par les barreaux, sa violence même est un délice empoisonné ; que dans son errance il ait trouvé un objet sur lequel se fixer, qu'elle soit cet objet, qu'il la dépasse, elle le sait ; mais elle aime la douceur tendue qu'elle ressent à en être la proie consentante, absente et rêvée

La lettre interdite qu'on glisse parfois entre deux passages de portes ;qu'on oublie sur un bureau de collège avec ses graffitiinscrits dans le bois,

là, au cœur de l'absence et de l'interdit, c'est la voix du corps qu'elle attend, qu'elle provoque.

Elle ne veut pas penser qu'un calcul soit possible, qui seul la mette en scène .

Avant le premier contact avec la prison, un univers se pose :

panique et attirance.

Saint Genet, les menottes qui deviennent roses,

l'adolescent trop beau pour être condamné,

son cou offert à la caresse de la lame

Lieu de virilité provocante, de viols, de fange et de misère,

d'otages et de poignards.

Derêve. De cauchemar.

« Pour affronter la réalité », elle accepte d'enseigner là-bas.

On lui avait dit Fresnes ; la cour à traverser, les grilles : la première, la seconde, la troisième… On ne sait jamais quand elles arrêtent de se fermer. On lui avait dit le long couloir qu'un détenu, un numéro, cire régulièrement au risque d'y glisser.

Elle savait, c'était prévu.

Mais elle ne savait pas l'Horloge arrêtée au-dessus du fronton du portail, ni le poids et le claquement des grilles et des clefs, ni les fils de fer barbelés en spirales sur les murs extérieurs ; ni, surtout à l'intérieur, les filets tendus au premier étage, d'une balustrade à l'autre : le suicide interdit, mais concret, palpable entre les mailles.

Une tension entre silence et hurlements.

Un corps qui tombe.

C'est peut-être ça la première rencontre avec la prison.

Là — bas, dans la salle d'écoliers du fond, qu'on pourrait croire séparée des autres sans les trois étages de fenêtres grillagées qui lui font face, l'arrivée des étudiants.

Ils n'ont pas l'air de truands ; c'est quoi, un truand, à quoi ça ressemble ? Des cheveux rasés ? Des regards par en dessous ? Des poings de brutes ? Des corps marqués au couteau ? Ça a un air spécial ? Un regard, peut-être ? Rien en tout cas des airs bruts, butés, des portraits-robots.

Sourires et serrements de mains

Des hommes.

Qu'ils puissent être dangereux, elle l'oubliera vite ; d'autres, peut-être. Elle s'en rendra compte à son corps défendant : une nuit, à 3 heures du matin elle est réveillée par de bruits violents, et se retrouve hurlant devant la porte de son appartement, qui oscille, à moitié défoncée. Constat des flics : « Ils avaient un pied de biche » ; redoublement de peur rétrospective… mais quand elle dira aux étudiants qu'elle a failli être cambriolée, elle éclate de rire avec eux.

La voici coincée entre deux sortes de portes, qui ne peuvent être que défoncées ou hermétiquement closes ; elle n'arrive pas à faire le joint, à penser que ceux-là mêmes avec qui elle rit auraient pu être derrière sa porte. Ici, elle ne voit que des hommes qu'elle doit préparer à l'examen : enjeu : 3 mois de remise de peine.

Au programme ; « LES FLEURS DU MAL » parmi les premiers textes étudiés : Spleen ; l'explication a été mise au point ailleurs, presque familière, rassurante ; elle coule, d'abord, scolaire :

… « Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D'une vaste prison, imite les barreaux… »…

D'un coup, le voile des mots disparaît , les barreaux se dressent sur ces visages

Sans noms, ces visages.

Le texte s'efface, rendu à l'objet, au palpable, auxcorps entravés.

