Par Delphine C. le vendredi 12 juillet 2024
Catégorie: Textes d'ateliers

Quatre à deux

Jean-Emmanuel et Marie-Hélène

À eux deux déjà : ils sont 4, cherchez l'erreur ! Des saintes, des saints, pas d'esprit…

C'est peut être ça l'erreur, une maldonne dès le baptême ! D'abord la Grande Sainte bien nitouche !

Il faut la voir avancer, le dimanche, dans la nef de l'église avec sa bouche enduite de rouge du rayon peinture de Leroy Merlin, dessinée à la truelle.

Elle avance mollement sur ses jambes dressées en jambonneau dans l'allée centrale vêtue de vêtements étriqués, étirés et fatigués à force de contenir dans du 36 un corps de gabarit 44.

Elle pose un genou, empâté, à terre, lève son front suant et s'incline, soumise, devant son maître absolu. Elle se prosterne si bas que ses cheveux balayent le parvis et des gâteaux entamés dégueulent de son sac à la fermeture éclair cassé.

Marie-Hélène rougit, poire confite, devant les regards obséquieux des dévots et époussette sa robe à frange de balai espagnol.

Elle joint ses mains découvrant ses doigts de saucisse élevée aux antibios lacérant son chapelet et regarde avec envie le corps parfait de son dieu.

La, elle salive, la cochonne et une goutte d'eau apparaît au bord de sa bouche asymétrique. Elle se lèche les lèvres avec insistance rêvant de don, de gâterie. Ah la bougresse !

Elle a la foi bien placée !

C'est à ce moment-là que Jean-Emmanuel  fait son entrée au bras de sa mère, habillé de son costume d'apparat de couleur caca d'oie et de son pantalon à la teinte pisse d ́asperge.

Le genre de physique banal, oublié en un quart de seconde, un large front vide, une bouche incolore, des petits yeux creux.

Les pêcheurs se lèvent.

Toux, raclement de gorge.

L'orgue se réveille :

« Le seigneur soit avec vous…/...

« aimez vous les uns les autres écoutez mes paroles et vous vivrez !»

La sainte Marie-Hélène est en extase devant le corps aux proportions parfaites de son Jesus Chris sur La Croix.

Seulement ses oreilles perçoivent une voix divine qui chante dans le rang à côté. Elle s arc-boute et croise le regard ardent de Jean-Emmanue.

Elle se liquéfie et saisit les rebords du banc de devant.

Un ange passe ! Les saints louent les miracles.

Le prêtre tend l'hostie et la partage.

Ces deux-là se reluquent et ouvrent la bouche simultanément.

Lui, fasciné par les bigotes, à une révélation. Il se met à remercier Dieu de sa bonté intérieurement. Il se frotte les mains devenues poisseuses et liquides.

Il glousse d'aise et il fouille dans sa banane à la recherche de sa bourse de pièces.

Il égrène les pièces au passage de la panière et sourit tel un diable en croisant le regard lubrique de sa Marie. Ah Marie !

Il est temps de quitter sa mère, et rejoindre sa sainte.

Il se glisse entre les rangs et se tient fier comme Artaban à ses côtés.

Elle se dandine alors comme une poule farcie aux petits oignons, son corps devenant ridiculement suggestif et sexualisé. Elle devient pondeuse de regards gênés de l'assistance.

Il lui susurre à l'oreille qu'il est libertin.

Elle pense à sa chanteuse préférée Mylène Farmer et son tube "Libertine".

C'est un signe de Dieu d'aimer la même chanson. Libertin, libertine elle se sent libre elle aussi. Elle n'a jamais compris tous ces mots. Elle lui attrape le bras et ses ongles s'enfoncent dans son bras mou.

Il ferme les yeux devant cette exquise sensation. 

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