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22 avril 2024
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Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

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Chambre avec vue d'après un tableau de E. Hopper

chambreHopper Atelier A la fenêtre du tableau

C'est une journée ensoleillée qui répand sa lumière sur le sol de la pièce. Est-ce l'hiver ou bien l'été ? Il observe en premier lieu une femme assise, de dos, dans le coin gauche du renfoncement d'un bow-window. Comme il ne voit pas son visage, il ne lui donne pas d'âge et ignore son histoire. Aux trois pans vitrés du bow-window, des stores jaune paille plus ou moins descendus, dont il se dit qu'elle les a peut-être relevés au fil de la journée, pour laisser entrer le soleil ou s'en cacher. Là, ils s'ouvrent sur un large panorama d'immeubles en brique rouge, rendus ocre par la luminosité d'un jour qui décline peut-être, et au loin, sur des toits hérissés de cheminées éteintes, découpées dans le ciel azuré. Les lignes rectilignes de la ville hantent la chambre meublée de manière ascétique, d'une table rectangulaire recouverte d'une nappe sanguine où ne figure aucun signe de vie domestique. Dans le coin opposé du bow-window, et presque en son centre, une nappe grise recouvre un guéridon sur lequel rayonne un vase blanc luminescent où s'éclot un large bouquet de fleurs blanches, seul élément naturel de la pièce. Il remarque que l'étoffe du guéridon habille aussi la femme assise dans le fauteuil. Sa longue robe recouvre ses pieds et ses bras qui reposent sur les accoudoirs. Ses cours cheveux coupés au carré découvrent l'ivoire de sa nuque légèrement inclinée vers son épaule gauche.

Il scrute le tableau, entre dans la pièce pour tenter d'en déchiffrer son énigmatique mise en scène. La femme ne semble pas contempler le paysage urbain qui s'étale devant elle à l'horizon. Elle ne se serait pas mise à la fenêtre pour le regarder. Elle lui tourne le dos comme elle nous tourne le sien. Elle ne se serait pas mise à la fenêtre pour observer la rue en contre-bas, épier quelqu'un ou quelque chose, comme cela lui est arrivé parfois, à son corps défendant, alors qu'il voulait juste savoir s'il pleuvait, neigeait, si le ciel était menaçant ou serein. Non. Et c'est comme si l'univers minéral de la ville la dévisageait, elle. Elle se serait enfermée dans cette alcôve, s'y serait nichée, peut-être pour échapper à la froideur de ces immeubles troués de fenêtres aveugles, inhabités, inhospitaliers, désertés. Pas une ombre aux carreaux qui pourrait plonger son regard dans la pièce où elle se tient, pas une âme pour sentir sa solitude, sa peine aussi et l'en délivrer. Elle serait la seule survivante d'un monde où les fleurs n'existeraient plus que coupées dans un vase. Dans ce salon – ou est-ce une chambre-, ce bouquet qu'elle a pris soin d'exposer à la lumière et de placer à côté d'elle, lui tient-il compagnie ? Est-il le médium de ses pensées, de ses souvenirs ? Exhale-t-il un parfum qui la ramène à l'enfance, aux prémices de l'été, où elle courrait peut-être dans les champs en quête de coquelicots, comme il se souvient l'avoir fait lui-même enfant ? A-t-elle écarté délicatement en deux le bouton vert de la fleur et de cette pression, s'est-elle émerveillée de voir apparaître ses pétales vermillon froissées comme le tissu d'une robe ? A-t-elle été aussi surprise que lui quand il a vu des coquelicots s'épanouir entre les pavés et même sur le ballast ? Elle les aurait-elle ramenés chez elle, ou aurait préféré les laisser-là, afin que d'autres passants se souviennent comme lui, comme elle, ou bien fassent connaître cette humble fleur sauvage si noble. Si cette femme aimait ces fleurs, pourquoi habite-t-elle cette ville où des forêts de gratte-ciel asphyxient l'horizon ? Fut-il un temps où elle n'aurait plus supporter la campagne isolée, archaïque, rustique, rustre où elle aurait grandi et où les saisons passaient sans que rien n'arrive ? Fut-il un temps où elle rêvait de néons, de gratte-ciel, de bars, de cinéma, de célébrité, de la nuit qui serait comme le jour, palpitant, excitant, enivrant, déroutant ?

Sans la voir ni la connaître, il déduit de sa longue robe noire que sa jeunesse est derrière elle.
Alors, subitement, il l'imagine, mal assurée, au milieu de la cohue des trottoirs, du tohu-bohu de la chaussée. Il la préfère là, assise dans le silence monacal de sa cellule où elle peut à loisir s'abstraire de la fureur de la cité. S'est-elle retirée du monde des vivants pour faire son deuil ? Qui a-t-elle perdu pour veiller ainsi dans cette robe de tristesse presque noire, une robe qui déteint sur les couleurs du tableau, et en a terni le jaune des stores, le rouge sanguin de la nappe jusqu'au bleu du ciel ? Un époux, un enfant, un parent ? Cette femme statufiée dans cette inclinaison lasse lui apparaît soudain repliée sur son chagrin, recroquevillée sur son passé, sans avenir. Il lit dans ses pensées les tourments de son cœur, les introspections voire remises en question qui assaillent son esprit. Il devine une sinistre destinée qui résonne comme un écho à la sienne. « Peut mieux faire. ». Cette étiquette scolaire indélébile l'aurait-elle ostracisée de la voie de la réussite, comme lui-même s'explique ses échecs ? Au crépuscule de sa vie, peut-être en rembobine-t-elle le film. Dans une fulgurante vision, il entrevoit le mirage de la capitale, la femme qui se heurte aux portes des studios de cinéma, mendiant un rôle de figuration auprès de réalisateurs plus attentif à sa silhouette qu'à son jeu d'actrice.

Si seulement…

Mais non, il n'y a qu'une femme à la fenêtre lovée dans cette pièce ensoleillée, une femme en train de lire peut-être ou de se reposer. De dormir, de rêver ? Moins encore. Il n'y a qu'une humeur noire assombrissant un tableau, une absence de visage comme un miroir où son âme se serait réfléchie.



Ma contribution à l'atelier sur le mythe
Le faisan

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vendredi 26 avril 2024

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