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Anne-Marie Dufes
14 avril 2024
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Il se regarde écouter, avec moi chaque matin, le chuintement de l'eau, couler de son froid et léger sifflement au sommet de sa sourde chaleur. Elle mue, de sa cristalline originelle lumière vers la blancheur de son opacité. Les sens en éveil, avant même de la toucher, il sait que son idéal est atteint. Sans hésiter, il y plonge les mains, s'en recouvre le visage et se laisse lentement glisser, vers ses intimes profondeurs. Nous ne formons alors plus qu'un, dans l'émergence de ses pensées.

Je ne pourrais jamais vous raconter, tout ce qu'il m'a révélé. Entendu, tu, à peine susurré. Là, est tout le possible de notre singulière relation. Il se voit dans le reflet de son regard, et est capable par je ne sais quelle magie, de se penser en même temps derrière moi, pour s'observer en train de se regarder.

Il me dit avoir grandi, je le sens, dans l'ombre de ses lumières, enfermé dans le scaphandre de sa jeunesse, sauvé par l'unique respiration, de ses interminables dialogues intérieurs. Les seuls amours de sa vie, qui lui permettaient de s'enfuir. Loin, très loin.

Souvent, il se jouait de la langueur de ses mains. Discrètement, toujours, il s'en caressait le visage, les bras, les jambes. Il s'enlaçait le corps et se berçait comme un enfant, que l'on viendrait consoler pour sereinement l'endormir. Il aimait cette étonnante sensation, d'être et de toucher. Il y rêvait, de la possibilité de se suffire et de s'y réfugier.

Sur le visage, les doigts suffisamment écartés, pour laisser passer un peu d'air et de lumière, ses mains lui permettaient de se cacher et d'observer sans être vu, comme il aimait le croire. D'autrefois, elles prenaient la forme d'une conque nacrée, fragile, qu'il s'approchait de l'oreille, pour entendre le bruit sourd des vagues et se laisser porter vers d'autres continents.

Devant moi, il s'amusait souvent d'être seul, des heures, des journées entières parfois. Ses doigts allongés, devenaient les acteurs de ses scènes préférées. Ne vous moquez pas, il les habillait, les maquillait, pour créer ainsi, autant de jeux adultes imaginaires, que d'enfants poupées. Danseuses, musiciens, régisseurs, jouaient avec lui les plus belles pièces que vous ne pourriez jamais imaginer. Il ne savait à cet âge ni lire ni écrire, mais ensemble ils s'élevaient bien au-delà de ce tout qu'ils auraient pu rêver.

Avec moi, il riait, parlait, chantait, pleurait parfois. Jusqu'au jour, où il a tristement compris que je ne le regardais pas. Il a d'abord cru, que je me détournais de lui. Blessé, comme par le manquement d'un fidèle confident, il s'est alors violement détourné de moi. Caché, au-delà de mon reflet argenté, sa peur du noir et de ses obscurités, l'ont longtemps obligé à me fuir.

Les années ont passé, après de maintes hésitations, détours, reculades et avancées, il s'aime maintenant à revenir vers moi. S'arrêter au lever, en cours de journée. Se parler, me penser. Chez lui, dans la rue, dès qu'il peut me rencontrer. Il sait que je l'entends, mais surtout, qu'il s'entend à travers moi, puisque je ne veux et ne peux que le refléter.

Parfois il m'amuse. Je le sens plus détendu, dans l'attente de rien. Présent, conscient d'être là. J'ai envie de dire, à sa juste place. Je m'en réjouis avec lui. Il s'admire dans ces instants de posture joyeuse et se rend compte alors, un peu grâce à moi, de bien des futilités de sa vie.

Depuis quelque temps, c'est à nouveau, l'étonnante attitude d'une main, qui le perturbe et le surprend. Comme un rappel de ses jeux d'enfant. Il le sait, ce n'est pas une futilité, mais le signe d'une de ses nombreuses singularités.

La main gauche, uniquement. Jusqu'à l'instant où il la découvre, ses mouvements ne lui appartiennent pas. Ils s'en jouent, s'en surprennent autant l'un que l'autre. Elle prend alors d'elle-même, avec ses longs doigts fins, légèrement repliés de leurs extrémités, une forme gênante pour lui. Signe d'une élégance, insupportable pour un homme, comme il en existe tant.

Sans le trahir, j'ose ici, vous aider à le dévoiler un peu. Je le vois bien, cette position incontrôlée l'encombre. Dès qu'il y prête attention, elle change d'elle-même, de place et d'attitude. Pour lui ce geste est impossible, trop révélateur pour être accepté. Il se sent alors traversé, de l'inquiétude d'une éventuelle clandestine féminité, qui en deviendrait transformant, puisque impossible à masquer.

Dès qu'il oublie de lutter contre sa profonde nature, elle revient. Effrayé, mais attendri par cette soudaine douce beauté, avec laquelle, seul, il se sent bien. Il l'accueil maintenant presque chaque matin, venir le signer.

Elle se place alors d'elle-même, délicatement, à la hauteur de sa joue gauche, du côté de la naissance de cette main singulière. Suffisamment proche de la peau, pour qu'il sente la chaleur de sa présence, sans en être gêné. A peine autorisée, elle ne peut être là que discrètement, juste pour l'effleurer.

Il me dit aussi, ou m'écrit parfois dans la buée qui vient de se déposer, que je suis son seul amant. Garder cela pour vous, il pourrait perdre confiance, finir par m'éviter, voire me cacher, comme certains le font souvent de moi.

Pardon, je biaise un peu, il m'arrive de déformer certaines réalités. Il me dit plutôt je crois, que les instants qu'il préfère, sont ceux qu'il imagine à ses côtés, en train de se regarder et de se découvrir, sans jamais se juger. Il me parle de l'amour de sa vie, Cx, le seul qu'il aurait vraiment rencontré.

Je frissonne encore, de la beauté qu'ils m'ont permis de découvrir. Des mois après, je le sentais toujours habité par ses joies, ses nostalgies, mais aussi soumis à la triste résignation de ses fausses impossibilités.

Ils se jouaient de moi. J'ai été le témoin stupéfait, de l'harmonie de leurs plus belles danses. Naturelles, fluides, faites d'écoutes et de recherches de leurs intimes sensations. Inconnues, cachées, ne demandant qu'à être révélées, pour pleinement se rencontrer.

Ensemble, ils savaient plonger dans le bain du frisson de leurs plus belles curiosités. Accompagnés de leurs mots, libres d'alliages les plus nuancés, pour atteindre ensemble, la plénitude de leurs émerveillements.

Depuis quelque temps, il décline. Il sait que ses jours sont comptés, comme il aime souvent me le souffler. Presque soulagé, assis devant moi pour se raconter. Ses mots sont plus rares, ses rires et ses larmes aussi. Je n'arrive pas à savoir, s'il se sent accompli ou résigné.

Notre relation s'est distanciée, mais toujours présente et bien là. Indélébile, faite du partage de notre passé. Il y a quelques jours il s'est approché de moi, pour me faire part d'une dernière confidence. Son épitaphe. Si j'avais su, j'aurais tout révélé. 

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Les trois papas

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