Par Mireille Milza le vendredi 9 juin 2023
Catégorie: Textes d'ateliers

Débarrasser la table

Passage,

Elle crie, crabe démembré, dans un bouillon de poussière safranée. La carapace en merisier craque sous la semelle opiniâtre d'un pied besogneux, mécanique ; croquer la rebelle.

La table a la dent dure pour l'ouvrier. Le compte à rebours décline des notes acres, des dissonances qui se choquent aux murs.

Où sont les nappes chantantes aux caresses brodées ; le bois a perdu la couleur des convives !

Surface privée d'ivresse, de traces gouteuses, de pluies de bulles, de vibrations porcelaine et de fragments rieurs.

Le meuble est rancunier, il hume de toutes ses veines ma peine blanche. Il refuse le ciseau du sculpteur des souvenirs tendres et juteux. Il nie ma présence de possédant dépossédé de ses affects. Et chutent les morceaux douillets d'une vie familiale !

L'abeille cireuse s'est tue. C'est un chant de cafard qui emplit le vide. Crac, croc en fa dièse !

Je ne suis plus que tas de bois. Ne pas la toucher… Ne pas la respirer…

« Tu redeviendras sciure »

Mais les photos auront raison de ton absence. Sur les clichés vieillis, tu rythmeras telle une horloge les gammes argentiques de nos vies.

Quand « 2 ans » soufflait les bougies, « 12 ans » léchait l'œuf chocolaté, « 24 ans » posait le couffin affamé, « 48 ans »respirait le chagrin anthracite… 

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