Par Jean-Francois Dietrich le mardi 19 décembre 2023
Catégorie: Textes d'ateliers

Un cœur ardent

Passant devant la vitrine du grand magasin, l'homme aperçut son reflet. Il s'arrêta, se contempla et rajusta le nœud de sa lavallière. Avant toute chose, il convient de porter un costume chic et distingué. L'œil est le premier juge. On ne saurait paraitre courtois et urbain dans un tissu grossier et revêche. Il faut ensuite fréquenter un lieu de civilité où chacun peut être abordable et amène sans pour autant perdre l'essentielle retenue qui sied à toute personne bien élevée. L'homme dirigea ses pas vers le parc.

Ma chère Amandine,
J'ai plaisir à vous écrire pour vous conter la charmante aventure qu'il m'est arrivée ce dimanche. Après la messe, nous sommes allées avec ma cousine nous distraire un peu en allant faire une promenade au Jardin des Plantes, si attrayant en cette saison. Voulant nous asseoir, nous vîmes que les bancs étaient humides et nous étions prêtes à renoncer lorsqu'un homme obligeant vint poser avec prévenance un mouchoir et son propre foulard sur le banc. Devant un geste si délicat, nous ne pûmes que céder au repos. Il est réconfortant de voir des hommes encore si aimables de nos jours.
Amicalement
Odette.


Lui sait qu'il faut ensuite saisir l'occasion de se montrer serviable, attentionné et entamer alors une discussion plaisante, en restant extrêmement poli. On doit être ouvert aux propos mêmes les plus insignifiants de son interlocutrice. Si par contre, vous tombez sur une désobligeante ou une grincheuse, fuyez de suite, inutile de perdre son temps.
Ensuite, il est nécessaire de faire confiance à un hasard mécaniquement construit et retrouver l'objet de votre choix en des circonstances similaires, en feignant la surprise. Être liant, enjoué, avoir un brin d'humour engageant mais jamais détestable. On peut laisser venir le délicieux, le « Chère amie », faire un peu le coquet, avec subtilité. Et ne point laisser échapper la biche.

Ma chère Amandine.
Ce qu'il en est du hasard ! Je vous avais narré ma douce aventure de dimanche de la semaine dernière. Eh bien, figurez-vous, que revenue seule me promener au Jardin des Plantes hier, devant le même banc, j'ai rencontré de nouveau cet homme si gentil et si gracieux qui nous avait fait don de son mouchoir et de son foulard.
C'est un homme tout à fait estimable, il est de plus très coquet et, oserais-je l'avouer, assez beau. Il a une conversation des plus agréables.
Bref, c'est un homme charmant.
Bien amicalement,
Odette


Le vaillant n'est point à court d'arguments. Il dit qu'il serait dommage de laisser au hasard les joies de telles rencontres, d'autant qu'il va être occupé dans les prochains dimanches par ses œuvres charitables, au Couvent des Hospitaliers, où il va aider les religieux dévoués qui se chargent avec bienveillance de quelques braves dans le dénuement. Si ces œuvres le comblent, elles ne sauraient pourtant lui coûter le plaisir de la revoir, disons samedi, dans un salon de pâtisseries ?

Ma chère Amandine,
Ce n'était plus un hasard. Il m'avait donné rendez-vous au salon de thé du boulevard de la République. C'est vraiment un être délicieux. Il a su se montrer sensible et a su écouter mes peines que j'ai osé lui confier. Il les a consolées de mots caressants et doux. Il porte bien son nom, Henri-Désiré ! Voici que me prennent de suaves pensées et je dois l'avouer, je le trouve très séduisant.
Bien amicalement
Votre joyeuse Odette.


Le conquérant aurait-il une hésitation au seuil de la bataille ? Un sentiment fâcheux ? Non, il est Bonaparte à Arcole, Alexandre face à Darius, César empereur. Il doit porter l'exquise estocade.

Ma chère Amandine,
Dois -je l'avouer sans rougir ? J'ai failli. Je ne voulais point mais j'avais peur qu'il ne me sente trop distante voire hostile à ne point céder à tant d'ardeurs enchanteresses. Suis-je une femme perdue ou une femme heureuse ? Ce que je sais, c'est que je suis une femme amoureuse.
Très amicalement
Votre folle Odette.


Henri-Désiré se morigène lui-même. Ah ça ! Être charmant, oui, prince charmant, pourquoi pas mais surtout, ne pas paraitre en mari confortable et paisible. Il ne faut point être commode. Quand vient l'assaut, il faut être fascinant, se montrer amoureux oui, mais passionné et passionnant. Allons tout va bien.

Ma chère Amandine,
Que de bonheur. Quel homme parfait. Il n'a point d'argent mais qu'importe puisque c'est un honnête homme. Et de l'argent, j'en ai pour deux.
Ma chère Amandine, Henri Désiré a demandé ma main ! Quelle joie. Bientôt, on m'appellera Madame Henri-Désiré Landru

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