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Noémie N.
22 avril 2024
Textes d'ateliers

Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

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Orwell et le langage

Le langage contemporain aurait-il quelque chose d'orwellien?

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Polyphonie

Je lui avais répondu, à lui, comme aux trois autres messieurs qui semblaient me correspondre. Une photo très réussie contre quelques mots :" septuagénaire recherche pour très bons moments de vie une jolie relation avec monsieur correspondant, libre dans l'immédiat. Écrire…" Deux semaines et de nombreux échanges plus ou moins longs avec les sélectionnés. Je l'avais tout de suite préféré, et je l'attendais, sans me montrer, face au Bar du Céleste sur la Croisette, quelques instants avant l'heure prévue. Aux trois coups de l'église au Suquet, se présente, un grand monsieur bien alerte, très mince, vêtu de noir, tenant un mignon bouquet de roses-roses. Ses photos n'étaient pas mensongères. Bien décoratif !

Je me devais d'être ponctuelle, j'étais moi, vêtue de décolleté bien suggestif sur un bustier qui "m'offrait", tout de rouge vêtue, sur de hauts talons chantants, histoire de répondre à ma description : fan de couleurs vives, et d'élégance "parisienne" ! Je savais combien les injections Botox, acide hyaluronique et les diverses interventions de chirurgie plastique assumaient leur but : greffes de cheveux touffus, bien blonds, rides envolées, cou aux plis absents, toutes tâches de vieillesse brûlées, avec un superbe résultat, tant sur mon look que dans ma tête où –en conséquence- une certitude flottait, rien ne m'est impossible !!

A cette heure et par cet été très chaud, il était seul sur la banquette tout au fond. Il s'est carrément illuminé en me découvrant ! Mon ressenti gazouillait. En politesse simple, il s'est levé, venu au devant de moi… vous êtes Queeny06, aucun doute, je vous espérais telle que vous êtes… Son regard plongeait dans le mien, il ne lâchait pas ma main pour me faire asseoir au tout confortable du siège. Deux cafés, deux bières plus tard, nous avions abandonné le vouvoiement, nous riions beaucoup, lui avec des notes puériles fort plaisantes. On s'était immédiatement raconté combien on avait hésité avant de s'inscrire sur le site de DISONS DEMAIN, puis, le pas sauté, combien les déceptions s'étaient succédées.

Benoît me plaisait et je savais comment le lui faire savoir… J'étais une dame étonnante que son éducation ancienne mode n'empêchait pas d'avoir des envies écarlates, toujours présentes et qui savait "comment s'y prendre" avec le monsieur qui, logiquement, fait les premiers pas, la démarche… et que, moi, j'adore bousculer, provoquer, pour en arriver… au même but : se retrouver, dénudés, dans l'extase.

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

Bien dissimulé, un peu plus loin, je l'avais repérée depuis le début de l'après-midi où nous allions nous rencontrer. Notre connivence prévoyait que nous devions être "complémentaires" : elle en rouge, tout en rouge et moi en noir, complètement !! Stendhal que nous avions évoqué avait fait son effet. Deux grosses semaines d'échanges bien drus, où j'étais particulièrement content en la constatant diserte, amateur de lecture, d'écriture, bavarde, badine, fort légère, on dit "décomplexée" ; elle écrivait en ancienne secrétaire qu'elle était… vite, et nos allers-retours de langage survolaient le présent. Ces derniers jours, une complicité bien partagée nous avait amené à aborder le sujet généralement peu évoqué : le sexe, surtout à nos âges où dans nos entourages, nous étions vite catégoriés comme des forcenés dégoûtants ! Là, encore, totalement raccords.