Plus tard, un autre poème :

« Mon cœur est un palais flétri par la cohue » :… flétri, marqué au fer rouge ; regard d'un détenu qui reprend « Marqué au fer rouge » : la marque n'apparaît pas : pas d'épaules cicatrisées, pas d'uniformes, pas de têtes tondues ; mais les menottes encore inscrites autour des mains, et les autres marques, invisibles : le poids des choses, le poids des portes ; des cris, des clefs.

Elle ne connaît pas, elle imagine. Elle se tait.

Eux ne se taisent pas.

Il est là possible de parler de ce qu'on croirait tabou. Comme à quelqu'un qui vient de perdre un être cher, on peut parler de la mort, à un prisonnier on peut parler de la prison,et même ne parler que de ça. Jusqu'où ? À quel moment la parole devient-elle blessure ?Quelle blessure ? Comment les mots s'agencent-ils en fuite, en nouveau rempart, en mur qui protège des autres, en corps étranger ; armure ?

Mots de chair, qui s'arrachent du corps et de l'âme pour en dire les frustrations, les blessures, s'enfouissant au plus profond, dans les silences ou le secret ; inoubliable oubli.

C'est de ces mots qu'il va s'armer pour l'interpeler, la conquérir, toute bardée de défenses qu'elle soit. L'angoisse et la solitude doivent se percevoir dans ses regards, ses paroles, ses silences, alors qu'elle se croit familiarisée avec la prison.

« Epilepsie », premier échange et première passe d'armes :prenant prétexte de Flaubert et de Dostoïevski, il se présente.

Le cours se poursuit, le mot fait écho, il ne sera plus oublié avec la brume sauvage qu' il porte en lui ; C'est plus tard qu'elle retrouvera le dernier vers du « Condamné à mort »de Genet : « Il paraît qu'à côté vit un épileptique ».

Désormais, il ne restera plus qu'à placer les pièces, avec quelques coups de force, quelques moments de retrait, quelques absences.

Il assiste d'abord régulièrement au cours, assis tantôt au premier rang, sous ses yeux, tantôt le plus loin possible ; longs regards transperçants, et, parfois, quelques paroles qui semblent plonger au sein de l'œuvre, l'éclairent autrement,'qu'elle attend pour nourrir son cours, comme un aveu.

Un jour, alors qu'ils sont tous sortis, et qu'elle est restée seule dans la salle de cours, il revient, lui serre la main et repart, sans un mot. Quelque temps plus tard, il s'absente ; elle le croise dans le couloir, avec d'autres détenus ; ils avancent en rangs, contre le mur. Un regard s'échange, au bord du sourire, intrigué et tendu d'un mur à l'autre.

Puis il revient sans donner d'autre explication à sa « désertion » , sinon un mot mystérieux l'accusant de maladresse. Elle ne comprend pas.

Il écrit.

D'un cahier d'écolier tout neuf, après plusieurs hésitations il lui tend une feuille: « Mes fenêtres », inspiré par Baudelaire : « J'aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais ».

Un frisson.

Le silence s'est posé par delà cette nuit de la vitre, au-delà des murs et du temps présent, je surprends ce silence qui s'étire sur la grève des jours perdus. Les rues s'endorment, les murs se déchirent dans la voix mutilée du verbe ; alors les choses du monde se reposent, mais de l'astragale que tu cueillais, lentement s'exsude le songe centenaire et, malgré les chaînes de ma prison, le rêve cavale vers toi…

Je saurai te dire la légende, celle où je t'ai aimée de cette passion qui fait les fous ou les génies, et les damnés du vent .
Écoute, Nesrine, lorsque le vent se fait tempête et dévaste le monde ; quand certains rêvent de savoir rêver et qu'alors mon rêve ne me laisse pas de répit. Écoute Kaïra, comme ton cœur battait sans mesure le chant de l'immortalité fragile, et , comme, aux détours de ton geste, me découvrait les voiles, ceux de la dernière pudeur : cette chaude nudité où le regard se faisait brisure…

Nadja , dis-moi, le silence s'est-il posé ? Où est cachée la profondeur des mots ; ces mots magiques où tu m'avouais la blessure, là où le sang , rouge, coule et dessine une cavale que je buvais… Là où tu renaissais, où tu mourais tant de fois de ne pas savoir être orpheline de moi. Cette nuit, je te regarde , fixement, dans cette lucidité fiévreuse du lendemain des longues veilles, et, si le monde des choses est incertain, elles se dessinentdans le regard sombre de l'amour perdu.

