Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Anne-Marie Dufes
14 avril 2024
Textes d'ateliers

Qu'est-ce qui précède l'idée? La sensation, les images mentales, les mots? Ou est-ce de l'idée que découlent le flux du texte en s'appuyant sur le ressenti, les sens, les associations… Vraisemblablement tantôt l'un, tantôt l'autre et les deux à la fois. Explorons donc. Une boule d'Anduze, senteur mi...

Mon autre blog littéraire

Des articles sur l'écriture, des conseils, des exemples, des bibliographies et mes propres textes. Ci-dessous, les derniers articles publiés.

Visitez mon blog

Nina Berberova, Le Laquais et la putain

L'intensité d'un court roman "à la russe"...

Lire...

Ecrire juste ?

Il faut « Écrire juste », voilà une formulation essentielle que j’ai envie d’interroger...

Lire

Taille du texte: +

Terramer

Elle s'est découpée dans la lucarne du hublot. Une île, un ilot plutôt. Terramer. Sous l'aile de l'avion, le soleil rasant dévoile les contours d'un pays que je quitte. Dans cette heure entre chien et loup, au-dessous de la carlingue, quelques rares points lumineux éclosent çà et là. Ils tracent en pointillé les contours de sa circonférence et délimitent son territoire.Un terroir kaolin au zénith, sil au couchant, noir à la nuit.

Sur les collines de sable doré qui l'encerclent, ses tours en terre cuite dressent vers le ciel d'où je la contemple une ultime déchirante prière. Carrées, rectangulaires, leurs formes géométriques s'épanouissent le long de venelles rectilignes, sillons de labour inhospitalier où des femmes, des hommes ont trouvé à vivre. Dans ce soir, de cette vue aérienne, Terramer dessine un monochrome labyrinthe d'argile. Et je survole cette rouge oasis du désert sachant que je laisse derrière moi le terreau de ma jeunesse.

Je me souviens.

Terre neuve pour moi, terre de feu, elle brûlait le jour le sol gercé que le vent balayait sur nos visages rougis de cette poussière. A l'abri des murets qui clôturaient les concessions, les femmes. Leurs majestueuses épaules ébènes saillaient du pagne qui enveloppait leurs corps majestueux. Elles pilaient le mil, broyaient le piment, triaient les grains de riz. Sur la place, à l'ombre limoneuse des branches du baobab, sur des nattes tressées en paille rousse, les hommes en boubou aux imprimés cuivrés. Ils palabraient, jouaient à l'awalé, buvaient un thé vert brûlant de la même teinte ocre que leurs champs. Les enfants couraient après un ballon en vieux chiffons terreux, poussaient une voiture en boîte de conserve avec un roseau. Ici, on donnait du temps au temps qui s'était arrêté.

La nuit, à la lumière du halo de quelques réverbères, des élèves étudiaient, tandis qu'autour du feu de cuisine rougeoyant, les adultes mangeaient. Assis à même la terre encore gorgée de la chaleur du jour, ils partageaient une même calebasse de riz au gras brun. De leurs mains expertes, ils façonnaient des boulettes qu'ils portaient adroitement et dignement à la bouche. La noble grâce de leur geste me fascinait ! Et je ne me lassais pas de contempler et d'admirer tant d'élégance dans leur mouvement. Etait-ce alors, à la seule faveur des ténèbres, qu'une acre odeur boucanée hantait l'atmosphère, une odeur que je n'ai jamais plus retrouvée ?

La pluie s'invitait rarement, mais violemment. Des torrents de boue noyaient alors les sentes, submergeaient les cours des maisons, ravinaient les champs de culture. La terre glaise ensanglantait les boubous immaculés. Je ne retrouvais pas dans cet univers argileux et minéral le doux parfum d'humus que la terre exhale après l'ondée que je connus plus tard. Quand les éléments finissaient par s'apaiser, l'eau ruisselante avait lavé la terre qui retrouvait son état originel et la vie son cours.

A Terramer, le sable caramel, la terre sanguine, les façades élevées en parpaing de torchis, les peaux brunes à noir charbon, composaient un terrestre tableau camaïeu.
A Terramer, les couleurs chatoyantes des Wax et des Basins dont les femmes enrubannées se paraient, étaient les seules fleurs immortelles à s'épanouir.
Ce soir, j'enterre Terramer. Cette nuit, je n'aurais plus que des souvenirs à déterrer pour ressusciter la ville couleur café bâtie en terre battue et crue.

