Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Stéphanie R.
28 septembre 2024
Textes d'ateliers

La lumière emplit soudainement la pièce et la porte en verre opaque projette un halo jaune vers l'extérieur. D'un bond, Milo se plaque contre le mur. Il attend, immobile, le cœur haletant, les doigts serrés sur son couteau. Revêtu de noir et encagoulé, il est presque invisible, mais à quelques secon...

Derniers commentaires

Invité - François G. La Vague
23 septembre 2024
Poétique et sensible ! Une lecture envoutante.
Invité - KA Autoportrait en chœur
21 septembre 2024
Que dire sur ce tableau je ne suis pas sur de comprendre ?

Mon blog personnel

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Dernier article paru
Dernier article paru

Sur le style de Racine

 A la lecture de Phèdre, il s’opère une sorte de condensation d’énergie autour de certains mots comme fatal, toujours, cruel, redoutable, brûler… des mots paroxystiques qui s’intègrent dans la musique du vers et créent une impression de force concentrée...

Lire

Taille du texte: +

Le dîner

Texte d'atelier d'écriture : le voyeur Stage sur la nouvelle

La lumière emplit soudainement la pièce et la porte en verre opaque projette un halo jaune vers l'extérieur. D'un bond, Milo se plaque contre le mur. Il attend, immobile, le cœur haletant, les doigts serrés sur son couteau. Revêtu de noir et encagoulé, il est presque invisible, mais à quelques secondes près, il aurait pu être détecté. Heureusement qu'en grand professionnel, il peut compter sur des réflexes infaillibles.


Au bord de l'encadrement de la porte, Milo remarque une partie altérée du verre qui a perdu de son opacité. Elle a la forme d'une petite allumette avec, en son centre, une décoloration élargie d'un centimètre au plus. Tout en restant dissimulé, il y approche un œil prudent. C'est une cuisine. Bingo ! Il jubile en passant en revue les parties visibles de la pièce. Des meubles aux façades beige satinées, un comptoir en marbre gris anthracite sur lequel trônent un Thermomix, une imposante machine à café et un grille-pain rutilant. Du premium, que du premium… une deuxième visite est o-bli-ga-toire ! Il s'imagine déjà dans la maison, imagine un coffre-fort au premier étage dans la chambre, il faudra amener les outils, il a hâte de voir ça…


À l'intérieur, une jeune femme ouvre les placards, les tiroirs, saisit des bols, des ustensiles de cuisine avec des gestes vifs et précis. Le cambrioleur entend les claquements rapides de ses talons. Il entrevoit son visage lorsqu'elle avance vers ce qu'il imagine être le frigidaire. C'est un visage concentré, appliqué, qui dirige des mains agiles et rapides. En quelques minutes, un plat, des saladiers et des bols se sont emplis de nourriture. Milo est ébahi. Quelle production ! Il se demande si la cuisinière attend beaucoup de monde. Elle se retourne et jette un coup d'œil vers le mur d'en face. Elle tressaille, et ses claquements de talons s'accélèrent. Milo se dit qu'il doit s'agir d'un dîner important et qu'elle est en retard. Ou bien alors elle est toujours comme ça, le genre de personnalité en stress permanent. Milo aime observer les gens et déchiffrer ce que leurs gestes, leurs manières révèlent d'eux. Il devrait partir, mais décide de rester.

La femme sort de son champ de vision puis revient avec une nappe, des verres, des assiettes et des couverts. Il la voit se pencher à deux reprises vers ce qui doit être une table. Tout ça pour un dîner à deux ? Milo est presque déçu. Elle a reculé d'un pas et hoche la tête d'un air satisfait. Le jeune homme est soudain curieux. Qui a-t-elle donc invité ce soir ? Le monsieur Toret de la boite aux lettres ? Peu probable, elle ne serait pas aussi tendue… Un parent peu apprécié, une belle-mère acariâtre ? Cela expliquerait peut-être son air contrarié... Un dîner professionnel est moins probable : elle serait allée au restaurant. Elle allume deux bougies, et Milo ricane intérieurement. Et si c'était un rendez-vous galant ? Un dîner aux chandelles pendant que Monsieur voyage ? Ce serait beaucoup plus amusant !

La maîtresse de maison disparaît du champ de vision. Attends, où vas-tu comme çaReviens !, s'impatiente Milo. Elle réapparaît, élégante dans une robe ajustée qui met en valeur sa mince silhouette. Ses cheveux blonds dénoués encadrent un visage fin et des yeux délicats en forme d'amande. Il émane de tout son être une fragilité émouvante. Milo est troublé. Elle s'appuie contre l'évier sous la fenêtre et reste un instant immobile. À quoi pense-t-elle ?

La femme s'éclipse de nouveau. La musique du Beau Danube Bleu retentit à plein volume, et elle resurgit avec deux coupes de champagne. Elle tourne sur elle-même, d'abord lentement, en rotations amples, puis en tours plus serrés, plus rapides. Elle tourne, elle valse, elle tourbillonne avec grâce, ses cheveux sont des fils d'or, sa face est un astre lumineux et mystérieux. Milo ne peut se détourner de cette vision hypnotique. Luna… je vais t'appeler Luna. Lorsqu'elle cesse de danser, son visage s'est refermé et ses yeux brillent comme des lames.

