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Noémie N.
22 avril 2024
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Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon

1.

    Nous avons appris avec stupeur et consternation le décès de mademoiselle Victorine L qui est survenu dans la nuit du mardi 10 novembre aux alentours de 6 heures du matin. Mademoiselle L était une jeune personne bien connue et très appréciée de nos concitoyens. Elle exerçait en effet depuis plusieurs années le métier de secrétaire à l'institution catholique Notre Dame du Bon Secours où sa gentillesse et sa générosité faisaient l'admiration de tous.

Le corps sans vie de cette malheureuse a été découvert par le jardinier en charge de l'entretien du jardin public de notre commune alors qu'il s'apprêtait à commencer son travail. Celui-ci a déclaré aux policiers avoir d'abord été attiré par une écharpe de couleurs vives accrochée à une branche basse et s'être approché avec l'intention de l'enlever. C'est ainsi qu'il a découvert selon lui le plushorrible spectacle de sa vie, le corps complètement disloqué et baignant dans une mare de sang de la pauvre Victorine, à quelques mètre seulement de l'escarpolette sur laquelle viennent chaque jour s'amuser nos enfants.

Le commissaire chargé de l'enquête que nous avons cherché à joindre n'a voulu faire aucune déclaration mais nous avons appris de source sûre qu'un hurlement de femme a été entendu un peu avant l'aube par plusieurs voisins du jardin où s'est déroulé le drame. Aucune arme n'a été retrouvée, aucun témoin n'était présent à cette heure matinale. Un élément troublant nous a cependant été rapporté par le jardinier que nous avons interrogé hier dans l'après-midi : les gants de la victime comportaient des fibres de corde, identiques à celles qui soutiennent l'escarpolette, ce qui pourrait laisser penser que mademoiselle L était montée sur celle-ci avant sa mort. Alors crime ou accident ? L'enquête s'avère particulièrement difficile et nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la suite de cette tragédie.

En attendant tous nos concitoyens pleurent aujourd'hui la fin atroce de cette douce jeune femme et nous nous associons à leur peine.

2.

Je regarde sans le voir le trajet incertain d'une sorte de cafard qui marche sur le mur. Va-t-il franchir les barreaux de la fenêtre, ces barreaux rouillés auxquels des mains sales et désespérées se sont accrochées tant de fois ? Disparaître à mes yeux et profiter de sa liberté ? Il vient me voir de temps à autre et cela interromptle cours de mes pensées. J'attends mon départ pour Marseille. J'ai été condamné au bagne.

Je me détourne, au fond maintenant les hommes ou les bêtes ne m'intéressent plus. Je repasse encore et encore dans ma tête les circonstances qui m'ont amené ici, et je revois aussi des moments de mon procès, le visage sévère et satisfait des jurés, j'entends la voix du premier magistrat énonçant la sentence ( la mienne sans doute…), et le chuchotement angoissé de mon avocat s'agrippant à ma manche : « courage...c'est incompréhensible… ! »

Oui, moi je vois bien qu'ils n'ont rien compris… ! Rien compris à ce qu'ils ont qualifié de meurtre !

J'aimais Victorine de tout mon coeur, de toute mon âme, et j'étais même en adoration devant elle. Je l'adorais même si ma vie entre ses mains semblait perdre des forces chaque jour un peu plus. Victorine était capable de me détruire et de me reconstruire, en fonction de ses envies, ses besoins, ses humeurs, ses caprices. J'étais subjugué par les tempêtes qu'elle pouvait déchaîner, ses sentiments impétueux et changeants qui faisaient de moi certains jours le plus heureux des hommes et le jour suivant un débris sur lequel elle posait ses pieds.

Ce matin-là, et après une nuit où elle avait été particulièrement dure, elle m'avait finalement accordé le bonheur de pouvoir l'accompagner quelques pas. Mais elle était morose et marchait devant moi sans parler. En passant devant le jardin public, elle aperçut l'escarpolette et manifesta le désir de s'y balancer un peu. Je refusai. Elle se mit à bouder et je lui pris la main pour la conduire là où elle le désirait. Elle s'assit coquettement sur la planche de bois et je commençai à la pousser, doucement, puis à sa demande, un peu plus vite, un peu plus fort...à chacun de ses retours vers moi, je m'enivrais du parfum répandu par ses longs cheveux. Elle était silencieuse et elle ne riait pas. Seul le grincement des cordes sur les anneaux rouillés troublait le silence…

J'en avais assez, je voulus arrêter. Elle refusa. Je me sentais fatigué qu'elle parte et qu'elle revienne, je réalisais à quel point j'étais misérable de lui obéir sans cesse, moi l'homme d'honneur, le soldat intrépide et hardi, qui ne craignait même pas de mourir. J'étais envahi par un sentiment de dégoût.

