Par Anne-Marie Dufes le mardi 30 mars 2021
Catégorie: Textes d'ateliers

Une nuit, il fit jour

La nuit s'installait doucement, Le soleil, au pied du chêne, disparaissait et la forêt se retirait pour se noyer dans l'ombre. Une couverture indigo recouvrait le sol, le jour sans force, s'abandonnait à la fraicheur du ruisseau. Le vert des châtaigniers devenait cendre, leur grosse masse aveugle se découpait sur un ciel de cristal. Le doigt hagard du cyprès venait troubler sa limpidité. Sur la montagne, les maisons s'étoilaient peu à peu. A l'affût, comme une bête aux abois, la nuit envahissait le temps. Mes yeux horriblement ouverts cherchaient un point d'ancrage, l'espace d'une seconde, je fus perdue. Une brusque bouffée de mémoire me prit à la gorge et tout s'enfonça dans l'angoisse.Commença, alors l'étrange.Un frisson nocturne me parcourut le corps tout entier et le cœur plus encore. Les palpitations de ce dernier m'habitaient et décuplaient les limites de ma chair. Une odeur d'ombre s'immisçait à l'intérieur de moi. L'air frais griffait ma trachée faisant une ouverture sur le monde je me diluais dans l'obscurité. J'étais ici et là-bas, la peur s'évanouissait. J'appartenais à l'espace, j'étais arbre, herbe, vent ...la réalité était plus ample, plus vive, l'instant s'effaçait au profil d'une plénitude intemporelle. J'ouvrais les yeux pour entendre la frontière du silence, le temps était l'espace. A la lisère du bois, sous la virgule de la lune, un rossignol philomèle chanta ...vibration de la vie; oui, il y a sur le bord du monde, une petite porte que tu ne vois pas toujours, de prime abord. Un jour, il te vient une respiration, et, les deux mains appuyées sur la margelle de la nuit, tu écoutes, tu t'écoutes et tu mets en lumière ce qu'il te manque à vivre avec tous les possibles que tu n'imaginais pas. Au bout de la nuit, quand la porte se referme, il te reste le défi d'exister pleinement. Ce jour-là, la nuit, il fit jour. 

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