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22 avril 2024
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Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

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Orwell et le langage

Le langage contemporain aurait-il quelque chose d'orwellien?

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Encore 4 minutes

nocturne- Atelier Paysage sonore

La vielle dame s'est installée près de la fenêtre.

Le rituel est immuable. Fauteuil, couverture, napperon, tasse, soucoupe, madeleine.

La rue est calme, un peu laiteuse.

Les étals du marché ont été démontés, les trottoirs laqués d'eau. Le ballet de patois élastiques, d'invectives recuites, de plaisanteries programmées, s'est tu.

Pétole dans le quartier.

Elle consulte le cartel. Encore 4 minutes.

L'air est doux pour la saison, un peu pâteux. Il ne faudrait pas qu'elle s'assoupisse.

Il flotte un souvenir suranné d'amande douce, d'encaustique et de linge frais repassé, quelque chose de suspendu, un rien du silence avant la tempête ; l'heure du serein disait-on autrefois. Elle se dit qu'elle a toujours entendu « serin » du nom de ce petit oiseau jaune, qui gringottait dans sa petit cage en osier sur le balcon de sa chambre d'enfant.

Emue, elle se souvient. Comme il avait l'air de savoir des choses ce petit grelot pointilleux ! Que pouvait-il bien raconter de ses voyages intérieurs, avec sa note gracile et obsédante ?

Plus que 3 minutes.

Dans la fruitière sur la table, les joues des pommes se font de l'œil.

Il y a aussi le glouglou mutin du robinet de la cuisine, le grignotis de la chaudière, la toux bredouillante du voisin, le souffle coquet des voilages, le bruissement rond et gracieux de l'ascenseur.

L'univers est aux aguets, prêt pour le lever de rideau.

Enfin un invisible chef d'orchestre abaisse sa baguette.

Le coucou boitille hors de l'horloge. La vielle dame ne compte plus ses apparitions, autrefois ébouriffées et fanfaronnes. Lui aussi a pris de l'âge, se dit-elle. Le héros a désormais le vagissement plaintif ; ses injonctions pétaradantes et triomphales sont devenues discordantes et anarchiques.

Qu'importe, il est fidèle au poste, tend le cou et ouvre vaillamment le bec.

La vieille dame s'est redressée, le cœur cousu, le sourire brillant, l'œil frisé.

Se sont tout d'abord quelques notes, un vagissement voilé, puis un vrombissement rauque qui enfle lentement, s'ouvre, se déploie, s'élève ; de gémissement confus il devient grondement, de clapotis il passe à ressac, puis à clameur volatile, enfin à brouhaha insubmersible.

Ça y est, c'est parti. Le diable est de sortie.

L'horizon se remplit de tohubohu, tintamarre, brouhaha, ramdam, charivari et tout le tintouin.

Ça piaille, ça choule, ça hulule, ça claquette, ça caracoule, ça margotte à qui mieux mieux ; tabliers de travers, sacs à dos béants, chaussettes en tirebouchon, couettes en « zigalonzi », gants célibataires, s'époumonent de concert et rythment ce capharnaüm hypnotique.

Les nuées de poussins, poulettes, canetons, futurs coqs, colombes, cygnes ou paons, ont envahi la cour, déchainés, rugissants, exubérants, soulagés.

On a frôlé Chopin, dépassé Bach, on attaque Wagner.

De l'autre côté de la grille, des mamans toujours, des papas parfois, quelques nounous, deux ou trois grands parents ont dégainé pains au chocolat et Choco BN.

Il y a du froissement pointu de papier, du jeté susurré de mouchoirs, des baisers énergiques, des frôlements rugueux, de la plainte, des refus, de la rumeur et des promesses. On raconte, on renifle, on chougne, on gargouille et on soupire d'aise, la bouche pleine.

La vie est là dehors, urgente, acharnée, magistrale, turbulente sous les platanes déplumés et stupéfaits.

Il est 16 h 40.

La sonnerie métallique et entêtée de l'école s'est tue.

Le coucou est rentré depuis longtemps panser son chevrotement, le serin n'est plus qu'un souvenir palpitant et fluet.

La vieille dame grignote sa madeleine et le soupir des miettes attendrit sa prunelle.

C'était hier dans sa salle de classe ; les matins grincheux, le crissement râpeux des craies, l'appel redouté au tableau, le raclement des chaises, le frou-frou des mouches, le fredonnement solennel des heures, toute cette petite ritournelle lancinante, dissipée et tiède qui faisait son quotidien.

La Symphonie Fantastique s'achève, on peut revenir aux douceurs feutrées des Préludes, aux Impromptus mélancoliques, aux Nocturnes douillets.

La vielle dame apaisée et nostalgique somnole doucement au son chuintant du car scolaire qui démarre.

Elle a éteint son sonotone.

Jusqu'à demain, 16h25. 

La colonne brisée
La maison vide

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samedi 27 avril 2024

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