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Anne-Marie Dufes
14 avril 2024
Textes d'ateliers

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L'opulente

A l'abri de la courbe profonde du golfe, à ce point de la côte où les terres s'ouvrent pour laisser le fleuve entrer dans la mer, là où les eaux se mêlent, seules quelques façades ensablées, vestiges d'anciennes villégiatures, résistent encore face à l'océan.

C'est en tournant le dos à l'océan, en avançant dans l'estuaire que se découvrent d'autres façades qui se dressent majestueuses et s'étalent sur la rive gauche du fleuve en un ruban de pierres continu, épousant la courbe du fleuve, comme une invitation pour le voyageur à aller toujours plus loin vers l'intérieur des terres, sur des kilomètres, à rebours du courant impétueux du fleuve, pour enfin apercevoir la ville si belle comme posée là depuis la nuit des temps.

Dans le croissant du fleuve, sur ses rives marécageuses, à l'écart des grands horizons, la ville a établi son port qui a fait d'elle une cité prospère. C'est une ville élégante, sillonnée d'avenues boisées, de places élargies, de jardins luxuriants, d'espaces de promenade aménagés le long du fleuve. Aux abords du port, des entrepôts vastes comme des cathédrales, des hôtels particuliers aux façades rajeunies, aux balcons en fer forgé, aux porches ornés de mascarons, traces de l'opulence de la ville.

Certains matins paisibles, le brouillard et les fumerolles de brume qui émanent du fleuve lui donnent des allures de grand lac gelé, luisant, métallique, offrant ainsi un miroir naturel aux façades remarquables dont la pierre blonde prend des reflets dorés le soir au soleil couchant. La ville a alors un aspect féérique, irréelle de beauté dans l'écrin du fleuve qui lui offre ce spectacle d'elle, si rassurant.

Mais lorsque le fleuve poussé par la marée montante devient bouillonnant, grondant, charriant toutes sortes de débris, un voile noir s'étend sur la ville, les façades des quais retrouvent leur grisaille, les mouettes n'en finissent plus de leurs cris rauques et toute la ville se tait, se replie sur elle-même, préférant ignorer ce qui est là, toujours à l'affût et qui revient la hanter régulièrement.

On raconte que certains soirs de grand vent, à la nuit tombée, comme venu de nulle part, un vaisseau à la forme imprécise, surgit de la brume comme un bateau fantôme, à l'entrée de l'estuaire, là où l'embouchure se confond entre mer et fleuve. La nouvelle de son arrivée se répand comme une trainée de poudre et atteint aussitôt le cœur de la ville.

Certains affirment qu'il s'agit d'un navire maudit condamné à errer sur l'océan pour expier les fautes de son capitaine, d'autres croient reconnaitre la Marie-Séraphique, bateau qui à l'âge d'or du négoce, d'une côte à l'autre a transporté tant de précieuses cargaisons.

Alors des profondeurs de la ville, monte comme une lamentation. Quelques-uns disent avoir vu une femme, ombre noire qui erre dans la ville, elle pleure, et partout dans les caves et dans les vieux hangars du port, les anneaux de fer scellés dans les murs, d'antiques morceaux de chaînes se mettent à grincer, à gémir.

Portes et fenêtres se ferment, mais rien n'arrête ce chant funèbre qui infiltre les rues, entre dans les maisons, dans les chambres et vole le sommeil et les rêves, pendant que le bateau, majestueusement, silencieusement, remonte l'estuaire et s'aligne le long des quais à hauteur des portes de la ville.

Le fleuve bouillonne, les voiles claquent au vent, il n'y a personne à la barre.

Sur le pont du bateau, debout, une multitude d'hommes se tient, ils sont les uns à côté des autres, bien droits, les yeux grand-ouverts, le regard tourné vers la ville. Et soudain, de ce chœur d'hommes, un chant de douleur et de mort s'élève, en une seule voix, une voix forte qui bouleverse tous ceux qui l'entendent jusque dans le creux des maisons où chacun se bouche les oreilles à l'écoute de cette mélopée qui fait trembler la mémoire.

Et ceux qui racontent, à ce moment-là de leur récit, n'arrivent pas à poursuivre, la peur les prend, les empêche de parler, ils hésitent, bégayent, un seul parmi eux, le plus vieux sans doute, parvient à reprendre et il dit qu'on a entendu ensuite une voix dominer les autres, puis une autre, et encore une autre jusqu'à ce que le bateau entier se mettre à trembler et à crier : « Nous sommes le prix de vos richesses, il va falloir payer, maintenant ! »

Et cette phrase qui résonnait longtemps entre les deux rives du fleuve, était la plus effrayante qu'ils aient jamais entendue.

9 Janvier 2022


Libertalia
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Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le mercredi 19 janvier 2022 13:01

Un texte qui s'empare avec force de notre atelier inspiré par le Nostromo de Conrad. Le lieu, puis la légende offrent la possibilité éminement littéraire d'évoquer un sujet historique en laissant au lecteur le plaisir de deviner de quoi il s'agit et la liberté d'en tirer ses propores conclusions.

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