La porte était ouverte et la nuit allait et venait, librement, avec une odeur de pluie et le grillonnement de la forêt, quand soudain elle était là devant moi, vivante statue, en boubou multicolore, les cheveux savamment constellés de tresses et l'ivoire des yeux soulignant l'ambre noire du visage.
Mais je me rappelle surtout de sa peau, odorante, chamoisée, couleur miel de châtaigne. Une peau qui portait l'odeur essentielle de l'Afrique et l'odeur intime d'une femme : eau de rivière, argile mouillée, mangue, sueur douceâtre, écorce d'acajou, relent cendré d'un lointain feu de brousse, manioc bouilli…
Une nébuleuse odorante qui à la façon d'une gorgée de Gewurztraminer diffuse instantanément dans toutes les cellules de votre corps jusqu'à la plus éloignée (l'extrémité des orteils) éveillant dans chaque cellule curiosité, sérénité, bien-être, volupté… puis le picotement du désir, le désir d'avoir du plaisir, le désir de donner du plaisir, de le partager.
Bientôt toutes vos cellules une à une partent à la découverte de l'autre, telle un explorateur devant l'Orénoque ou un pèlerin devant une montagne sacrée, nageant dans les ombres chaudes, désaltérant la soif des forêts, lavant les coquillages dans la toile du ciel, déliant les oiseux dans les mangroves…
Le matin, quand le jour a soulevé ses persiennes, il ne restait entre les draps que trois grains de peau savane et un pétale de bougainvillier.