J'ai entendu sonner les trois coups à l'église du Suquet… Émergeant des piétons de tous ordres, je me suis montré sans la regarder pour entrer chez Monsieur Céleste avec mon bouquet bien en vue…

Le temps de reprendre mon équilibre… Queeny06 l'écarlate était en face de moi. Totalement identique à sa photo sur le site !! Ses 70 ans n'existaient pas, des rides ? Uniquement à son sourire éclatant ! Des dents d'enfants, un peu chahutées, et un parfum de plaisir vital ! Un joli regard que le maquillage léger mais bien là, révélait bavard… Des lèvres aussi écarlates que la jupette moulante à la fente entre les genoux, bien évocatrice…

J'ai su. Oui, immédiatement, que j'avais devant moi, mon double, mon complément, à ne pas laisser filer. J'ai ri comme jamais depuis bien longtemps. Nous étions des opposés, complémentaires : par exemple, mon hobby, le sport, avec une préférence pour la bicyclette de concours, à grimper le Mont Ventoux, pendant qu'elle, des heures sur son bureau, écrit des nouvelles, de la poésie, des romans… à illustrer, à calligraphier (ses explications m'ont passionné, donné envie…). Ou moi, lors des courses dans mon bateau, en solitaire… Elle, toute mignonnette inscrite dans des écoles de danses de salon, je me la représentais "tangotant" joliment alors que j'affrontais les vagues d'un quelconque océan ! Moi, amoureux fou de Minnie, ma chienne, elle raide dingue de sa chatte, Perlette. Par contre de larges similitudes quant aux voyages, sans préférence pour destinations, cultures… Encore des échanges qui n'en finissaient pas…

Il était tard, elle "devait" rentrer. Je lui ai proposé de la raccompagner… Non, elle avait sa voiture, au parking en face…

Rendez-vous ? Je me suis entendu lui proposer catégoriquement : demain même heure, ici !?

Elle, de répondre, non ! (j'ai eu un frisson de panique)… demain même heure, chez moi

Elle s'est éloignée, le nez recueilli dans l'arôme des roses de mon bouquet.

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-

Ah, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas été témoin de cette scène si convenue : les deux personnages, le premier rendez-vous, les boissons de bonne éducation, cafés malgré les degrés de température, une bière pour lui, un panaché pour elle. L'étonnant, c'était leur âge, un vrai "vieux" et une disparate d'à peine cinquante ans, d'évidence pour la première fois ensemble. Il était trop tôt pour que je sois débordé, ma clientèle est semi nocturne, face au Casino, au Palais des Festivals. Mon chiffre d'affaires se faisait soit avant les dîners et les restaurants voisins qui débordent, soit après, avec whiskies et gin-rummys qui se succèdent.

Ils parlaient doucement mais je devinais l'avancement de leur découverte. Ils étaient attendrissants, complices, s'exclamaient souvent… oh, moi aussi !! ah bon, vous aussi !

Tout a passé vite, on était en fin d'après-midi, ils sont partis, bien élevés, au revoir, à bientôt, il lui tenait le coude pour traverser la Croisette, elle reniflait puérilement le délicieux bouquet de roses offert à leur découverte...

J'y ai pensé, repensé. Plus jamais revus. Normalité bien normale. Une première rencontre est souvent nullissime ou au contraire, bien logique et poursuivie de manière largement plus amicale, intime ! Et le grand bel homme aux cheveux gris cendré, bouclés, avec un rire aussi enfantin me disait que… Il savait y faire, autant qu'elle…

Je ne sais exactement pourquoi mais il me semblait la connaître, elle. D'où ? De quand ? Cette mignonne et très élégante femme… C'est sa démarche ondulante, dansante qui me l'a resituée

: vue plusieurs fois lors des nuits que j'ai passé au club de rencontres, l'Oasis. Pas farouche et provocante… Comme les autres clients, toujours seule à l'arrivée, plus du tout en bout de nuit !!! Alors, une légère, une indépendante, en demande, en recherche, depuis un bon bout de temps…

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Bien qu'ayant épousé, puis divorcé à trois reprises, m'étant bien promis de mourir "libre", j'ai prononcé le traditionnel… veux-tu m'épouser ? Alors que nous avions tous les avantages de nos deux libertés conjuguées ! Un OUI éclatant que nous avons consacré en faisant l'amour toute la matinée… Un autre, bien officiel, elle est devenue mon épouse, ma madame ! Plus de secret l'un pour l'autre, nous ne faisons plus qu'UN. Allez, amour à moi, boom, badaboom, on fête ça ! Trois jours et trois nuits… Le bonheur plaisir nous avait envahi… Je ne me suis rendu compte de rien !...

