Salut ! A demain…Ici…Bien sûr.
Bien entendu demain au « CHU »….Comme chaque jour et si souvent les nuits me murmure mon cerveau fatigué. C.H.U !
Je m'éloigne des bâtiments austères, les trois lettres filent devant mes yeux. Sur le porche d'entrée, trois lettres, immenses, qui me poursuivent !
Fuir, se détacher de ce centre, de ce C où se rejoignent, s'éloignent, se croisent tant de douleurs, d'angoisses, de drames, d'amertume et, quelques fois, de joies. Entre les deux pointes de ce C, tendues l'une vers l'autre, y a-t-il un peu d'espace pour les malades que j'y laisse ? Tout y est tendu : les files d'attente, les rencontres, les sentiments, les corps. Le C du centre va-t-il se refermer sur cette femme usée dont les yeux tout à l'heure suppliaient d'augmenter la morphine ? Soigner. Réparer. Apaiser. Je voudrais rester confiante.
Je décide de marcher un peu, je prendrai le bus au prochain arrêt. Tant de ces corps souffrants aimeraient être là à respirer l'air de la rue. Mon dos pèse, croule sous le poids.
Je presse le pas.
Écarter l'hôpital, l'effacer pour cette nuit. Est-il vraiment hospitalier ce « CHU » dans lequel le H évite la première place ? Cette lettre à qui il manque un barreau pour être une échelle. Je me répète les mots « Centre » « Hospitalier ». Hôpital, Hospice ? Pas une échelle ! Un abri pour ceux dont la santé se dérobe, dont le corps est en attente.
J'accélère l'allure pour mettre à distance ces lettres qui reviennent lancinantes, obsédantes. Elles s'incrustent.
C. H.U. Universitaire. Un U, avec ces bras grands ouverts, aux flots d'étudiants, aux chercheurs, aux professeurs. Ce flot d'espoirs, de quêtes, de rêves, de mes rêves d'enfant. Tout cela fracassé. Fracassé par la course au temps, aux moyens, par les regards suppliants, par l'épuisement. Dans la courbe de ce U, je ne vois plus que les corps abîmés, blessés, attaqués. Ce C.H.U, ce labyrinthe ! Des chambres, des salles, des couloirs. Mais un refuge aussi. On y lutte pour donner la vie, pour la garder, pour aider à naître et à renaître. Alors on tente d'oublier que le H, celui de la hache qui coupe et sépare, peut gagner. Ne pas se laisser submerger, ne surtout pas laisser s'éteindre la lumière des trois lettres. C.H.U !
Le bus arrive. Enfin !
Demain, j'y retourne.
Voir d'autres textes littéraires sur le même thème des acronymes.
Article sur les acronymes et écriture.