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Orwell et le langage

Le langage contemporain aurait-il quelque chose d'orwellien?

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Constance


En l'an 1787, le lendemain du jour de Noël, les villageois d'une petite ville du sud assistèrent atterrés à la sortie d'un groupe de prisonnières. De « chétives créatures au teint blafard, ayant à peine la force de se trainer tellement leurs membres étaient ankylosés ». La plus âgée avait 83 ans, la plus jeune était restée enfermée 23 ans. Le tissus de leurs robes était tellement usé qu'on voyait au travers leurs jambes décharnées. Leurs chaussures renforcées de paille et de ficelle semblaient tenir à leurs pieds par miracle. Pourtant elles avaient un fier regard, elles se donnaient le bras, se soutenant les unes les autres et marchaient droit. Les villageois baissèrent les yeux et beaucoup soupirèrent en hochant la tête.

Leur ville était une antique forteresse que l'on aurait fort bien pu prendre pour une cité d'Orient avec ses murs crénelés et ses quinze grosses tours. C'est parce qu'elle avait été construite jadis par Philippe le Hardi sur le modèle des remparts de Damiette et de Jérusalem. Les habitants s'enorgueillissaient d'appartenir à cette ville et ils étaient fiers de son histoire. De son port jadis étaient parties les voiles blanches des navires armés par Saint Louis pour la 7ème et la 8ème croisade. Quand même il s'agissait de libérer le tombeau du Christ. Cela compte dans le lustre d'une ville !

Au sud de cette ville s'étendait une vaste plaine inculte. Depuis toujours des taureaux noirs et des chevaux blancs y paissaient en liberté. Sauvages. L'eau blanche des salines miroitait au grand soleil et la ligne bleue de la Méditerranée soulignait l'horizon. C'était beau cet espace infini.

Mais ce matin là les villageois ne pensaient pas à la beauté du lieu, ils étaient saisis d'effroi à la vue de ces femmes misérables. Beaucoup se demandaient quelle avait pu être leur faute. Etaient elles des voleuses, des blasphématrices ? Pas des criminelles tout de même ? Bien sûr parfois en passant prés de la tour ils avaient entendu des gémissements et même des pleurs d'enfants. Mais est ce que le peuple se mêle de savoir ce que décident le roi et ses juges ? Certains chuchotaient entre eux, se renseignaient. Un prêtre était là, il savait peut être ? La robe noire marcha vers le groupe de femmes. L'une d'entre elles semblait guider ses compagnes. Elle s'appelait Marie. Le prêtre s'adressa à elle et lui proposa de venir se restaurer dans la cour du presbytère.

- « Non, dit elle, d'une voix ferme, nous voulons voir la mer ».

Le prêtre resta les bras ballants avec sa charité dédaignée mais il ne dit mot. Le groupe de femmes en haillons poursuivit son chemin jusqu'aux portes de la ville. Quelques personnes les suivaient à faible distance, le prévôt des marchands était parmi elles.Serait il d'avantage entendu ?

Arrivées prés des rochers de la plage, certaines des femmes s'assirent, comme épuisées. Trois d'entre elles s'avancèrent vers les vagues, quittèrent leurs chaussures étranges et se mouillèrent les pieds. L'eau devait être froide malgré un soleil d'hiver avenant. Cela ne les rebuta pas. Elles restaient là, les chevilles dans l'eau, le buste tourné vers l'horizon, telles des figures de proues, aspirant l'air salé par petits coups. C'était comme si elles apprenaient à respirer. Au bout d'un moment elles rejoignirent le reste de la troupe. Elles se pressaient les unes contre les autres comme si elles faisaient partie d'un même corps. Leur assemblage ressemblait à une grosse goutte d'eau avec Marie à la pointe. Celle-ci sortit un livre de sa poche et l'ouvrit.

- « Prions mes sœurs, recommandons nos âmes au Très Haut qui a voulu que nous soyons enfin libérées. Continuons de conformer notre vie à ses enseignements. Que nos voix qui ont été si longtemps muselées dans les assemblées du désert et dans nos geôles montent enfin jusqu'au ciel. »

Et devant les villageois ébahis un psaume clair sortit des gorges de ces femmes qui avaient semblé prés de trépasser.

