Par Marc Antoine B. le lundi 1 décembre 2025
Catégorie: Textes d'ateliers

​Parthenocissus

Il lève la tête, jette un oeil par l'aveuglement de la fenêtre et se repent aussitôt : le vert du jardin l'appelle ! Pour tailler, arracher, faner, émonder, ramasser, éclaircir, composter, alors rouge d'ampoules et de jurons, mal à la main, le carpien, s'apitoyer sur soi, foutu jardin. Pourtant le vert-jaune de la vigne vierge Parthenocissus qui lumine d'orange le couchant sous l'acier amoncelé du ciel, les soirs d'octobre, quelle splendeur !
Mais bien trop haut déjà, le rouge de l'armée des fins éclaireurs qui monte droit à l'assaut du sans-couleur, de l'insipide crépi, de jaunes pousses pour sillage (... sur un canapé noir, ..., comme en mil huit cent trente...), et le vieil or des feuilles frêles qui grossira bien vite le vert vif des écailles tremblant au vent. Le rouge attaque, le vert colonise. Oui, urgence à rabattre, à contenir, à hacher menu l'émeraude gangrène : museler le bariolé vertical, sauver le gris tacheté de lichens du vieux crépi. Défendre la veuve et l'orphelin, bon sang ! Satanée vigne vierge. Tailler, s'échiner à mains endolories, la veste kaki raidie d'années évaporées (...Sur les balcons du ciel, en robes surannées...), les yeux rougis par la sueur pâle, l'oxyde-de-sève du bec de l'arme orange tranchant ce vert souple et vigoureux, ce vert de liane qui rit sous cape, ce vert narquois, me museler, moi ? tu n'y penses pas !, éclat vert ironique des yeux d'un Zeus Parthenocissus certain de sa victoire sur le Sisyphe au sécateur. Vert ironique, en voilà une couleur !
S'échiner, batailler et souffler, mais pour quel résultat, étincelants dieux du ciel et de l'Olympe ? pour retrouver le gris usé, rompu, informe et sans âme de ce crépi sans âge. Tailler, puisqu'il le faut, paraît-il, et aussi racler délicatement les pattes noires qui maculent cette teinte insignifiante, couleur poussière tassée si l'on veut, chasser les minuscules étoiles ventouses qui percent et désagrègent dit-on, la mort du crépi. On pourrait les laisser, dit-il en rosissant, avant un prudent peut-être... Laisser ces mouchetures, ce noir terne contraste qui lui agace l'oeil ? Pas question, dit-elle, on doit rechercher un gris calme ; un mur moche et sans âme, certes, mais d'un gris calme, un gris modeste qui se fait oublier. Alors tailler, tailler sans fin (...celui qui taille le vert laboure la mer...).

© marc antoine Bernard

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