Tu le sais, toi, l'écume du temps et un geste, un regard, un mot migratoire, migratoire…
Et ce n'est qu'un frisson, …. " je vous aime" AB

Le texte la bouleverse.

Du « je vous aime » final, elle sent la caresse, mais ne veut pas se l'approprier ; elle l'offre aux autres femmes, aux femmes d'ailleurs .

Pour elle, « mûre, ridée déjà », la déchirure d'une voix, des chuchotements incompréhensibles.

Plus tard, il écrira, « Nesrine, c'était vous »

Pour le moment, elle joue l'innocence, convaincue qu'avec les vacances tout s'estompera,mais la prison l'obsède ; tremblante de ne pas être à la hauteur de sa fonction, intriguée par certains pesants silences des prisonniers qu'elle attribue à ses failles.

Une nuit, elle rêve qu'ils sont l'un en face de l'autre, séparés par les barreaux d'un cadre en bois ; elle est la prisonnière.

Seul rêve de la prison, pour le moment, les images restent à la lisière, tyranniques, omniprésentes ; elles seront les agents silencieux de ses dérives.

Le dernier jour du trimestre, elle n'arrive pas à quitter ses étudiants, deux mois de vacances, la fin des cours pour eux, enfermés ; avec pour unique distraction les rares visites en parloir, sous l'œil des gardiens. Elle les embrasse ; il la saisit par les épaules, la regarde, un temps suspendu qu'elle emporte, absente à elle-même.

Une convocation immédiate chez le directeur la ramène à la réalité : on n'embrasse pas les prisonniers.

Ça devrait s'arrêter là ; mais déjà, prétextant une réflexion sur la poésie qu'il a glissée sur son bureau, il lui écrit ; elle répond en donnant son adresse personnelle.
C'est le commencement d'une correspondance plus intime, lettre après lettre, de plus en plus proche .

Elle envoie des livres : Rilke, Kafka, Lowry, Faulkner ; d'autres bruits, d'autres fureurs, qui, elles aussi, conduisent en prison : le procès, le suicide, lent ou brutal, l'alcool ; la solitude, toujours, et les barreaux, séparation sans recours.

Elle apprend la prison et ses habitants, les histoires des autres, ses histoires à lui : l'enfance perdue dans un foyer à Lille ; la passion pour une de ses sœurs ; la drogue, les cambriolages, la violence, l'ami d'enfance condamné pour deux meurtres.

Il raconte aussi ses amours blessées, un prof de sa première adolescence qui le recevait chez elle, l'emmenait en vacances et à qui il offrait des fleurs avec de l'argent volé. Invente-t-il ?

De sa femme, d'abord, il ne parle pas ; puis de moments heureux ; puis de souvenirs douloureux : l'annonce , au cours d'une de ses visites, qu'ellelui annonce qu'elle le quitte pour un autre du même prénom.

« Une histoire d'amour qui s'est brisée sur les vitres du parloir »

Elle réalise plus tard que c'est à peu près de ce moment-là que date leur correspondance.

Elle ne met jamais en doute ce qu'il écrit comme s'ils tissaient l'histoire ensemble.

Un roman à deux voix s'ébauche. Serait-ce une partie d'échecs ?

Peu à peu, la cellule devient familière, avec ses échappées vers le ciel, les bruits de la journée en écho, incessants ; cris, interpellations, clefs claquant les unes contre les autres, ouvertures, fermetures, ordres. Le silence, enfin, à minuit, jamais total, lorsque les lumières s'éteignent.

