Ateliers d'écriture et... ateliers d'écriture
Même si tous suivent un processus semblable (exposé de la proposition, temps d’écriture individuelle, lecture des textes puis temps de retour sur chacun des textes par l'animateur ou collectivement ), il y a autant d'ateliers d'écriture que d'animateurs.
Mon approche, bienveillante et exigeante, me permet de proposer des ateliers évolutifs que j'adapte en fonction des groupes. Quel que soit le rapport à l'écriture des participants, plaisir de se découvrir et plaisir d'affiner sa sensibilité littéraire sont toujours au programme !
«L'inspiration est toujours délirante, dionysiaque pour reprendre l'expression de Nietzsche. Elle a besoin de la conscience ordonnée, musicale, apollinienne. C'est un équilibre. »Henry Bauchau
Travail préparatoire
Chaque animateur possède sa façon particulière de mettre en place ses ateliers, voici la mienne.
Mon travail préparatoire s'appuie sur la prise de notes lors de mes lectures (poésie, romans, nouvelles): ce que je trouve réussi, original, inspirant ou même raté, me fournit des idées de thèmes d'ateliers et des exemples.
Je puise également dans mes recherches personnelles sur l'écriture et ma pratique quotidienne d'écrivain.
Je suis toujours en recherche et développe une réflexion globale sur l'écriture qui s'appuie sur de nombreuses lectures théoriques : critique littéraire, philosophie, histoire de l'art, psychanalyse, anthropologie, linguistique, fonctionnement de l'imaginaire à l'œuvre dans la fiction...
Je me nourris également des écrits d'écrivains évoquant leur travail.
Propositions
Parmi ces multiples possibilités, je sélectionne mes propostions en fonction du type de l'atelier et de son public.
Une fois le thème choisi, je me documente et je mets en perspective les différents éléments.
La proposition est ensuite formulée avec soin pour la rendre explicite et stimulante.
Je veille à ce qu'elle garde sa dimension d'expérimentation vivante d'un thème, d'une forme, d'une interrogation qui a été choisie en fonction du groupe et de son évolution.
Parfois, elle explore ce que j'appelle les stratégies d'écriture: ce qui met l'écriture en mouvement, ce qui fait de l'écriture un projet. Qu'est-ce qui se passe lorsque l'écriture survient: inspiration, émotion, état mental particulier ?
J'invite à écrire à partir d'images mentales, de mots, de phrases, d'incipit, de recherches lexicales, d'expérience sensitive, de situations concrètes... ou encore à suivre la voix intérieure, la pensée semi-consciente qui nous habite en permanence.
L'exploration peut se prolonger sur plusieurs séances quand le thème le mérite.
L'atelier offre tant de possibilités ! Il s'agit de se hasarder sur des chemins différents, de se perdre un peu pour mieux identifier le sien.
Atelier et littérature
La présence de textes d’écrivains classiques ou contemporains est essentielle dans la proposition, non pour les imiter, mais pour être, grâce à eux, porté ailleurs, un peu plus loin.
Les thèmes, les inventions de la littérature passée ou actuelle sont toujours présents dans notre écriture. Nous écrivons avec ce que nous avons lu et la littérature est une longue histoire faite de réponses toujours renouvelées à des questions qui restent en grande partie les nôtres.
L'atelier fait de cette immersion dans les textes qui nous précédent ou nous entourent une aventure ludique et fructueuse.
La connaissance de formes que d'autres ont expérimentées, de leurs enjeux et de leurs quêtes, contribue, d'une façon paradoxale mais incontestable, à nous mettre sur la voie d'une écriture authentiquement nôtre.
Apprendre à écrire ?
Si écrire ne s'apprend pas, si la création reste de l'ordre du mystère, mon expérience des ateliers m'a convaincue qu'il est possible d'enrichir sa palette, d'affûter ses outils et de séparer dans son écriture ce qui n'est que réflexe ou, au contraire, élément d'un style authentiquement personnel.
J'estime une proposition réussie quand elle parvient à être un vecteur qui permet de se surprendre, de se décaler, se dérouter, quand elle se fait aventure à la rencontre de sa propre écriture.
Apprivoiser des outils littéraires
Écrire peut être fulgurant, mais c'est aussi un art, un artisanat des mots et du langage : il lui faut des outils !
"Un dur métier de charpentier", c'est ainsi que Gabriel Garcia Marquez définit son travail d'écriture...
Mes propositions explorent les notions "classiques" de la littérature : figures de styles, genres littéraires, éléments du récit, personnages, descriptions, dialogues, la question des temps dans le récit, la construction de l'espace, le point de vue... Qui prétendrait peindre sans connaître les couleurs, la perspective, quitte, bien sûr, à s'en libérer par la suite ?
Mes ateliers se fondent sur le plaisir de l'écriture spontanée auquel s'ajoute celui de la maîtrise : une exigence de rigueur au service de la liberté.
