Par Marianne C. le mardi 28 mars 2023
Catégorie: Textes d'ateliers

La maison aux volets rouges

Il l'a trouvée, la maison aux volets rouges où habite Laura. Ce n'était pas très difficile. Elle lui avait décrit la place de l'église et les volets, les seuls rouges de la ville. Il s'est assis dans le café, juste en face dans un coin, un peu à l'écart.

La fenêtre, qu'il regarde depuis une heure maintenant, s'est allumée. Il est stupéfait. Il n'a pas vu le soir tomber ni les fenêtres de la ville s'éclairer les unes après les autres. Il fait nuit tôt en décembre. Il aurait pu s'y attendre pourtant. Où pourrait-elle aller à cette heure et dans ce froid, sinon chez elle ? Il est cependant abasourdi de voir soudain à travers la fenêtre, chez elle. Lui, il voulait voir la maison aux volets rouges dont elle lui avait parlé. Mais voir chez elle. Non, il n'y avait pas pensé.

Maintenant, il ne peut détacher son regard de cette fenêtre. Il voit une table en bois sombre au centre et trois chaises avec de hauts dossiers recouverts d'une tapisserie vert-sombre. Derrière, il distingue un petit canapé beige avec deux coussins rouges et sur le mur, il reconnait la photo dont elle lui a parlé - une ferme basse en pierre avec des volets bleus, celle de ses parents -. À côté, une campagne peinte avec une rivière en bas qui luit sous la lumière du lampadaire.

Mais tandis qu'il se demande ce qu'il doit faire - rester et regarder ou partir- voilà qu'elle entre en pleine lumière devant la fenêtre. Laura. Sa Laura.

Il a juste le temps de se rejeter sur le dossier du canapé orange du Café de la Place. Une peur absurde qu'elle ne le voie, caché là. Une peur sans objet évidemment. Il attend un instant puis s'avance doucement, retrouve la fenêtre et Laura.

Elle porte le pull bleu ciel qu'il connait avec des torsades et un pantalon noir. Elle a attaché ses cheveux blonds dans un petit chignon et de là où il est, elle lui parait plus âgée. Un peu plus femme. Un peu moins elle-même, enfin, celle qu'il connait. Une autre personne presque.

Elle disparait vers la droite, la cuisine sans doute car elle revient avec une nappe et des serviettes jaunes qu'elle pose sur la table. Elle va et vient ensuite, disparait et réapparait avec des tasses et une théière, puis des verres et un plat portant un gâteau rectangulaire, enfin une carafe blanche et des assiettes. Elle les dispose lentement avec réflexion, les tasses devant les fauteuils, le plat à gâteau au centre à côté de la carafe, les serviettes pliés en triangle sur les assiettes.Elle s'écarte de la table, regarde, parait satisfaite, repart.

Cette fois, lorsqu'elle réapparaît enfin - il avait craint qu'elle ne soit partie - elle n'est pas seule. Un homme est entré. De taille moyenne et brun, avec un manteau noir qu'il pose sur le canapé, Il l'embrasse. Elle se love un instant contre sa poitrine ce qui lui fait comme un coup de poignard dans sa poitrine à lui. Il lui caresse les cheveux un moment, la regarde lui aussi. Il ne voit qu'elle, de face, qui lui sourit, de ce sourire qui fait pétiller ses yeux et creuser une fossette sur sa joue droite. La fossette, il l'imagine bien sûr, il n'a pas besoin de la voir. 

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