Il décore les murs des images qu'elle lui envoie et qui disent toutes une beauté désespérée ; d'abord rien de féminin puis des visages de femmes, cachées derrière le voile de Knopff ; puis des corps qui rêvent, solitaires, abandonnés, offerts.

Et, il y a les échecs… les échecs « phéériques », une poésie. Un tournoi entre détenus est un véritable événement, les paris se font à l'étage, mais quelque chose dépasse le jeu : « je gagnerai avec toutes mes incertitudes, je gagnerai ». Il gagne.

A-t-il joué ?

Le reste sera comme embué, flottant. Les feuilles couvertes de la petite écriture apparemment nette et sage, la boîte à lettres vide ou pleine sont littéralement obsédante, seule réalité malgré la folie des corps séparés ; le désir vit et s'accroit de cette séparation même.

Errance, arrachement, rêve, douceur douce d'un dialogue qui croit se construire ; illusion de limpidité qui les perd dans une opacité croissante. Pas un geste qu'elle n'accomplisse dont il ne soit le témoin absent. Un jour, il lui écrit une « dérive ; des pas dans les pas ». C'est ça. Toute parole lui est dédiée, et celles qui n'osent pas se dire,crient dans les silences et les blancs du texte.

Les lettres comblent le temps des vacances scolaires. Tout effort pour se retirer est impossible, d'autant plus que la maladie revient… La solitude d'une crise d'épilepsie, dans une cellule, de l'imaginer simplement, elle ne supporte pas. D'autant plus qu'en période de crise, il écrit peu, les mots semblent échapper, informels, parfois incohérents ; l'écriture même est comme un cri silencieux entre les lignes et les lettres espacées.

Convalescent, il raconte sa première crise, telle que sa mère la lui aurait racontée, en ajoutant : « Meshoud, habité, hanté… ». Il est tout enfant ; son père, déjà installé en France vient accueillir la famille à l'aéroport. Quand il veut embrasser son fils, celui-ci le repousse. C'est la première gifle et la première crise, oubliée ; une autre, dont il se souvient, lui ressemble étrangement : adolescent, il a battu son père qui l'a giflé et maudit « pour sa vie, pour sa mort et pour l'au-delà ». C'est aussi le début des fugues et d'autres pertes de conscience.

« Habité, hanté »… par un père qui revenait, ivre et tenait les enfants éveillés pour leur raconter son histoire magnifiée, réciter des contes arabes ou des versets du Coran ; un père qui a transmis ses blessures d'avoir été arraché très tôt à ses parents, puis à sa terre trahie ; l'Algérie désertée par un engagement dans l'armée française.

Un père fou, un traitre.

Elle pense alors à l'Algérie, faute de toute une génération ; à sa propre enfance d'après guerre, protégée, privilégiée ?... Mais les portes qui claquent, les scènes, les cris… ; sa tante folle qui tournait en ressassant pour elle seule tout le mal qu'elle souhaitait à ses voisins

Elle pense.

À la gifle qu'elle a donnée à sa mère dont elle garde le rouge au front ; à ses fugues qui ne duraient jamais plus d'une heure,
À son père, sa main d'enfant blottie dans la sienne, rassurée, à son odeur, leur complicité.

Et la mort, fulgurante. Une béance dont elle ne s'est jamais remise. À jamais sansrempart.

Deuils sans fin ; d'être écrites les plaies s'ouvrent à nouveau, nourries des siennes à lui. Et là-bas, sur les routes de campagne qui l'éloignent des barreaux, elle rêve de mots dont la caresse abolirait la souffrance, la mémoire du corps blessé pour le rendre à lui-même intègre, nouveau-né.

Elle écrit, chaque jour :les choses qui l'entourent ; le grenier qu'un déménagement a laissé à moitié vide, avec encore quelques livres, une table, un lit et les photos sur les murs. Les balades et l'arrière-pays brumeux ; l'étoile qu'il voit peut-être, entre les barreaux… s'il suffisait de tendre la main !

