Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Noémie N.
22 avril 2024
Textes d'ateliers

Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

Mon autre blog littéraire

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Dernier article paru
Dernier article paru

Orwell et le langage

Le langage contemporain aurait-il quelque chose d'orwellien?

Lire

Taille du texte: +

Urgence

Réveil. Déjà l'odeur du café. Il se lève. Envie de pisser. Dans le miroir, le regard trop lourd. Quelques nouvelles rides fines. Cheveux en bataille. Eau froide sur le visage. Eau chaude pour plaquer les épis de cheveux. Direction cuisine. À la radio, infos du matin. Bruits du monde. La porte de la voisine claque. Elle part au travail. Sur la table, une enveloppe blanche insolite. Enveloppe ouverte.

« Cela fait plusieurs mois déjà que je voulais te dire... » À la ligne.
L'odeur du café disparue. Ses yeux verts, à elle. Il appelle. Silence maison. Plus de sac à main, portemanteau vide. Les clefs de la voiture accrochées au porte-clefs. Pourtant, hier soir, son sourire, encore. Elle dit : « bonne nuit ». Soudain, douleur au crâne. Vite, il s'habille. Pantalon, toile noire. T-shirt. Pull gris chiné. Douceur de la laine indifférente. Chaussure de ville. Faire les lacets bien serrés. Se pencher. Il a vieilli. Ventre trop rond. Difficile de se pencher. Il a grossi. Je ferai un régime. Toujours y croire.
Papier à lettres blanc. « Entre nous, ce n'est plus... ».
Il a faim. Envie de café. Trop tard. Il n'a plus faim.
« Je pars chez Isabelle, à Bordeaux, quelque temps... » À la ligne.
Elle a pris le train. Sûrement.
L'enveloppe froissée. Entre les doigts. Lettre dans la poche gauche du blouson. Blouson cuir. Il aime le poids de sa veste. Col fourrure. Poches à zip. Bruit quand on les ferme. Se dépêcher. Une chance de la rattraper. La porte d'entrée. Claquement. Les vitres gelées des voitures. Froid. Voiture ou tram ? Tram, plus rapide jusqu'à la gare. À l'arrêt du tram, pas de visages connus. Ouf. Pas envie de parler. Baisser les yeux, ne pas croiser de regards.
La lettre dans la poche gauche. Feuille blanche pliée en quatre. « La distance désormais entre nous... ».
Elle a écrit à l'encre bleue, sans doute avec le stylo-plume argent qu'il lui a offert pour son anniversaire, il y a deux ans, avec un carnet à couverture de cuir orange. Elle avait apprécié ce cadeau, il en avait été heureux.
Froid. Il a oublié son écharpe. Trop tard. L'air dans le cou. Que dire aux amis. Idiot de penser ça. Une femme en manteau rouge semble parler seule. Écouteurs dans les oreilles. Il pense à son portable. Affolement. Il plonge la main dans sa veste aviateur. La poche intérieure. Contact de la coque noire. Le portable, là. Soulagement. Pas de message. Bien sûr. Essayer de l'appeler. Inutile. Son air buté quand elle ne veut pas. Elle baisse la tête, laisse la frange de ses cheveux couvrir ses yeux, puis elle relève le visage et vous regarde droit, sans faiblir.
Ses yeux verts, première chose qu'il avait remarquée. Un été. Sur la plage, elle était allongée sur une serviette point mousse, lui, il était vendeur ambulant, petit boulot d'été. Un soleil de four. Il agitait une cloche. Chouchous, chichis, beignets. Il criait cela.
Le tram en retard. Bon sang, il arrive ? Les gens regardent leurs montres.
La plage, il avait fait ses plaisanteries habituelles, il avait aimé son rire à elle. Il était séduisant. Jeunesse et charme. Il lui avait plu. Elle l'avait eu. Un amour d'été, pour la vie, ou presque.
Bruit de clochette. Tram dans le virage. Carte d'abonnement, sa photo pâle. Souffle de l'ouverture des portes, grimper, rester debout. Main sur la barre. Métal poisseux. Déséquilibre au démarrage. Les lycéens se précipitent sur les places assises. Litanie des arrêts : Faculté. Berandière. Champs des collines. Bandeau de lettres rouges défilantes. Annonce des stations. La voix douceâtre. Place de la République. Hôtel de ville... Il regarde le plan des stations

