Je me souviens de Mario, le locataire de mes parents. De nature immuablement heureuse, il comblait de vie le fond de notre cour. Il était de ces hommes rudes aux traits gravés par les intempéries et aux mains rabotées par le mortier. Chaque maison, chaque construction avait imprimé sa marque dans l'...
L'amour est un Voyage.
Le corps de l'être aimé regorge de lieux de villégiatures.
Le soleil brille, le ciel est bleu d'azur comme sur une carte postale. La première destination peut sembler trop simple. Dans l'air flottent des parfums de tomate mûre, de thym, d'huile d'olive intense, de féta crémeuse et celui aigrelet des olives noires de Kalamata que l'on mange le soir du coté du Pirée. Cela devient insolite quand, autour de l'Acropole, à chaque pas on découvre des statues magnifiques à faire pâlir Praxitèle de jalousie. Corps parfaits tendus pour le lancer du Discobole, muscles prêts pour la course à pieds. Et là... parmi tant de formes ciselées dans le marbre ou la pierre, un mollet, ton mollet, long et rond, lisse, ferme et puissant. Il me plait, il m'émeut. S'il faut choisir entre les deux mollets je prends le droit, celui qui accélère, nerveux sur la pédale. Odeurs d'essence, de métal chaud, relents du cuir des sièges, loupe d'orme du tableau de bord. Légère fumée de Havane. Calandre, parfum de Paco Rabanne.
Partons plus loin, au fond de l'Orient. L'encens s'échappe des batonets de buis, il y a du thé fumé, comme le thé noir Alexandra David-Neel de chez Mariage Frères, notes de poivre, de gingembre, de cardamome et de clous de girofle. Oui, surtout le clou de girofle ! Au bout de l'horizon, dans la baie ombreuse, la mer semble fumer elle aussi. Ce n'est que de la vapeur d'eau, mouvante comme une brume. Nos gestes sont suspendus dans cette atmosphère éthérée. Haletants... Alors, se glissent des odeurs insistantes de beignets frits, de papaye verte et de mangue telles que Marguerite les respirait à Cho Lon, dans le vacarme du quartier chinois de Saigon. Elle y retrouve son amant tous les après midi, jusqu'à la fin du jour. Les mains se frôlent, se joignent, se crispent, griffent. La main, au départ si timide, si innocente. Ta main, mine de rien, ta main de tous les jours avec ses effluves de savon de Marseille parfumé verveine ou lavande. Ta main qui peu à peu se fait câline, coquine…prend des odeurs de musc et de santal, devient à elle seule un conte des mille et une nuits.
Osons maintenant ailleurs, une terre de grande exigence. D'abord il y a le sable blanc de Djerba avec la subtilité de la cannelle dans le couscous du bédouin et la fraicheur du vent salé. L'île n'est que silence. C'est là que la peau a exulté, en liberté pour la première fois. Ta peau, ma peau, sont entrées en communion. Descendons plus bas, dans le noir de l'Afrique, en Tanzanie, au coeur du monde. Tout y est sauvage, la végétation et les fauves au pelage tacheté ou zébré. Si on pouvait les toucher ce serait doux et chaud, frissonnant des émotions de l'affut, muscles tendus dans l'acajou fourchu. A les deviner si proches, tels des supplices de Tantale, nos peaux se chargent d'une délicieuse attente et d'une sueur salée, odeur de fruits en pleine maturité révélée par l'haleine sèche du vent...Allons encore plus bas, rejoignons à la pointe du continent, non loin du delta de l'Okavango, les terres rouges du désert du Kalahari. Nos peaux sont tannées, ridées. Rétrécies de chaleur, elles ont pris un goût fumé façon biltong, cette viande séchée héritée des Afrikaners qui la mangeaient lors du Grand Trek saupoudrée de vinaigre balsamique, de poivre noir, sel, sucre, coriandre, cassonade. Le goût est rude, rustique, tanique. Les sucs sont concentrés, cela reste exquis.
Enfin pour nous reposer il faudrait une forêt de conifères à la respiration subtilement citronnée et mentholée. Retrouver les arbres de France, ces êtres vivants qui sont des montagnards rugueux. S'appuyer contre un tronc solide, confortable, rassurant. Ta silhouette, ton ombre bienveillante englobent tout. Les images de voyage s'assemblent. Là est la paix. On peut tout oublier…