Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Noémie N.
22 avril 2024
Textes d'ateliers

Texte d'origine : « La douleur qui précède la chute. Les fantômes qui dansent devant les yeux. Autour, tout est anéanti. C'est vide, déserté. L'image sans le son. On regarde autour de soi. Les formes, les objets, les gens qui habituellement font sens, sont vidés de leur substance. Comme lo...

Mon autre blog littéraire

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Dernier article paru
Dernier article paru

Orwell et le langage

Le langage contemporain aurait-il quelque chose d'orwellien?

Lire

Taille du texte: +

A chaque coup de pioche...

istockphoto-1089432446-612x612

 A chaque coup de pioche la poussière s'élève en un nuage sec qui agresse la gorge et vient se coller à la sueur, maculant le visage, les bras, blanchissant les cheveux, formant des plaques sur les pantalons raidis de crasse et mouillés de transpiration. D'un revers de sa manche à peine retroussée, il essuie son visage, traçant des sillons humides dans la pellicule beige qui imprègne la peau. La sueur irrite ses yeux, ruisselle le long de son nez, se fige un instant, avant de cascader vers le sol en gouttes pesantes.

La pioche est lourde. Presque deux kilos. En fait c'est un croc, mais ici on dit pioche. La tête en acier forgé, divisée en trois dents, est percée d'un œil qui permet de l'emmancher.
La main gauche au bout du manche, la droite à mi longueur, l'homme élève l'outil au-dessus de sa tête, puis, en un arc de cercle à la fois puissant et harmonieux il l'abat au sol, l'enfonçant profondément. Ensuite, il repousse le manche pour faire pivoter l'outil, le fait jouer latéralement plusieurs fois pour finir, en un geste lent mais vigoureux, par le tirer vers lui, soulevant la terre qui emporte la plante avec elle. Il reproduit deux ou trois fois ces gestes afin de contourner la plante et l'extraire totalement. Dès qu'il juge l'avoir suffisamment dégagée, alors que la terre forme une motte à ses pieds, il l'arrache d'une main ferme et la secoue pour faire tomber les pommes de terre encore attachées. Maintenant, la terre est plus sombre, légèrement plus humide. Il faut être attentif, précis, ne pas planter sa pioche dans les tubercules, mais passer au-dessous, soulever délicatement la motte pour les extraire. Enfin, poser l'outil pour les cueillir à la main, fouiller cette terre meuble, noire, nourricière, pour dénicher celles qui sont restées cachées, et, toutes, les étaler au soleil. C'est seulement après, dans une heure ou deux, lorsque la terre grasse, collée, aura séché, se sera désagrégée en poussière, qu'on les mettra dans de grands sacs de jute pour les rapporter à la maison. Sans cesse, toute la journée, l'homme alterne puissance brute et force attentive, violence et précision, grands coups de pioche et cueillette manuelle dos courbé. Parmi les travaux de la terre, souvent exigeants, la récolte des pommes de terre est probablement l'un des plus épuisants.

Chaque année, au mois de juillet, alors que la chaleur est au plus fort, quand elles sont mûres, que les plantes desséchées s'étiolent en rameaux jaunâtres et déchiquetés, il faut vite les ramasser. Ses deux beaux-frères, vignerons dans un petit village à vingt kilomètres, viennent alors l'aider à rentrer la récolte. Pendant trois jours, de cinq heures du matin à sept heures du soir, avec une pause entre midi et trois heures, ils piochent, creusent, fouillent, soulèvent, ramassent, remettent la terre en place en brisant les mottes, et, sans effort apparent, portent les sacs de 50 kilos jusqu'à la remise qui jouxte la maison, à 100 mètres du jardin.

Ils ont entre 50 et 60 ans, ont toujours travaillé la terre, et savent que, pour gagner sa vie, même chichement, il faut travailler sans relâche, sans se préoccuper du froid ou de la chaleur, du poids de la pioche, du dos qui n'est qu'un torrent de douleur. Toute l'année ils espèrent que la gelée et la grêle les épargnent, que la sècheresse ne persiste pas, et que les pluies ne soient pas trop abondantes. Si le terrain est fertile c'est parce que, proche de la rivière, il a été souvent inondé. Il y a quelques années, en 56, tout a gelé dans la région. Même les oliviers, pourtant millénaires, n'ont pas résisté. Il n'en reste pratiquement plus. Comme le mildiou et l'oïdium pour la vigne, les maladies sont une menace permanente pour le maraîcher, mais aussi les courtilières, les doryphores, les taupes...

En travaillant, ils parlent peu, ne se reposent pas souvent. Quelques mots, des consignes, quelques brèves réflexions sur le temps, la maladie d'un voisin, la santé, la famille, les études des petits- enfants, les élections municipales, le foot, le S. O. Montpellier qui ne brille guère... Pendant les pauses, à se partager la bouteille de bière ou de limonade, ou encore pendant le repas de midi, ce qui occupe leurs conversations, ce sont la pêche et surtout la chasse. Les beaux-frères ne pêchent pas. Chez eux il n'y a pas de rivière. Leur passion, leur passe-temps, leur seul véritable loisir en dehors d'une partie de pétanque de temps en temps, c'est la chasse. Pour lui, la pêche, c'est le braconnage pratiqué sans scrupules depuis son enfance. Il ne revend pas, ne dépeuple pas la rivière. Juste quelques belles truites pour le plaisir, si grosses qu'on les fait cuire au four du boulanger et qu'on les mange découpées en tranches en famille ou avec les amis, des cabots, des barbeaux, de temps en temps une perche. Ses nasses, ses « garbelles », il les entretient aussi bien que ses outils de jardinier... Elles ont été bien utiles pendant la guerre !