1

comme si cela pouvait faire avancer le tram plus vite. Sur un strapontin, un homme âgé. Pull en laine tricoté. Absorbé, une revue dans les mains. À la maison, dans la chambre, sur sa table de nuit à elle, ce matin son livre, couverture blanche, encore là, avec marque-page bleu dépassant des pages. Elle lit tous les soirs, même s'il est très tard, toujours, au moins quelques pages. Lui, maintenant, vers la gare. Prévenir le boulot. Retard. Dire qu'il est malade ? Mensonge. Plus tard. Peut-être.

« Depuis longtemps nos caresses oubliées... » Enveloppe froissée.
Aigreur estomac. Il a faim. Envie d'un café. Il n'a pas faim. Envie d'un café. La tête tourne. Pas pleurer. Rien à dire. Pensée fugitive. Colère ? Non. Autre chose.
« Il me faut de la distance, du temps... » À la ligne.
L'écriture est ronde, en lettres liées, une écriture souple sans être enfantine. Il aimait lire ses lettres autrefois.
Virage, léger déséquilibre. La cheville douloureuse. La droite. Une histoire ancienne. Vacances en Corse. Lui sur un escabeau, il raccroche des rideaux dégrafés. Il bascule, fait un double salto et chute lourdement. Elle avait ri d'abord. Puis il avait crié de douleur. Elle avait compris alors. Elle s'était précipitée, l'avait soutenu, elle avait passé son bras sous son épaule. Bienveillance. Lui, entorse. Ensuite, elle plaisantait, « mon petit papy », lui se déplaçait avec une canne, elle lui portait ses repas, elle était câline, l'immobilité leur convenait bien. Cela avait duré quelques semaines. Histoire ancienne. Maintenant douleur parfois quand il fait froid ou trop humide. Son souvenir de guerre à lui. Soudain une voix. « Nous demandons aux voyageurs de descendre, la voie est bloquée par une manifestation ». On entend « Les cons ». « Fait chier ». Blocage de voie pour exiger la liberté de circuler. Portes ouvertes. Bouffée d'air frais. La foule descend. Il est pressé. Une femme avec une poussette. Grincement des articulations mécaniques. Passage encombré. Les lycéens toujours à la traine. Leurs rires. Dépêchez-vous ! Courir. Il n'a pas couru depuis longtemps. Souffle court. Essoufflement. Trop gros. Régime à faire. Application régime chargée sur son portable. Jamais ouverte. Le lacet défait. Il faut le refaire. Bien serrer. Elle n'a pas fait de bruit en partant ce matin. La lettre posée sur la table de la cuisine. Elle a dû descendre l'escalier à pieds nus, elle n'a pas allumé la lumière de la chambre en se levant, elle a posé l'enveloppe, regardé une dernière fois le couloir avant que de fermer la porte d'entrée. Les arbres nus de la Place des martyrs. Gris. L'horloge de la Tour St Jacques arrêtée. Cadran blanc éclatant. Les yeux verts. Un été, elle s'était teinte en blonde. Son fou rire à lui quand il l'avait aperçue. Elle avait été vexée tout d'abord puis s'en était amusée. Il l'appelait « Ma petite Maryline Monroe ». Elle chantait « Poupoupidou ». Toutes les vacances. Et puis la rentrée. De nouveau brune. L'amour en souvenir. La gare en vue. La façade nettoyée. Travaux sur le boulevard. Traverser, regard à gauche, à droite, tintement de sonnette d'un vélo. Attention ! Sur le siège arrière, un enfant, blouson doudoune, signe de la main. Sur le parvis de la gare, un type dans un duvet. Son chien noir, un foulard attaché autour du cou, regarde la foule passer. Derrière le duvet, un grand sac plastique à bandes bleues, blanches et rouges, tenu par une ficelle. Un tas de vêtements dedans, du bazar, des journaux. Toute la richesse d'un homme. Devant passe un mec en costume trois-pièces, manteau noir élégant, sur un skate. Devant l'entrée de la gare, deux flics immobiles. Il a couru. Son T-shirt est trempé. Chaleur froide. La sueur sous les aisselles. Dans le hall de la gare, un piano. Air de Amélie Poulain, toujours le même. Il a froid maintenant. Le marchand de journaux. Gros titres. Un corps retrouvé dans une voiture. Record du monde. Une femme les bras en l'air sur une photo couleur. Partout dans le hall, des valises rouges, noires, bleues, grises, bruit des roulettes de plastique. Il se souvient de ce sac de voyage oublié dans un aéroport. Ils avaient été invités à un mariage sélect, une cousine ou

