Je la vis arriver de très loin. Le gris acier et arrogant d'un instrument singulier se dandinait au-dessus de sa tête. Elle m'expliqua plus tard qu'il servait à ventiler son cerveau affaibli par des années de réflexion. Le blanc comateux de son chemisier, tourmenté par deux boules de ferraille vigoureuses semblaient au bord de la déchirure. Ses jambes sans limite manœuvrées par une mécanique complexe et indomptable mitraillaient les insectes curieux sans aucun état d'âme. Elle vint s'assoir près de moi, c'était la seule place disponible.Le noir métallique de sa jupe à plis se désintégra à l'approche du banc. Le vermillon de ses lèvres se déverrouilla. Des sons bleutés de mésanges s'évadèrent. Elle m'avoua qu'elle tenait une boutique de hasard. Intriguée, je voulus en savoir davantage et lui posai toutes sortes de questions. Elle sortit un jeu de cartes et me précisa que pour avoir les réponses je devais tirer un as rouge. Je tirai un roi. Je ne saurais jamais. Elle rinça ses pieds dans une flaque. Le boitier perché au-dessus de son crâne se mit à grincer. Un silence transparent se faufila entre nous. Elle se déverrouilla. Se leva. Je l'imitai. Le vert sofa du banc poussa un "ouf" de soulagement. Je le remerciai de son accueil et fila sans me retourner vers un passé encombré et jauni.