Par Ollivier Buerb le dimanche 16 juin 2019
Catégorie: Textes d'ateliers

Deux récits parallèles, le récit absent... O. Bueb 2015

KATIA

Fidèle à mes habitudes, j'étais en retard. La chaleur suffocante de cet été caniculaire transformait l'appartement en sauna. Je cherchais partout ces maudites clés. Au loin, par la fenêtre une sirène se faisait entendre. Pompier, police, je n'ai jamais su faire le distinguo. Mais où ai-je fourré ces clés ? La sirène poursuit sa mélodie stridente, une urgence sans doute. Moi aussi, je suis pressé, ça y est, je suis en retard de deux minutes. Katia a l'habitude maintenant, mais cela entretient les sentiments

que de les faire mariner un tant soit peu. Tout le contraire du SAMU. Ça y est je les ai ces foutus clés, elles me narguaient depuis le début pendant sottement sur la porte. Je claque la porte et dévale quatre à quatre l'escalier. J'habiterais dans une caserne de pompier la descente le long de la perche en acier me ferait gagner du temps et qui sait grignoter un peu de ce retard atavique.
La chaleur bitumée prit le relais de l'étouffoir haussmannien. Le pin-pon revint à mes oreilles. Oui c'était le même, il se rapprochait peu à peu. Sûrement pour un ancêtre abandonné par sa lâche famille partie se rafraîchir le long des côtes bretonnes. Dans un quart d'heure, j'aurais rejoint Katia au restaurant. Dans 8 minutes en marchant rapidement et 5 en courant. Contrairement au véhicule de secours qui se devait d'intervenir au plus vite, je choisis de garder un rythme de marche normale. En effet, la vision peu ragoûtante d'un amant haletant, la langue traînant sur un trottoir jonché de mégots et aux aisselles de chemise ornées de deux magnifiques auréoles de transpiration ferait fuir la belle Katia. Stratégiquement, je préférais laisser cette apparence avantageuse aux courageux soldats du feu et assumer mon retard avec mon bagout naturel… « Tu comprends, la bourse de New York vient juste de fermer,et blablabli et blablabla ».
La sirène se rapprocha à en devenir omniprésente. Elle me tira de mes pensées machiavéliques et mes pas suivirent machinalement son rythme. J'accélérai et aperçut le gyrophare bleu qui déchirait la nuit. Et si ce petit vieux était mon voisin de palier ? Comprenant que le véhicule de pompier se dirigeait vers notre lieu de rencontre, je me mis à courir comme pris de panique. « Merde, il est arrivé quelque chose à Katia ».
Ses yeux bleus ne clignoteraient plus dans la nuit, Quel con, si je n'avais pas cette foutue manie d'être toujours à la bourre, à vouloir me faire désirer, à vouloir être important. Le camion rouge était en face de moi, je me bouchais les oreilles car cette sonnerie était insupportable. Les éclairs bleus me forcèrent à cligner des yeux. Je traversai le boulevard comme un dératé et ne vis pas la camionnette de la poste qui me culbuta comme un pantin désarticulé.

Je crois que j'ai hurlé « Katia » avant de m'écraser sur le macadam brûlant. Mais ça je n'en suis pas sûr du tout, contrairement au fait que l'on a tous rendez-vous avec son destin.  21/02/2016

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