2

quelque chose comme ça. Il avait oublié le sac dans la salle d'embarquement. Ils n'avaient plus d'affaires pour le mariage. Ils avaient dû rester en jean et essayer de prendre un air détaché durant toute la cérémonie. Il repense à sa fureur à elle, la belle robe achetée juste pour l'occasion, une jolie robe qu'elle avait mis du temps à choisir, une jolie robe qui avait coûtécher, une jolie robe qui vous rend si belle. Une jolie robe perdue. Ils en avaient ri ensuite « On était les plus élégants du mariage ». « En tout cas, les plus beaux ! » Ici, les annonces incompréhensibles dans les haut-parleurs. « Train pour Mmmnnn, départ mnnnn trente, .... Retard... ». Traces sur la verrière. Pluie de ces derniers jours. Petits chemins aléatoires des gouttes. Il regarde les panneaux d'affichage. Vert pour arrivée, bleu pour départ. Destinations et horaires en lettres blanches.

« Je suis partie pour quelque temps » À la ligne. Elle avait juste signé de son prénom.
Blouson aviateur ouvert. Chaud-froid. T-shirt, transpiration. Fausse note au piano. Amélie Poulain se casse la figure. Bordeaux, départ 8 h 27. Quai numéro 3. Escalator. Une jeune femme tient un enfant dans les bras. L'enfant avec un bonnet au ras des yeux. « On va aller voir Mamie, tu es content ? ».
Leur fils. Une moto neuve. Cadeau d'examen. Major de promotion. Route mouillée de pluie. Ce fils disparu. La fin du monde. Les traces de pluie sur la verrière. Hall des départs. Magasin de souvenirs en tout genre. Chocolat spécialité. Odeur sucrée. Une boulangerie café. Quelques voyageurs un pain aux raisins à la main. Le quai Numéro 3 au bout du hall.
« Je ne sais plus si... ». Lettre feuille blanche pliée en quatre. Enveloppe sur la table de la cuisine, enveloppe froissée dans la poche.
Il court.
Là-bas, une silhouette qui lui ressemble. Elle, peut-être.

3 

Départ
Allégorie

Sur le même sujet:

 

Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le dimanche 20 mars 2022 14:17

Pensées, sensations, souvenirs, le flux de la vie intérieure réstitué ici avec une belle intensité.

Pensées, sensations, souvenirs, le flux de la vie intérieure réstitué ici avec une belle intensité.
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
vendredi 26 avril 2024

Textes à redécouvrir

15 janvier 2022
Elle est sanguine dans sa robe de mort. Presque nue contre les gifles du vent. Au sommet du monde, sur cette montagne qui n'a ni lieu ni nom, elle s'o...
719 lectures
24 janvier 2022
Une isba. Une petite isba. Enfin, une cabane. Une cabane au bord du lac Baïkal, en lisière d'une forêt de cèdres, face au lac gelé. L'immensité. Le fr...
745 lectures
18 février 2023
Sa haute silhouette exhale un parfum de certitude. Fragrance lumineuse de la flèche aspirant les pèlerins confiants, sûrs de bientôt la respirer. En e...
385 lectures

Phrases d'auteurs...

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mots-clés

Absence Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Baiser Bateau Blaise Cendrars Cadre Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Construction Corps Couleur Couleurs Couple Course Covid Description Désert Désir Dialogue Diderot Douleur Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Emmanuel Berl Enfance Enumérations Ephémère Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Faulkner Felix Fénéon Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Julio Cortázar Langue Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lieu Littérature américaine Main Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musicalité Musique Mythe Mythes Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Photo Phrase Phrases Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Réécriture Rencontres Résilience Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Vieillissement Ville Visage Voix Voyages Voyeur Zola Zoom