Par CRAY le vendredi 21 janvier 2022
Catégorie: Textes d'ateliers

Libertalia

Sans longue vue, la baie est invisible, l'œil acéré d'un marin peut voir la danse de l'eau, ou parfois un tourbillon au milieu des vagues.

Franchir la passe demande une habileté ou cette virtuosité du marin qui fait corps délicatement avec l'onde fougueuse, indocile, indompté de cet océan.

Baisser les voiles et laisser le bateau chavirer, tanguer périlleusement et glisser au milieu des 2 rochers, gardiens du chenal, sentinelle inébranlable d'une baie sans pareil : 3 anses en forme de pétales, une eau apaisée, limpide, translucide, lumineuse où les couleurs du ciel se mire, des reflets turquoise folâtre avec le sable blanc luisant.

Sur la plage, les feuilles de palmiers bruissent, caressent au gré du vent les branches tortueuses et sèches des baobabs. Sur la pente des dunes, , fougères, cactus et agaves s'entremêlent.

Au sommet de la dune la plus haute, 4 rochers en forme de tour, à leurs pieds, quelques baobabs aux racines tissées les soutiennent, dans son prolongement une haie de filaos borde la ville.

Libertalia, construite en forme d'étoiles, au centre le magasin aux multiples pièces où sont entreposés victuailles, graines, semences, outils…Tout y est à disposition, sur le fronton une devise « Partager pour vivre ensemble » édifiée à l'image d'un navire regorgeant de réserves, autour en arcs de cercles, 8 allées aligner de cabanes, toutes en bois, élaborée à l'identique.

Tout autour de la baie, 5 canons tournés vers la mer et un canon pointé vers l'intérieur des terres veillent à la sécurité de la ville.

Derrière la ville en arrière-plan, des champs de manioc, un vaste enclos où quelques zébus dépérissent, à coté un parc où les carapaces de tortue dessinent des mandalas et les cocotiers arborent des grappes de fruits, leurs longues branches se déploient vers le ciel et au sol en une roue de verdure.

Entre les champs et la ville un bâtiment en pierre abrite de nombreuses cellules, dans la pièce centrale, une table haute, le long des murs sur les rebords en pierre, des instruments, couteaux, ciseaux, pince posés séparément en ligne jouxtent les bandes de tissu, les garrots, juste à côté creusé dans la pierre, un vase rempli d'eau.

Dans les cellules, des paillasses, cette bâtisse extérieure sépare les malades et les blessés où ils sont isolés et soignés.

Olivier contemple son œuvre, cela fait 7 ans maintenant qu'il a imaginé, organisé et modelé Libertalia, ville de liberté de fraternité et de partage.

Régulièrement, esclaves marrons, exilés, rebelles se réfugient ici. Depuis quelques mois, Olivier s'inquiète, les nouveaux arrivants perturbent l'équilibre de la ville, le manque de femmes, la recherche d'indigène troublent la relation avec les Malgaches et l'insuffisance des réserves créent d'inquiétantes tensions.

A la tombée de la nuit, il partira avec tous les hommes valides, 5 bateaux à l'emblème de l'arbre du voyageur, l'appel des frères de la Côte rassemble les corsaires de toutes les îles de l'océan indien.

Un convoi de navire marchand se dirige vers l'Inde, escortés par 5 navires de guerre anglais.

12 bateaux des frères de la Côte se retrouvent sur les côtes Somalienne où d'anciens esclaves les accompagnent afin de les guider vers un lieu de regroupement connus des seuls autochtones.

On raconte que les Anglais, Français, Espagnols, Portugais à la rumeur de cette république égalitaire se sont alliés afin d'attirer et se débarrasser des Frères de la Côte et ainsi de toutes contestations et de l'image même de la liberté.

On raconte que la légende de cette ville minuscule et lointaine envoute et rompt l'ordre du monde religieux et royal.

On raconte que pendant cet ultime combat, le piège s'est refermé sur ses Frères estimés du Peuple.

On raconte que profitant de l'absence d'adversaires, les Malgaches ont brulé Libertaliaet massacré la population.

On raconte et certains le disent encore que la baie portera pendant des siècles la cicatrice de l'espoir des hommes, que la fatalité s'étendra sur toute l'île où la misère dérobera la liberté.

On raconte et certains le cherchent encore que quelque part sur une île de l'Océan indien, le trésor des Frères de la Côte attend ceux qui rétabliront la liberté, la fraternité et le partage. 

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