La guerre ! Il y a moins de vingt ans qu'elle est finie mais ils n'en parlent pas. Les mauvais souvenirs, on essaie de les enfouir, on ne les partage guère. Ce n'est pas de la fierté, non. Plutôt de la pudeur. L'un des beaux-frères a été prisonnier en Allemagne. De ça non plus il ne parle jamais. De temps en temps, ils évoquent quelque anecdote, les réfugiés, les privations, les astuces pour manger à sa faim ou dépanner les parents et amis à Montpellier : à la campagne, malgré les restrictions, c'était tout de même plus facile qu'en ville !

Souvent, à la lecture d'un article du journal ou au détour d'une conversation, leur regard, ponctué d'un mouvement du menton, semble indiquer leur conviction que rien, jamais, n'est tout blanc ou tout noir mais que l'histoire condamne ou glorifie en bloc, sans se préoccuper des nuances. Ils savent que, pendant ces années noires, la population n'était pas uniquement divisée en deux groupes, ceux, d'un côté, engagés auprès de Pétain, allant jusqu'à collaborer avec l'Allemagne, et, de l'autre, les résistants authentiques, de la première heure, probablement plus nombreux aujourd'hui dans les livres et au cinéma qu'ils n'étaient à l'époque, en Cévennes ou ailleurs... Entre ces deux extrêmes il y avait tous les autres, les plus nombreux, depuis ceux qui ne voulaient pas s'opposer au maréchal parce qu'il représentait le gouvernement, qu'il avait obtenu la paix, que ça correspondait à leurs convictions religieuses et morales, à leur éducation, jusqu'à ceux qui ont rejoint les foyers de résistance sur la fin, quand le vent commençait à tourner... Parfois ils évoquent à demi-mots les règlements de comptes, après... Ou encore ceux qui ont su profiter des circonstances, du marché parallèle, qui, sans scrupules, étalent aujourd'hui leur opulence...

Mais ils ne jugent pas. Et souhaitent ne pas être jugés. Maintenant, ils ne demandent qu'à oublier, en espérant que cela ne revienne jamais.

L'hiver, le jardin laisse du temps libre au jardinier ; à la nuit tombée la belote coinchée, au café du Centre, accompagnée d'un Amer ou d'un Picon, et le matin, tôt, dans le froid glacial, l'espère, c'est- à-dire l'affût. C'est si bon, les petits oiseaux, lardés, rôtis dans un peu d'huile, avec une gousse d'ail ! Les parfums, alors, envahissent la cuisine, débordent dans la rue, appelant au plaisir d'un authentique festin aux rustiques saveurs qui, au bord de l'assiette, ne laissera que les becs ! Souvent, le dimanche, accompagné d'un ou deux amis, il rejoint ses beaux-frères. Pas de battue, non. Quelques chiens, un petit groupe d'amis, un panier rempli de pain, de saucisson, de pâté maison, de pélardons et d'une bouteille tirée au tonneau.

Ces journées à traquer lièvres ou perdreaux, sont parfois émaillées d'anecdotes réjouissantes, de faits-d'armes enjolivés par le temps, de rencontres surprenantes... Et, de ça, on en parle... Même en juillet, en ramassant les patates !


C'est d'ailleurs au cours d'une partie de chasse...


Haïkus...
Haïkus
 

Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le samedi 4 avril 2020 22:04

Un texte que Didier vous invite à prolonger selon votre inspiration...

Un texte que Didier vous invite à prolonger selon votre inspiration...
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
mercredi 1 mai 2024

Textes à redécouvrir

27 novembre 2020
Son nom résonne encore aujourd'hui, tel une mélodie entêtante qui vous suit tout au long de la journée, du réveil au coucher. Notre rencontre, je m'en...
760 lectures
17 mai 2021
Mathilde Ouf, j'en pouvais plus d'entendre Irène tout régenter comme une maitresse d'école. Je vais me poser là ,bien tranquille, sur le fauteuil du j...
650 lectures
28 mars 2022
Avec les propositions sur le flux de conscience et le monologe intérieur, nous avons tenté de réduire la distance entre le texte et ce qui e...
478 lectures

Phrases d'auteurs...

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mots-clés

Absence Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Baiser Bateau Blaise Cendrars Cadre Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Construction Corps Couleur Couleurs Couple Course Covid Description Désert Désir Dialogue Diderot Douleur Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Emmanuel Berl Enfance Enumérations Ephémère Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Faulkner Felix Fénéon Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Julio Cortázar Langue Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lieu Littérature américaine Main Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musicalité Musique Mythe Mythes Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Photo Phrase Phrases Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Réécriture Rencontres Résilience Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Vieillissement Ville Visage Voix Voyages Voyeur Zola Zoom