Par Anne-Marie D. le mardi 14 décembre 2021
Catégorie: Textes d'ateliers

Du geste au personnage

Au milieu de la foule, il s'assoit, plie la jambe droite et pose son pied sur l'autre cuisse, sa main guide le pied pour l'accrocher à sa hanche et se fige. Lentement la jambe gauche se replie derrière lui, son corps se penche dans le déséquilibre du mouvement puis se redresse. Il donne un élan au balancement du haut de son corps, la tête droite, les yeux fixés juste en face de lui vers un ailleurs que nul ne peut accéder.

Lorsque le concert commence et que la foule bat le rythme, les mains levées, il tend un bras, puis l'autre, pointe successivement trois doigts. Lorsque ses mains effleurent les mollets, l'entourage jette un coup d'œil rapide sur lui qui oscille, et s'écarte.

Un vide s'installe autour de lui. Le public acclame debout les rockers qui se démènent sur la scène. Lui, les yeux hagards, toujours fixés droits devant lui, touche à nouveau machinalement ses mollets comme pour s'assurer de la présence d'un objet. Puis rassuré, il se lève et se hausse sur la pointe des pieds, regarde aux alentours et jauge les personnes, les lieux. Son regard devient perçant, affuté. Il se balance un peu de droite à gauche, il mesure l'espace. La sono est toute proche, elle crache une musique agressive, il sourit énigmatiquement. Il lève à nouveau les bras et pointe trois doigts sur la scène. Derrière lui, les spectateurs interloqués reculent. A nouveau le balancement du haut du corps, puis soudain il se penche et attrape un pistolet dans ses chaussettes et tire en rafale. C'est le 13 novembre, nous sommes au Bataclan.

Bernadette et Anne-Marie

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