Et quand elle m'a demandé d'arrêter, je ne l'ai pas écoutée, et j'ai poussé avec toutes les forces dont j'étais capable. Elle a hurlé et son cri a retenti au plus profond de moi. A son retour, vers moi, elle m'a regardé et j'ai reconnu ce regard. C'est celui que je vois sur les champs de bataille, celui de l'ennemi dans l'instant qui précède celui où je lui enfonce ma baïonnette dans le corps. Alors la paix s'est installée en moi…

Je n'ai pas voulu la tuer. J'ai juste voulu jouer encore une fois. Alors je l'ai poussée très fort et repoussée encore. Et soudain elle s'est...envolée, elle a lâché les cordes. Je n'ai pas vu où elle était tombée, je ne l'ai pascherchée, j'ai juste attendu que les grincements cessent et que le silence revienne. Et je me suis enfui.

On me punit pour ce qu'ils appellent un crime, moi je me suis rendu libre. Mon avocat est venu hier. Il était malheureux : « Vous comprenez, on est en pleine affaire Dreyfus, les français se déchirent, les jurés ont voulu faire un exemple… ! »

Je m'en fous de Dreyfus, à chacun ses problèmes !

Moi, j'embarque demain pour Cayenne. J'y resterai pendant vingt ans.

3.

    Je suis une escarpolette, une vieille escarpolette, installée dans ce jardin depuis des dizaines d'années. J'en ai vu des enfants, des petits soutenus par leur mère, et aussi des plus grands et même des jeunes filles à une époque où ces demoiselles venaient s'étourdir et montrer leurs jupons. Maintenant elles m'ont délaissée pour d'autres amusements...Ahhh ! j'ai du mal à m'étirer ce matin de novembre, il a fait froid cette nuit et l'humidité m'a toute saisie. Ma planche de bois est mouillée. Il n'y aura pas d'enfants aujourd'hui, il n'y aura aucun rire non plus…

En parlant de jeune fille, je me souviens de cette pauvre enfant qui a trouvé la mort en venant s'amuser avec moi. C'était à la fin du siècle dernier. Et c'était un matin de novembre, tout comme aujourd'hui. J'étais encore assoupie et j'ai soudain senti une délicieuse odeur de gardénias, deux jolies mains gantées de blanc ont vigoureusement saisi mes corde et je me suis retrouvée avec un nuage de jupons et de tissus soyeuxau-dessus de moi. Sensation tout à fait délicieuse, j'étais complètement réveillée, flattée aussi d'avoir été choisie.

Elle était accompagnée d'un tout jeune homme à fine moustache, fantassin si je me rappelle bien de l'uniforme qu'il portait. Ces deux-là ne se parlaient pas. Simple bouderie d'amoureux ai-je pensé. L'amusement que je vais leur procurer va la faire rire et tout sera pardonné ! Il se mit en devoir de la pousser mais elle continua à rester étrangement silencieuse, sauf pour lui demander d'aller plus vite.

Elle semblait absente, presque recueillie, peut-être savait-elle déjà, la pauvre malheureuse, ce qui allait se passer.

Je commençais à éprouver un certain malaise, une lassitude peut-être, surtout liée au fait que le plaisir était absent de cette scène. D'habitude je sens le frémissement des corps , j'entends les rires des enfants et je vois les yeux pétillants de bonheur. Là, rien de tout cela, c'était un geste mécanique et froid, un aller et un retour de plus en plus élevés. Je commençais à avoir le vertige...il faut dire que je n'ai pas l'habitude d'être poussée avec tant de force, d'aller aussi haut dans le ciel. Mes anneaux grinçaient de plus en plus en coulissant et toute ma structure tremblait. Il demanda qu'on arrête, elle exigea qu'il continue. Alors il nous lança, elle et moi avec une puissance que je n'avais jamais connue, une violence qui nous projeta à une hauteur de plusieurs mètres. Elle hurla...Je n'oublierai jamais ce cri, il me réveille parfois encore. Ses doigts s'étaient agrippés à mes cordes, ses ongles s'étaient enfoncés en moi. Il y eut un instant où nous restâmes suspendus, puis nous redescendîmes...je ne pouvais plus m'arrêter, je devenais une matière inerte entre les mains de cet homme et c'était lui qui choisissait la cadence. Il nous poussa encore une fois, la dernière...et, je sentis que la limite était franchie. Au moment où le vertige me prit à nouveau, elle lâcha mes cordes…

Je sais qu'il a été puni, et condamné au bagne. Et il est d'ailleurs mort là-bas au bout de trois ans, à cause d'une mauvaise fièvre, j'ai entendu deux femmes qui en parlaient entre elles. Paix à son âme. Et on a vite oublié cette si dérangeante affaire. Mais moi je sais, je me souviens très bien de ses mains, ses mains à elle qui dans le dernier envol ont desserré leur étreinte.

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