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Noémie N.
22 avril 2024
Textes d'ateliers

Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

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Jeu

Joker-Card-Wallpapers-Wallpaper-Cave Stage Nouvelle

Adeline sortit le jeu de cartes de son sac à mains.

 - Bon, les filles, assez bavardé, on a refait le monde, maintenant, place au jeu.

Noémie s'installa de l'autre côté de la table ronde, pour faire front, un face à face qui aurait pu virer au duel si lily elle-même n'était venue compléter le trio. Noémie et Adeline se taquinaient, elles vantaient l'une et l'autre leurs expériences et stratégies personnelles au rami, ça grinçait un peu, gentiment. L'une cherchait à convaincre l'autre du moment opportun pour sortir son joker et déstabiliser l'adversaire.

La maitresse du jeu commença à battre les cartes avec dextérité, elle jonglait avec les couleurs, coupant et recoupant les cartes pour que les dames, rois et as soient dispersés équitablement.

La jeune femme divisa ensuite les 52 cartes en 3 paquets.

-  Bon, on n'est que 3, il faudra un peu adapter le jeu, je vous explique les règles.

- Pas de triche, retorqua Noémie avec un sourire taquin, je te surveille !

D'un geste ample, Adeline distribuait les cartes qui atterrissaient sur la table de façon aléatoire.

Lily rassembla le tas qui lui était réservé. Sa main tremblante voulut ouvrir le jeu en éventail mais une carte s'en échappa et glissa. En la ramassant, son regard croisa les pieds de la 4eme chaise, celle qui était inutile, celle qui était de trop aujourd'hui, elle ne savait que faire de cette 4eme chaise, elle hésita à se lever pour la déplacer mais une étrange sensation la figea sur place, aucune énergie pour la bouger.

Lorsque lily s'était installée dans sa petite maison en périphérie, elle avait hérité de la salle à manger familiale.Ces chaises de son enfance, Lily les avait intégrées dans son intérieur avec une joie intime. Elle aimait s'asseoir sur les coussins de velours pour lire ou regarder les hortensias bleutés de son jardin, elle aimait caresser les accoudoirs qui s'enroulaient en volutes, elle était intriguée par les pieds de la chaise, un peu lourds mais sculptés en forme de pattes de félin.

Pourtant, aujourd'hui, la chaise n'était plus qu'un siège vide, abandonné, déserté.

Les fantômes du passé avaient rompu la bulle, franchi la ligne de démarcation et venaient à nouveau heurter la mémoire de la jeune femme.

Elle se revoyait, petite blondinette de 10 ans, dévisager sa mère, ne comprenant pas pourquoi cette chaise restait vide, ou plutôt, elle craignait de comprendre, « nous ne serons donc que 3 autour de la table aujourd'hui, mais seulement aujourd'hui » se rassurait-elle.

Le regard de l'enfant restait  arrimé à cette chaise, elle cherchait les empreintes de doigts sur les accoudoirs en acajou et aurait aimé s'asseoir sur les coussins vert olive pour retrouver la chaleur et la présence du 4eme joueur, celui qui expliquait les règles, clarifiait le jeu, apaisait.


- Les filles, j'ai un jeu d'enfer, hurla Noémie. Je vais cartonner, et elle posa sur la table un brelan de cœur.

- Attends seulement, tu vas voir… et Adeline jeta sur la nappe 4 valets, un carré, elle rit de bon cœur, du rire de celle qui allait remporter la partie. 

- A toi, Lily, il va falloir jouer serré, j'espère que tu peux renchérir.

Lily ouvrit son jeu avec nonchalance, sans conviction, le tenant d'une main moite, elle qui avait tellement aimé jouer.

Fillette, elle prenait un malin plaisir à déplacer sa tour sur le plateau du jeu d'échecs pour prendre l'adversaire à revers, elle était alors gratifiée d'un tendre baiser sur la joue.

Mais ce soir, les cartes dansaient sous ses yeux, le valet et le roi de pique la regardaient d'un air narquois, ils lui faisaient la nique en inversant la couronne royale et le chapeau d'écuyer, les rouges vermillon flottaient devant ses yeux. La dame de cœur l'observait d'un air froid et condescendant.

La genou de lily s'affola, comme un pendule fou. Son cœur allait craquer sous sa légère robe d'été, elle se retrancha derrière le paravent de ses cartes.

Adeline, son amie la fixait d'un regard interrogateur. 

- Lily, regarde ton jeu, tu as certainement un brelan, une suite… Prends ton temps, c'est un jeu facile, concentre-toi.

Mais La gigue des cartes continuait de danser, les formes et les couleurs faisaient la ronde sous ses yeux. Les nombres s'inversaient, les 6 et 9 la brouillaient, elle ne comprenait plus. Contrariée, d'un geste brusque elle renversa le fond de son verre de Bordeaux. Impuissante, elle suivit la tache couleur de sang s'imprégner doucement dans la nappe en coton pastel.