- « Ce sont des parpaillots, ce sont des parpaillots... » entendit on chuchoter. »

Un homme très âgé se tenait à l'écart. Il avait l'air de savoir. N'était ce pas l'ancien gardien, celui qui se tenait à l'entrée de la Tour, devant la herse ? On l'interrogea.

- « Oui, ce sont bien des femmes appartenant à la religion réformée. Il ne restait plus qu'elles dans la prison. Si elles sont là c'est parce qu'elles n'ont jamais voulu abjurer leur foi. Et pourtant j'en ai connu des geôliers qui étaient pleins de haine et qui les tourmentaient avec un zèle têtu pour les faire changer d'avis. Mais elles étaient tellement dures au mal qu'elles finissaient par user leur fanatisme. Je n'osais guère en parler mais ce qui se passait dans cette Tour me tracassait. Le plus cruel, ce qui me tuait le coeur voyez vous c'étaient les mères enfermées avec leurs petits enfants. Oui, oui, je vous l'assure, il y en a une qui est arrivée avec un bébé de trois mois. Il est resté en prison jusqu'à ses quatre ans. Ensuite des parents sont venus le chercher. C'est moi même qui les ai laisser entrer.Ils me faisaient tellement pitiétous les deux… »

Le chant s'était tu. Les femmes restaient là, tranquilles, comme apaisées. Le prévôt s'avança vers elles :

-« Comptez vous rester dans la ville ? Qu'avez vous l'intention de faire ? »

Marie, toujours elle, lui répondit :

- « Nous attendons des compagnons qui doivent venir d'Ales pour nous porter secours »

- « Avez vous besoin de quelque chose ? »

- « Non ! »

- « Mais, mais… pourquoi refuser notre aide ? »

- « Pourquoi ?… Nous avons pris l'habitude de nous débrouiller seules. Seules ! Vous ne pouvez pas comprendre ce qu'a été notre vie durant tant d'années. Allez le demander à la geôle infâme où nous étions enfermées aussi sûrement que dans les ténèbres d'un tombeau. Peut être alors saurez vous qui nous sommes ! »

Alors ils y allèrent, trois d'entre eux, le prévôt et deux villageois. Ils marchèrent jusqu'à cette tour puissante qu'on appelait « la Tour de Constance », une sorte de donjon aux flancs de pierre à l'arrondi parfait. Ils la connaissaient mais il n'y étaient jamais entré. Ils y pénétrèrent par un pont de trois arches jeté sur un fossé. Aucun garde, personne pour leur barrer la route. Ils traversèrent un étroit vestibule taillé dans l'épaisseur des murs et tombèrent au rez de chaussée sur une immense salle ronde. L'endroit était désert et sa hauteur impressionnante. Dans le plafondcourrait une chemin de ronde dont les ouvertures donnaient sur le premier étage. Ils comprirent que c'était la salle des gardes et que ce chemin avait été aménagé exprès pour surveiller les prisonniers qui devaient se tenir au dessus. Constamment sous l'oeil des gardiens ! Ils voulurent monter à l'étage et trouvèrent l'épais escalier en colimaçon qui y menait. Ils entrèrent. La salle était vide elle aussi. Juste quelques hardes en tas dans un coin et qui sentaient fort. De larges meurtrières garnies de barreaux de fer laissaient passer en sifflant le vent des marais. La lumière n'y filtrait qu'à regret. De la pierre, rien que de la pierre. Ils avancèrent avec prudence dans tout ce sombre. Et c'est alors qu'ils distinguèrentau centre, sur le sol, une margelle qui entourait une ouverture ronde percée dans la voute de la salle des gardes. Et sur cette margelle, quelques lettres creusées dans la pierre. Avec un outil métallique ? Avec les ongles ? Quelques lettres en capitales qui formaient un seul mot : RESISTER

Hélène Delprat. 

Elle
​Les vaches de Paul

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Commentaires 1

Bernard N le lundi 23 mars 2020 20:02

Bonjur Hélène, je ne savais pas que c'était toi Helène Delprat. Mais je reconnais ton texte que j'aime beaucoup. Je suis content que tu l'ais mis ici.

Bonjur Hélène, je ne savais pas que c'était toi Helène Delprat. Mais je reconnais ton texte que j'aime beaucoup. Je suis content que tu l'ais mis ici.
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jeudi 25 avril 2024

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