Cette nuit, je rêve. Comme l'on fait de la pâte avec de la farine et de l'eau, de leur seule sueur mêlée à la terre, les Terrameriens ont élaboré une glaise dont ils ont fait leurs maisons, leur ville. Cette nuit, je rêve. De si peu peut naître un palais, un royaume, un univers ! Cette nuit, je prie. Puissions-nous apprendre, réapprendre à élever, non pas des châteaux en Espagne mais d'autres Terramer, sobrement, pour notre bienfait et celui de notre planète. 

Le restaurant grec de la rue Didot
Recueil de nouvelles et de textes de l'atelier en ...

Sur le même sujet:

 

Commentaires

Pas encore de commentaire. Soyez le premier à commenter
Déjà inscrit ? Connectez-vous ici
jeudi 18 avril 2024

Textes à redécouvrir

25 novembre 2020
-Hal, Hal, donne-moi l'accès à la pièce de détente, s'il te plait. Hal, cela fait 32 jours, j'ai besoin d'exercice.-Je pourrais te libérer l'accès 2h ...
813 lectures
26 avril 2021
Venue poser, comme tous les après-midi, la dame au voile va bientôt me quitter. J'aime son maintien doux et sérieux tandis qu'elle demeure silencieuse...
711 lectures
10 décembre 2020
L'hiver s'est installé. Au loin, les premières lueurs du jour éclairent tendrement le sommet des montagnes enneigées. Tout doucement la ville se révei...
778 lectures

Phrases d'auteurs...

"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

" La vie procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens."  Raymond Abellio

"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

"Les grandes routes sont stériles." Lamennais 

"Un livre doit remuer les plaies. En provoquer, même. Un livre doit être un danger." Cioran

"En art, il n’y a pas de règles, il n’y a que des exemples." Julien Gracq, Lettrines 

"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."Henri Michaux

"La littérature n’est ni un passe-temps ni une évasion, mais une façon–peut-être la plus complète et la plus profonde–d’examiner la condition humaine." Ernesto Sábato, L’Ecrivain et la catastrophe

"Le langage est une peau. Je frotte mon langage contre l'autre. " Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux 

 

 

Mots-clés

Absence Adresse Afrique Allégorie Alpinisme Amour Anaphore Animal Antonin Artaud Attente Auteur participant aux ateliers Autoportrait Baiser Bateau Blaise Cendrars Cadre Campagne Christian Bobin Chronologie Cinéma Construction Corps Couleur Couleurs Couple Course Covid Description Désert Désir Dialogue Diderot Ecrire Ecrire ailleurs Ecriture automatique Emmanuel Berl Enfance Enumérations Ephémère Epiphanie Erotisme Exil Fable Faits divers Faulkner Felix Fénéon Fenêtre Fête Fiction Filiation Flux de conscience Folie Fragments Gabriel Garcia Marquez Gestes Giono Guerre Haïkus Henri Michaux Humour Idiomatiques Ile Imaginaire Inceste Indicible Instant Japon Jardin Jean Tardieu Jeu Julio Cortázar Langue Laurent Gaudé Légende Léon Bloy Lieu Littérature américaine Main Maternité Mauvignier Médias Mémoire Métaphore Métro Miroir Moment historique Monologue Intérieur Monuments Mort Mots Mouvement Musicalité Musique Mythe Mythes Narrateur Noms de personnage Nourriture Nouvelles Novalis Nuit Numérique Objets Odeurs Oxymores Pacte de lecture Paternité Patio Paysage Peinture Personnage Photo Phrase Phrases Poésie Point de vue Polyphonie Portes Portrait Printemps des poètes Projection de soi Quotidien Raymond Queneau Récit d'une vie Réécriture Rencontres Résilience Rituel Roman Romantisme Rythme Scène Science-fiction Sculpture Secret Sensation Sève d'automne Silence Soir Solitude Son Souvenir Sport Stages Steinbeck Stupéfiants Style subjectivité Sujets d'actualité Synesthésie Synonymes Téléphone Témoignage Temporalité Texte avec "tu" Textes écrits à plusieurs Tobias Wolff Vieillissement Ville Visage Voix Voyages Voyeur Zola Zoom