Par Sixtine le vendredi 17 janvier 2020
Catégorie: Textes d'ateliers

La fougue du mollusque

La tête entre les mains, il se cache dans ce jardin public pour fuir l'effervescence de la maison. Peut-être va-t-on l'oublier comme souvent, d'ailleurs il aime se faire oublier. Plongé dans un livre, le casque sur les oreilles, il traverse la vie en passager silencieux.

Un éclat de rire le fait se redresser : c'est elle, c'est bien cette joie de vivre qui lui a donné envie de sortir de sa coquille.

Il se souvient de leur première rencontre : elle avait retiré ses chaussures et le mouvement de ses pieds nus sur l'herbe l'avait plongé dans un état quasi hypnotique. C'est son rire qui l'en avait fait sortir : elle venait de lui demander pour la troisième fois au moins si il avait l'habitude de regarder les pieds des femmes dans les parcs. Confus, il avait bredouillé quelques mots, mais elle avait balayé ses excuses d'un revers de main. Elle préférait parler du roman qu'il lisait ce jour-là : "l'insoutenable légèreté de l'être" de Kundera. Voilà comment tout avait commencé il y a quelques années : il s'était laissé emporter par son ardeur et ce tourbillon le laissait parfois essoufflé avec de vagues envies de repli sur soi.

Il se redresse un peu plus car il vient d'entendre son prénom, on le cherche à présent avec un peu plus d'inquiétude, c'est bientôt l'heure. "Ne va pas tout gâcher" se sermonne-t-il tout bas.

Alors, dans un bond immobile de tout son être, il se lève, resserre son noeud de cravate et se dirige à pas mesurés vers la mairie.

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