L'histoire se précise et se fait de plus en plus floue. Elle recrée un parcours, malgré les silences. Les écritures qui changent paraissent modelées l'une sur l'autre dans un réseau de mots et d'expressions communes.

Le « vous » est de rigueur. Deux seuls « tu » jailliront avec la violence d'une caresse interdite.

À la rentrée, il est libéré.

Je vais le chercher.

Il s'éloigne, grand et élancé, élégant, de la prison.

Libre.

Le temps des lettres est passé. 

Concours de nouvelles
La maison d'en face
 

Commentaires 1

Invité - Annie-Flore le samedi 19 octobre 2024 09:15

Une superbe écriture, poétique et forte, qui emmène et soulève le lecteur. Un rythme et un développement qui ajoute à l'adhésion vers un univers inconnu et des émotions en revanche plus partagées et qui participe à un grand plaisir. Bravo !

Une superbe écriture, poétique et forte, qui emmène et soulève le lecteur. Un rythme et un développement qui ajoute à l'adhésion vers un univers inconnu et des émotions en revanche plus partagées et qui participe à un grand plaisir. Bravo !
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
dimanche 7 décembre 2025
Si vous souhaitez être informé des publications de ce blog :

Textes à redécouvrir

5 novembre 2022
Londres. 9 H du matin. Au dernier étage d'un bâtiment de briques marron de Cleveland Street, la fenêtre du toit en pente, baignée de soleil, renvoie u...
1369 lectures
4 novembre 2019
La C 2143, elle est longue et pas large, elle va do ch'min jusqu'au p'tit ri d'en bas, oué le p'tit gris qu'la tient ; L' ptit gris oué le père de Jea...
2257 lectures
5 juillet 2022
Je la vis arriver de très loin. Le gris acier et arrogant d'un instrument singulier se dandinait au-dessus de sa tête. Elle m'expliqua plus tard qu'il...
1072 lectures

Phrases d'auteurs...

"Si vous avez quelque chose à dire, tout ce que vous pensez que personne n'a dit avant, vous devez le ressentir si désespérément que vous trouverez un moyen de le dire que personne n'a jamais trouvé avant, de sorte que la chose que vous avez à dire et la façon de le dire se mélangent comme une seule matière - aussi indissolublement que si elles ont été conçus ensemble."  F. Scott Fitzgerald

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mon blog personnel

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Faire peur au lecteur !
Faire peur au lecteur !
« L’émotion la plus forte et la plus ancienne de l’humanité c’est la peur, et la peur la plus ancienne et la plus forte est celle de l’inconnu. » affirme H. P. Lovecraft. Mais, sous l’évidence du mot et de l’émotion qui lui est associée, qu’est-ce finalement, la peur ?...

Lire la suite

Mots-clés

Absence Acronymes Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Argent Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Avortement Baiser Bateau Blaise Cendrars Bourreau Buzzati Cadre Cafè Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Concours Construction Corps Corse Couleur Couleurs Couple Course Covid Crescendo De dos Description Désert Désir Dialogue Diderot Douleur Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Ecriture volcanique Ecrivain Emmanuel Berl Enfance Enterrement Enumérations Ephémère Épilogue Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Famille Fantastique Faulkner Felix Fénéon Femme Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Hôpital Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Ironie Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Journal intime Julio Cortázar Justice La vie Langue Larmes Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lettres Lieu Littérature américaine Main Marche Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Michon Micro nouvelles Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musée Musicalité Musique Mythe Mythes Naissance Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Obsession Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Personnage noir Peur Photo Phrase Phrases Pierre Michon Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Prison Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Recueil de nouvelles Réécriture Rencontres Résilience Révolution Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture SDF Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Souvenirs Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Superposition des temps Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Venise Vie Vieillissement Ville Violence Visage Voix Volcanicités Voyages Voyeur Zola Zoom