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Noémie N.
22 avril 2024
Textes d'ateliers

Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

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Commencer par la fin, livres et films

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A propos du livre d'Emmanuel Berl, j'ai évoqué les romans qui révèlent d'emblée la fin de l'histoire qu'ils racontent. A priori, cette façon de griller dés le début sa meilleure cartouche peut sembler délicate, elle est en fait riche de possibilités et les effets produits peuvent être très différents selon la façon dont ce coup de feu initial est tiré.

A minima, donner, dès le début, des pistes sur ce qui se passera à la fin du texte attise la curiosité du lecteur et relie ce début avec cette fin.  Exposés de façon ambigus, énigmatiques, ces indices donnent une unité au texte selon un procédé bien connu des auteurs de Nouvelles.

Si elles sont précises, ces révélations ont une fonction d'annonce et fournissent une sorte de cohérence au récit. La curiosité du lecteur se déplace : ce n'est plus le désir de connaître la fin qui fait tourner les pages, mais celui de comprendre les rouages d'une intrigue qui mène à cette fin annoncée. La question devient : comment tout cela a-t-il pu arriver ? 

Quand elles sont massives, dramatiques, les révélations initiales font peser sur le récit une sorte de poids, et celui-ci  s'épaissit,  il devient l'accomplissent d'une prédestination, la plongée dans un destin.

Voici quelques exemples d'incipit, vous pourrez noter à leur lecture qu'ils ne fournissent pas tous le mêmes type d'informations et que celles-ci peuvent être exposées de façons très diverses.

         -    Ainsi dans mon roman Sève d'automne, la révélation initiale, non explicite, ne prend son sens qu'une fois la lecture du roman achevée : vous pouvez en  lire ici l'incipit.

         -   Dans le  Roméo et Juliette ( William Shakespeare 1564-1616 ), l'explication initiale est assez globale, mais le caractère inexorable du drame est posé.

"Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens."

         -  Dans Manon Lescaut (l'abbé Prévost 1731), la fin ( la déportation de Manon ), annoncée dès le début, teinte d'un ton de fatalité les scènes amoureuses qui vont suivre :

"Je fus surpris en entrant dans ce bourg, d'y voir tous les habitants en alarme. Ils se précipitaient de leurs maisons pour courir en foule à la porte d'une mauvaise hôtellerie, devant laquelle étaient deux chariots couverts. Les chevaux, qui étaient encore attelés et qui paraissaient fumants de fatigue et de chaleur, marquaient que ces deux voitures ne faisaient qu'arriver. Je m'arrêtai un moment pour m'informer d'où venait le tumulte ; mais je tirai peu d'éclaircissement d'une populace curieuse, qui ne faisait nulle attention à mes demandes, et qui s'avançait toujours vers l'hôtellerie, en se poussant avec beaucoup de confusion. Enfin, un archer revêtu d'une bandoulière, et le mousquet sur l'épaule, ayant paru à la porte, je lui fis signe de la main de venir à moi. Je le priai de m'apprendre le sujet de ce désordre. Ce n'est rien, monsieur, me dit-il ; c'est une douzaine de filles de joie que je conduis, avec mes compagnons, jusqu'au Havre-de-Grâce, où nous les ferons embarquer pour l'Amérique."

          -  Le début de Thérèse Desqueyroux de François Mauriac (1927)  a quelque chose d'allusif et de précis à la fois, des sous-entendus créent une atmosphère qui sera celle du livre tout entier.

"L'avocat ouvrit une porte. Thérèse Desqueyroux, dans ce couloir dérobé du palais de justice, sentit sur sa face la brume et, profondément, l'aspira. Elle avait peur d'être attendue, hésitait à sortir. Un homme, dont le col était relevé, se détacha d'un platane, elle reconnut son père.
L'avocat cria __ << Non-lieu >> et, se retournant vers Thérèse : __ << Vous pouvez sortir, il n'y a personne. >>
Elle descendit des marches mouillées. Oui, la petite place semblait déserte. Son père ne l'embrassa pas, ne lui donna pas même un regard ; il interrogeait l'avocat Duros qui répondait à mi-voix, comme s'ils eussent été épiés. Elle entendait confusément leurs propos :

__ << Je recevrai demain l'avis officiel du non-lieu.
__ Il ne peut plus y avoir de surprise ?
__ Non : les carottes sont cuites, comme on dit.
__ Après la déposition de mon gendre, c'était couru.
__ Couru... couru... On ne sait jamais.
__ Du moment que, de son propre aveu il ne comptait jamais les gouttes...
__ Vous savez, Larroque, dans ces sortes d'affaires, le témoignage de la victime... >>
La voix de Thérèse s'éleva : __ Il n'y a pas eu de victime.
__ J'ai voulu dire : victime de son imprudence, madame. >>"

     -     En lisant le prologue de l'Antigone de Jean Anouilh (1944), pas de doute, l'issue fatale est clairement expliquée dans toute sa dimension tragique.

"Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout-à-l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aime vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir."

        -    Double prolepse  - le titre et le début - pour  "Chronique d'une mort annoncée", une  nouvelle de Gabriel Garcia Marquez dont voici l'incipit cinglant :

Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s'était levé à cinq heures et demie du matin pour attendre le bateau sur lequel l'évêque arrivait."

        -   Voici l'incipit célébrissime de Cent ans de Solitude, du même Gabriel Garcia Marquez (1967) autour duquel nous avions échangé lors d'un café littéraire en 2019 .

"Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace."


       -   Le début de Ravel de Jean Echenoz qui raconte de façon romancée les dix dernières années de la vie du compositeur (2006) est  laconique et terriblement efficace  !

"Il part en direction de la gare maritime du Havre afin de se rendre en Amérique du Nord. C'est la première fois qu'il y va, ce sera la dernière. Il lui reste aujourd'hui, pile, dix ans à vivre."


       -    Voici le début de Chanson douce de Leïla Slimani ( prix Goncourt 2016 ) :

Tout à fait différent des précédents, cet incipit  raconte  -  au sens de : "fait le récit détaillé" -  la découverte de cadavres d'enfants ; cette description de la scène de crime vers laquelle tendra le récit, est marquée par le désir de créer l'émotion, elle s'étale sur sa dimension morbide. Avec un style quasi journalistique ( l'histoire s'inspire d'un fait divers réel : une histoire d'infanticide aux Etats -Unis )  ce début efficace joue sur l'aspect "sensationnel"  d'un tel meurtre. Son aspect choquant attise la curiosité du lecteur : Comment est-ce possible ? Que s'est-il donc passé ? 

"Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu'il n'avait pas souffert. On l'a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s'est battue comme un fauve. On a retrouvé des traces de lutte, des morceaux de peau sous ses ongles mous. Dans l'ambulance qui la transportait à l'hôpital, elle était agitée, secouée de convulsions. Les yeux exorbités, elle semblait chercher de l'air. Sa gorge s'était emplie de sang. Ses poumons étaient perforés et sa tête avait violemment heurté la commode bleue.

On a photographié la scène de crime. La police a relevé des empreintes et mesuré la superficie de la salle de bains et de la chambre d'enfants. Au sol, le tapis de princesse était imbibé de sang. La table à langer était à moitié renversée. Les jouets ont été emportés dans des sacs transparents et mis sous scellés. Même la commode bleue servira au procès. La mère était en état de choc. C'est ce qu'ont dit les pompiers, ce qu'ont répété les policiers, ce qu'ont écrit les journalistes. En entrant dans la chambre où gisaient ses enfants, elle a poussé un cri, un cri des profondeurs, un hurlement de louve. Les murs en ont tremblé. La nuit s'est abattue sur cette journée de mai. Elle a vomi et la police l'a découverte ainsi, ses vêtements souillés, accroupie dans la chambre, hoquetant comme une forcenée. Elle a hurlé à s'en déchirer les poumons. L'ambulancier a fait un signe discret de la tête, ils l'ont relevée, malgré sa résistance, ses coups de pied. Ils l'ont soulevée lentement et la jeune interne du SAMU lui a administré un calmant. C'était son premier mois de stage.

L'autre aussi, il a fallu la sauver. Avec autant de professionnalisme, avec objectivité. Elle n'a pas su mourir. La mort, elle n'a su que la donner. Elle s'est sectionné les deux poignets et s'est planté le couteau dans la gorge. Elle a perdu connaissance, au pied du lit à barreaux. Ils l'ont redressée, ils ont pris son pouls et sa tension. Ils l'ont installée sur le brancard et la jeune stagiaire a tenu sa main appuyée sur son cou."


Voici quelques titres de films dont le début rejoint la fin avec, là aussi, de grandes différences dans la mise en place du procédé. :

Apocalypse Now, Citizen Kane, L'Étrange Histoire de Benjamin Button, Il était une fois en Amérique, Gandhi, Stoker,  Inception, Intouchables, Pulp Fiction, Le Patient anglais...

"Un livre ne commence ni ne finit. Tout au plus fait-il semblant . », prétendait pourtant Mallarmé... 

 Affirmation surprenante, éminemment poétique ! Qu'en pensez-vous ?

Jeu
Gnossienne No. 1

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" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

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"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

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