Mes propositions s'inspirent aussi des questions posées par la littérature contemporaine : la place du narrateur, la primauté donnée à l'utilisation du regard, des sensations, du corps, la pratique d'un style épuré, ou pas, l'approche poétique du texte, le fragment, le non-dit, les libertés prises par rapport à l'usage de la langue, la présence ou l'absence de ponctuation, l'oralité, le monologue intérieur...
Toutes ces question sont abordées de façon à entrer dans le "texte court" : format spécifique à l'atelier.
Je propose également de pratiquer divers types de construction du texte, de mise en espace, de mise en scène de l'écriture.
J'aime aussi m'aventurer au cœur de l'écriture avec l'exploration du rythme, des sonorités, de la cohérence, la musicalité et les multiples éléments qui caractérisent un style.
Travail sur la langue
La pensée contemporaine nous a appris que notre rapport à la langue est complexe, nous baignons dans la langue avant d’écrire, elle nous façonne autant qu'elle nous permet de nous exprimer.
Creuser notre rapport à la langue, est l'un des axes de l'atelier. Il s'agit, au travers de la diversité des propositions d'écriture, de prendre conscience des immenses ressources que la langue met à notre disposition et de se les approprier : articulation, syntaxe, musicalité, vocabulaire... deviennent autant de variables, de leviers à disposition.
Ne parle-t-on pas de la "langue littéraire" et le style n'est-il pas une forme de langue personnelle, une "langue étrangère", selon la belle expression de Proust ?
Les possibilités de propositions sont infinies comme autant de variations, de manières de sonder cette question essentielle : comment les mots peuvent-ils dire l'espace, les sens, le temps, les sensations, le monde, nous, les autres ?
Déroulement d'une séance d'atelier
Chaque étape de l'atelier est importante.
- La présentation de la proposition d'écriture se fait oralement avec soin, elle est à l'écoute des questions qu'elle suscite.
Un document la replace dans son contexte culturel avec des illustrations, des reproductions de tableaux et des textes d'auteurs qui l'éclairent.
- Puis vient le moment de l'écriture.
" De toutes mes incertitudes, la moindre est celle que m'a donnée l'expérience poétique, c'est la pensée qu'il y a de l'inconnu, de l'insaississable, à la source, au foyer même de notre être." Philippe Jaccottet
Ce qui s'écrit n'est jamais prévisible, la proposition est un tremplin pour l'invention, je conçois donc l'atelier comme un écrin pour ce moment d'aventure et de création.
Le temps d'écriture est adapté à la proposition. Parfois, il peut y avoir plusieurs moments d'écriture pour que l'atelier puisse totalement prendre son sens d'expérimentation.
- Enfin le moment de lecture, moment intimidant d'exposition de soi, facilité par des conseils sur l'utilisation du souffle et de la voix, notamment lors des stages.
C'est le temps du groupe, du partage, d'une curiosité positive et bienveillante. Une sensibilité aux enjeux de la proposition, aux questions posées par l'écriture s'y développe.
La richesse des textes produits est toujours extrêmement formatrice pour les participants de l'atelier, comme pour moi.
Importance des retours sur chaque texte écrit pendant l'atelier
C'est, après l'élaboration de la proposition, le centre de mon travail et de sa spécificité.
J'accorde beaucoup d'attention et de temps aux retours. Au-delà de l'exigence naturelle de bienveillance, il s'agit de donner à chacun des éléments précis, permettre à celui qui a écrit de prendre du recul par rapport à son texte, lui donner des pistes concrètes pour le faire entrer dans la proposition, remarquer les pistes non abouties, les possibilités de développement ou les redites. Je m'imprégne de chaque texte, j'essaie de me mettre dans sa perspective pour en saisir les forces et les faiblesses, non dans un esprit de jugement, mais dans une dynamique de progrès. Je cherche à l'amener au bout de ce qu'il contient sans le trahir.
Animer, accompagner
Je suis animatrice, je propose puis je fais en sorte que l'atelier se déroule le mieux possible, mais je suis aussi accompagnatrice, j'accompagne chaque participant, que ce soit pour un atelier, un stage ou plusieurs années afin qu'il acquière une meilleure autonomie par rapport à son écriture. Autonomie, voilà le fin mot de l'atelier qui devient ainsi un tremplin pour accéder à une plus grande liberté dans son rapport à l'écriture.
Pour synthétiser cette page sur mes ateliers, je dirais que mon rôle consiste d'abord à susciter l'écriture, à l'accompagner dans des zones nouvelles puis à laisser l'imagination et l'écriture agir seules avant de proposer des pistes de réécriture et des outils précis, mais jamais normatifs ou standardisés.
Si j'aime beaucoup le travail d'élaboration de la proposition qui tient à la fois de la réflexion et de la création, ce que je préfère dans l'atelier, c'est la magie de la production de textes. Les lectures de textes et leur diversité inouïe, sont, à chaque fois, la plus belle récompense que je puisse recevoir pour mon travail.
Sylvie Reymond Bagur