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Enfin ! Enfin ! Il y a mis un brave moment à prononcer cette demande que j'attendais ! Benoît n'était que tendre amour, éclatant de mots qui traduisaient tout ce grand sentiment qui faisait reflet au mien ! Mais j'en voulais plus ! Nos désabonnements des sites de rencontre avaient été symboliques : nous reconnaissions ainsi être avec l'âme sœur. Ouf, enfin !

D'autant que notre intimité m'avait amenée à lire les chiffres de ses divers comptes en banque, de gros gâteaux qui renforçaient mon attachement !

Je l'avais découvert cœur fragile avec deux crises cardiaques hospitalisées, invalidantes dans le passé, je le savais bien suivi, régulièrement surveillé… Il devait "faire attention", ne "pas trop en faire" ! Mais, rien n'est sûr, j'en ai eu la preuve malheureuse…

J'explique : six jours que j'étais son épouse officielle, nous étions au Paradis, zénith où nous fêtions nos alliances qui brillaient… Je gémissais l'acmé, ses coups de reins me faisaient chanter… Tout le jour, nos regards se croisaient, il me lisait des brides du livre du moment, proposait des destinations de voyage, se mettait à cuisiner…

J'avais les yeux fermés, recueillie sur le plaisir qui montait en vagues, il s'est affalé sur moi… Un gros bang qui m'a fait très mal… Que faire d'autre que hurler ma panique tout en m'extirpant de ce duo brûlant ? Pas facile, croyez-moi de reprendre vie après tout l'imposé par la catastrophe.

Septuagénaire, veuve. Je pleure, il faudra que je me reprenne. Comment ? L'Oasis, peut-être ? Pas tout de suite, il m'a bien marquée ! Les sites ? Non, mauvais souvenir. Je verrai…

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Des fois, j'y pense à ces deux êtres dont j'ai partagé en curieux la découverte, la reconnaissance. Qu'ont-ils pu devenir ? Toujours sur Cannes ? Ensemble ou pas ? Enfin heureux, complets ? Aucune femme habillée de rouge passe ou consomme sans m'alerter ! Aucun longiligne bien mince, aux cheveux gris qui volètent… non plus. Mais la Vie reprend sa route : bonjour, Messieurs Dames, que puis-je vous servir ?

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J'ai su. Oui, immédiatement, que j'avais devant moi, mon double, mon complément, à ne pas laisser filer. J'ai ri comme jamais depuis bien longtemps. Nous étions des opposés, complémentaires : par exemple, mon hobby, le sport, avec une préférence pour la bicyclette de concours, à grimper le Mont Ventoux, pendant qu'elle, des heures sur son bureau, écrit des nouvelles, de la poésie, des romans… à illustrer, à calligraphier (ses explications m'ont passionné, donné envie…). Ou moi, lors des courses dans mon bateau, en solitaire… Elle, toute mignonnette inscrite dans des écoles de danses de salon, je me la représentais "tangotant" joliment alors que j'affrontais les vagues d'un quelconque océan ! Moi, amoureux fou de Minnie, ma chienne, elle raide dingue de sa chatte, Perlette. Par contre de larges similitudes quant aux voyages, sans préférence pour destinations, cultures… Encore des échanges qui n'en finissaient pas…


Joséphine
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Phrases d'auteurs...

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

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