Milo est tellement absorbé qu'il n'entend pas le bruit d'un moteur de voiture approcher. La musique cesse. Un homme de taille corpulente avance à grandes enjambées dans l'allée, passe devant lui sans le remarquer.
Le colosse pénètre dans la cuisine, regarde en direction de la table d'un air autoritaire, dévisage la femme, l'air vaguement étonné. Il s'approche d'elle, écarte une mèche de cheveux de son front et l'attire vers lui d'une main derrière la nuque. Le rustre !, s'indigne Milo. Et toi, tu laisses faire ? Elle se laisse étreindre, puis se dégage doucement. Lorsqu'ils trinquent, ses traits se détendent. Elle esquisse même un sourire. Milo est confus. A-t-elle finalement une bonne nouvelle à annoncer ?

Le couple s'est attablé, mais en se plaçant de bais, Milo parvient à discerner le haut du corps de la femme. Ses lèvres remuent pendant un instant, puis s'arrêtent brusquement, comme si elle était interrompue. Non, il n'y a pas de bonne nouvelle. Son visage se décompose et devient livide. L'homme parle de plus en plus fort, d'une voix puissante et menaçante. Soudain, la table bascule. Crissements de chaises, fracas d'assiettes brisées dans des échardes de Crystal. Hurlements et cris. Milo gémit d'impuissance. La femme traverse son champ de vision, mais n'a nulle part où se réfugier. Milo imagine le dos frêle de la femme si proche de l'autre côté du mur, et l'homme qui se rue sur elle comme un taureau en furie. Aux vibrations du mur, il devine les coups. Bang, bang, bang… Il entend des plaintes étouffées et les bruits sourds. Luna, supplie Milo, fais quelque chose, n'importe quoi pour échapper à ce fou !

Et soudain, le silence. Un silence épais, étouffant… le silence figé après le massacre... Milo est tétanisé. Luna, Luna ?… Le silence, toujours… Puis Milo voit un dos s'avancer vers l'évier. L'homme se déplace lentement, péniblement, il s'appuie sur le comptoir et se retourne en grimaçant. Ses yeux sont exorbités, ses joues pourpres gonflées, mais sa bouche ouverte est moins menaçante. Milo expire. Quel miracle… S'il te parle, c'est que tu es encore là. Luna, j'ai eu si peur… Mais maintenant, faut partir… Qu'est-ce que t'attends pour te tirer ?

Soudain, les yeux de l'homme s'écarquillent. Ses cils battent comme les ailes d'un papillon qui se noie. Il fouille la poche de son pantalon d'une main fébrile qui laisse échapper un téléphone au sol, se jette à genoux pour le rattraper, trop tard : une pointe d'escarpin noir l'a éloigné d'un petit coup sec. Luna, qu'est-ce qui… Milo se hisse sur la pointe des pieds pour observer le coin inférieur de la pièce.

Il voit la brute s'agripper à la robe de la femme, lever vers elle de grands yeux doux. Quel regard adorateur soudain, pour un peu, on le trouverait presque angélique ! Est-ce avec ce masque qu'il a séduit Luna ? Milo est pétrifié. Les doigts gourds glissent le long de la robe, descendent par à-coups vers le sol où un coude, une épaule, puis tout le corps s'affale. Luna s'agenouille. Sa brassière déchirée révèle le blanc laiteux de sa poitrine. Lorsqu'elle se penche au-dessus de Monsieur Toret, Milo entrevoit le blanc soyeux des seins, un velouté aux auréoles arc-en-ciel. À la vue des mamelons, le mari sursaute, secoue la tête frénétiquement. Espèce de minable, ironise Malo, tu crois vraiment qu'on va te croire ? La bouche tordue remue l'air, s'immobilise soudain. Maintenant, c'est Madame Toret qui parle. Les pincements de ses lèvres sont nets et brefs. Milo voit l'homme haleter, tendre la main vers sa femme, mais celle-ci se redresse en l'ignorant. Elle replace sa bretelle de soutien-gorge d'un geste absent et quitte la pièce. Milo recule d'un pas chancelant, longe le mur et disparaît dans la nuit. 

La Vague

Sur le même sujet:

 

Commentaires

Pas encore de commentaire. Soyez le premier à commenter
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
samedi 28 septembre 2024

Textes à redécouvrir

28 septembre 2023
21h30. Ressentir un vide immense. Chercher le moyen de le combler. Vite. Se précipiter dans la cuisine. Croiser son reflet dans la fenêtre. S'arrêter....
366 lectures
2 mars 2020
Cousine Hélène habitait le premier étage d'un bel immeuble en pierre situé juste en face de l'église. Son appartement était vaste et majestueux avec d...
1177 lectures
10 août 2021
J'ai été réveillé par des coups comme des coups de pioche. Étonné j'ai soulevé le couvercle et vu un archéologue creuser la terre autour de moi. Barbe...
683 lectures

Phrases d'auteurs...

"Si vous avez quelque chose à dire, tout ce que vous pensez que personne n'a dit avant, vous devez le ressentir si désespérément que vous trouverez un moyen de le dire que personne n'a jamais trouvé avant, de sorte que la chose que vous avez à dire et la façon de le dire se mélangent comme une seule matière - aussi indissolublement que si elles ont été conçus ensemble."  F. Scott Fitzgerald

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mots-clés

Absence Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Baiser Bateau Blaise Cendrars Bourreau Cadre Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Construction Corps Corse Couleur Couleurs Couple Course Covid Description Désert Désir Dialogue Diderot Douleur Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Ecrivain Emmanuel Berl Enfance Enumérations Ephémère Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Faulkner Felix Fénéon Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Julio Cortázar La vie Langue Larmes Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lieu Littérature américaine Main Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Micro nouvelles Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musée Musicalité Musique Mythe Mythes Naissance Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Photo Phrase Phrases Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Recueil de nouvelles Réécriture Rencontres Résilience Révolution Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Souvenirs Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Venise Vie Vieillissement Ville Violence Visage Voix Voyages Voyeur Zola Zoom