Une main maternelle un peu trop agitée, maladroite battait les cartes comme elle le pouvait, le whisky se répandit sur la table. La petite se chargea d'éponger l'alcool avant qu'il ne s'infiltre dans les rides du vénérable chêne. Le comptage des plis laisserait peut-être à désirer.

Théo, le petit frère, s'agitait sur sa chaise, impatient de jouer pour imposer à sa sœur ainée une combinaison imparable au rami.

La blondinette se rassit et interrogea sa mère d'un regard inquiet, les yeux maternels lui intimèrent le silence absolu. Ne rien dire, ne pas parler, ne rien demander, protéger le petit Théo. Avant tout.

Noémie se leva pour reprendre un peu de tarte aux pommes. Adeline ouvrit la fenêtre, une bouffée d'air frais pour détendre l'atmosphère. Dans la rue, On entendait les chats du quartier miauler, la période des amours, le fête aux boules de poils, les matous s'égosillaient pour séduire la belle….

Les copines attendaient, silencieuses, un peu gênées.

Tu joues, lily, j'attends, supplia sa mère mais l'enfant ne réagit pas ; elle était aux aguets, ailleurs, orientée du bon côté du salon elle guettait de loin les allers et venues dans le hall d'entrée, elle écoutait les pas déterminés descendre l'escalier, elle aurait voulu aller voir, savoir. Peut-être dire au revoir. Elle entrevit une longue silhouette dans l'embrasure de la porte, celle-ci traversait le sombre couloir pour se diriger avec une grande valise vers l'entrée, en l'occurrence vers la sortie.

Le profil était reconnaissable entre mille même si un grand chapeau de cuir avait aspiré son visage.

La fillette avait adoré ce chapeau, en cachette, elle avait souvent caressé le cuir comme pour l'apprivoiser puis se pavanait devant le grand miroir de la garde-robe de ses parents.Elle avait adoré se dandiner, les mains sur les hanches passant et repassant devant le miroir, en esquissant quelques pas de danse, le panache de séduction sur la tête.

Un coup sec, le battant de l'entrée s'était refermé.De derrière Les persiennes du salon, Lily suivit l'ombre au chapeau s'effacer lentement en traversant la rue.

Le téléphone d'Adeline vibra et éclaira le salon plongé dans une demi- obscurité, une lumière entre chien et loup caressait les murs couleur crème du salon.

   - Bonne nouvelle, se réjouit la jeune femme, nous allons avoir de la visite, un souffle nouveau pour relancer le jeu

  -  Il ou elle ? demanda Noémie, toujours en quête de phéromones...

  -  Les filles, voici mon cousin, Loïc !

    - Je sors d'une réunion de travail, la circulation était fluide et je me suis arrêté chez le premier fleuriste sur ma route. Je ne voudrais pas passer pour un malotru.

Les joues de lily s'empourprèrent …

Adeline désigna à son cousin la quatrième chaise. Un quatuor pour jouer une nouvelle partition.

Le jeune homme prit place sur la chaise familiale, il posa ses coudes sur les accoudoirs en acajou, s'installa confortablement sur les coussins dont la couleur vert olive s'était adoucie, Le dos appuyé sur dossier, il avait trouvé ses marques.

Les cartes reprirent leur ballet, glissaient sur la table, s'étalaient, rebondissaient, venaient, repartaient…

La main du nouveau venu était rapide et efficace, l'acuité de son regard en faisait un joueur averti. Son humour délicat esquivait les répliques ironiques d'Adeline et les avances déplacées de Noémie.

Lily soupira profondément, les fantômes reprirent leur baluchon et s'évanouirent dans le miroir de l'enfance. Un discret sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille, sous la table, son genou s'était apaisé… 

Samedi 29 octobre atelier et concert-lecture
Commencer par la fin, livres et films

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Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le mardi 4 octobre 2022 18:48

Un texte écrit pendant le stage sur la nouvelle à Nîmes cet été. Au travers d'un dispositif original, celui du jeu de cartes, s'opère de façon convaincante la superposition du passé et du présent. Un texte qui entre parfaitement dans le genre de la Nouvelle, pas vraiment de "Chute", un récit rondement mené et une écriture concentrée sur deux scènes qui s'imbriquent et nous permettent de partager les émotions de la narratrice.

Un texte écrit pendant le stage sur la nouvelle à Nîmes cet été. Au travers d'un dispositif original, celui du jeu de cartes, s'opère de façon convaincante la superposition du passé et du présent. Un texte qui entre parfaitement dans le genre de la Nouvelle, pas vraiment de "Chute", un récit rondement mené et une écriture concentrée sur deux scènes qui s'imbriquent et nous permettent de partager les émotions de la narratrice.
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