-    "L'Autre d'une femme", roman

Roman chez l'éditeur "les Impliqués".

Le livre commence avec les derniers instants de vie de la mère de l'héroïne, Flo, dans un EHPAD pendant le covid. Se révèlent peu à peu deux relations mère - fille hors du commun entre amour et haine et le lecteur accompagne Flo dans sa quête : retracer les trajets de vie de sa mère et de sa grand-mère, deux femmes ballottées par l'histoire du XXe siècle.

Quatrième de couverture du roman :

Voici son texte, un texte-partition, la partition reconstituée d’une vie.
Flo ne dirigeait pas la musique ou si peu, simple interprète d’un chant commencé bien avant elle, elle n’a longtemps fait que lire les notes d’une autre. Inconsciente de sa propre voix, elle ânonnait, souffrant de ne pouvoir offrir à ce chant un meilleur organe, elle révérait l’ouvrage, pétrifiée par un drame qu’elle devait porter, nourrir, dont elle garantissait la mémoire. Le chef était une femme, vigoureuse et fragile, tellement prise par sa musique interne que les interprètes n’en étaient que les instruments. Et jamais de polyphonie ! Il aurait fallu pour cela des voix qui  gardent chacune leur ligne de chant, leur partie, sinon plus de chœur, mais un chant à plusieurs. Et c’était là son lot, pour Flo, il n’y avait qu’un seul chant possible, une seule voix. Une voix qui pouvait fluctuer, mais chaque registre devait s’y fondre, ne jamais s’en désolidariser et, surtout, n’écouter que le chef. Flo a chanté cet hymne les cinquante premières années de sa vie. C’est beaucoup, sa voix a bien failli s’y perdre. Elle a mis des années à la retrouver.
 Et pour cela, il a fallu que, quelque part, un processus s’enclenche, un vaisseau, puis un autre, des cellules qui lâchent, qu’un cerveau se détruise et qu’un récit s’efface, laisse chanter d’autres versions, d’autres timbres, plus fluides, moins entêtants. Alors, peu à peu, la musique s’est distendue, ouverte à d’autres influences.
Le fardeau s’est défait. Elle a soudain senti quelque chose de nouveau, quelque chose auquel elle n’avait pas accès, bloqué par des images, des histoires dites, répétées, inventées, quelque chose émergeait, presque neuve à force d’avoir été submergée, toujours ramenée à une autre, une velléité timide sous un flot d’émotions, de déterminations, de souvenirs d’une autre. Hésitante, elle a découvert peu à peu l’envie de s’écouter, le plaisir d’entendre vibrer son propre jeu : une chose ordinaire avec ses désirs, ses contours et le droit à ses propres souffrances. Alors eut lieu une naissance. La naissance d’une existence ? Tout simplement la sensation de soi. 

Roman L'Autre d'une femme Sylvie Reymond Bagur