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Sylvie Reymond Bagur
03 mai 2024
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​Self vie

Texte sur l'Autoportrait deCarl Larsson Atelier Autoportrait, une appropriation en 3 étapes
L'intérieur est bourgeois. On voit des cadres et même une assiette en porcelaine accrochés au mur. Il n'y a que les bourgeois pour accrocher des assiettes au mur. Un chandelier doré est posé sur une commode, couleur merisier. Une femme est installée derrière une porte intérieure vitrée, bordée d'une tenture. Elle semble être en train de lire ou d'être occupée à une tâche quelconque mais qui ne parait pas être un travail domestique. Elle est assise.

Lui est en avant plan. Droit. Sérieux. Extrêmement sérieux, binocle sur le nez, moustaches à la Bismarck. Il porte un chapeau à larges bords. Cela parait étrange car il est à l'intérieur de la maison, il ne porte pas d'habit ou de costume comme s'il s'apprêtait à sortir. Non, il est vêtu d'une grande blouse blanche, retenue par un cordon au cou. Il a un col raide de chemise sous la blouse. Il pourrait être médecin ou peintre. Il nous fixe d'un regard intense, nous transperce presque de ce regard noir au-dessus de sa moustache blonde. On perçoit pourtant une légère tristesse, ou une inquiétude. Celle de mal faire ?

Précisons : il porte dans la main droite une poupée, une sorte de clown qui nous sourit et qui fait signe de la main. L'homme en blouse blanche doit-il ausculter ou peindre un enfant, le clown est-il là pour le distraire, l'amadouer ? Ou la poupée est-elle là pour nous rassurer, nous, spectateur de ce regard qui nous examine ?

Carl Larsson Autoportrait


-       Photomaton

Je poserai avec une blouse blanche puisque je suis médecin. J'aurai un stéthoscope autour du cou, l'embout se glissera dans la poche de poitrine de cette blouse. Sur le bord de la poche sera inscrit mon nom précédé du titre de Docteur. Je porterai des lunettes, d'une couleur vive, sorte de fantaisie, elles sont peut-être un peu trop grandes pour mon visage. J'aurai la main gauche glissée dans la poche légèrement renflée, enfermant quelque secret médical sans doute. J'afficherai un large sourire. À mes côtés, un peu de trois quarts, un autre médecin, (puisque les médecins fréquentent des médecins), une femme aux cheveux frisés. Elle aussi, sourit largement. Elle semble arriver juste pour la photo, un peu en déséquilibre. Tous les deux, nous portons un joli nez rouge.

-      Dans le cadre.

J'ai le nez de travers. Et rouge.

D'ailleurs j'ai toujours affiché sur les photos des moments rituels de mon existence une rougeur de mauvais aloi : le jour de ma communion solennelle, j'avais la rougeole et le visage constellé de pustules ; pour mon bac, diplôme que je tenais fièrement en main face à l'objectif, j'arborai un fatidique bouton acnéique bien fiché sur le bout du nez, quant à la cérémonie officielle de ma thèse de médecine, un rhume anachronique pour la saison me parait d'un érythème pourpre malséant.

Un pied de nez récurrent à la solennité sociale attendue et à la tradition familiale du convenable.

Mon nez est de travers ou plutôt :

— Attention ton nez est mal mis.

Ma consœur, la Doctoresse OuilleOuille le pointe du doigt sans surtout y toucher. C'est qu'un nez de clown, c'est sacré, il faut respecter tout un rituel pour bien le mettre en place. Je me rassois devant le petit miroir, posé acrobatiquement sur un chariot de soin mis à notre disposition. Dessus, il y a mes lunettes roses de taille extralarge, mon chapeau mou, le maquillage blanc, le stéthoscope avec la poire lanceuse d'eau, le paquet de confettis à glisser dans ma poche. Je réajuste mon nez rouge avec concentration. J'enfile ma blouse où il est écrit sur la poche de poitrine « Docteur Bobo ».

Je suis médecin comme l'a décidé mon père.

Pourtant, sans oser lui dire en face, j'avais pris une feuille de papier blanc et j'avais écrit avec le plus de conviction possible, que sans vouloir le décevoir, je sentais que mon avenir était là, que je voulais arrêter mon cursus universitaire de médecine pour devenir comédien, répondre à l'appel grandiloquent de l'art. Mon père, célèbre chirurgien, digne descendant de toute une lignée médicale, me renvoya illico à mes chères études de carabin et je suis alors devenu un respectable cardiologue et un simple spectateur des arts de la scène.

Le Docteur OuilleOuille me regarde. Elle sourit.

— Là, ça va. Vous êtes ben beau Docteur Bobo.

C'est elle qui m'a entrainé dans cette aventure. Cette spécialiste des maladies infectieuses infantiles a toujours été persuadée que le rire guérit autant que les antibiotiques ou tout autre traitement.

Et me voici moi, respectable cardiologue de cabinet libéral en ville de province la semaine, moi, à qui on donne du « Bonjour Docteur » révérencieux du lundi au vendredi, à faire irruption un samedi par mois dans le couloir de l'hôpital dans le service pédiatrique en tenant la main de ma consœur, médecin en robe à larges fleurs bariolées, chaussures avec pompons démesurés et cheveux rouges flamme, accueillis par des « Youpi, Docteur Bobo » « Génial, Docteur Ouilleouille », au son strident d'une trompette bouchée claironné par cette femme auguste magnifique.

Et si je n'ose toujours pas dire que je suis Docteur Bobo, qu'il me faut échapper à ce regard paternel me jugeant éternellement tel l'œil du Père sur Cain, faire en sorte que le cardiologue réputé de la semaine ne rencontre pas le clown que je suis, c'est pourtant ici, à coup de turlututu, que je suis heureux.

— On y va !

On se lance, plein de vie, enfin libre.

Et là, je me retrouve nez à nez avec cet homme élégamment habillé, notable de la ville, atteint d'arythmie cardiaque, patient régulier et respectable du cardiologue que je suis chaque jour de la semaine. Je reste tétanisé. J'espère un instant que mes lunettes roses démesurées vont me protéger mais je perds tout mon clown. Le Docteur OuilleOuille essaie de faire diversion mais sans succès. L'homme me fixe du regard. Je vois bien qu'il m'a reconnu. Je suis démasqué. Ma réputation est fichue. Il est stupéfait.

— Vous, ici ? Comme ça !

Je meurs.

Et il éclate de rire, un rire de « bon sang pas possible », un rire de « Si on m'avait dit ça », un rire de « la vie est belle alors ». Et il s'exclame :

— Formidable, c'est vraiment formidable. Bravo. Ça c'est de la médecine !

Il y a dans sa voix un tel bonheur, une telle chaleur.

Je fonds.

Il m'explique qu'il vient voir son petit-fils hospitalisé qui est atteint d'une maladie rare.

— Merci, dit-il, merci. Ça mérite un souvenir. Et aussitôt, il sort son smartphone et me prend en photo sur le vif.

La preuve fatale.

Pourtant, c'est ainsi que je trône désormais dans mon cabinet libéral de cardiologue respectable, bien accroché au mur, derrière mon bureau d'acajou, dans un joli cadre fantaisie, en blouse blanche avec chapeau mou, lunettes roses extralarges, et fièrement sur la poitrine de ma blouse blanche, mon plus joli titre de médecine : Docteur Bobo.

Jean-Francois 

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vendredi 3 mai 2024

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